1. Accueil
  2. West Africa
  3. Nigeria

La condamnation de deux amiraux confirme la complicité de la marine dans le vol de pétrole brut

[Nigeria] An Ijaw militant loyal to Dokubo Asari, sits with his gun aboard a boat in the Niger Delta at Tombia, near Port Harcourt, in July 2004. George Osodi
Violence has surged in the delta region after years of corruption and neglect
La marine nigériane a renvoyé et rétrogradé deux de ses amiraux accusés de complicité dans la disparition d’un tanker arraisonné et mis sous séquestre à Lagos pour trafic illicite de 11 000 tonnes de pétrole brut.

Prononcé mercredi par une cour martiale, le verdict confirme les soupçons qui pesaient sur certains officiers supérieurs de la marine nigériane à propos de leur implication personnelle dans le soutage de pétrole brut volé dans la région du delta du Niger et vendu aux tankers mouillant au large des côtes.

Selon les estimations des compagnies pétrolières, ces vols de pétrole brut sont commis par des bandes armées très organisées et représentent 10 pour cent des 2,5 millions de barils produits chaque jour par le Nigeria.

Dans le verdict prononcé par la cour martiale à Lagos, les juges ont demandé la rétrogradation des contre-amiraux Francis Agbiti et Samuel Kolawole au rang de capitaine pour leur négligence coupable qui a permis à l’African Pride, le tanker mis sous séquestre, de quitter le port de Lagos en août 2004.

Le troisième accusé, le contre-amiral Antonio Bob-Manuel, a été innocenté, aucune charge n’ayant été retenue contre lui.

L’African Pride a été arraisonné en haute mer le 8 octobre 2003, près du terminal pétrolier de Forcados de la Royal Dutch Shell. Il transportait illégalement une cargaison de 11 000 tonnes de pétrole brut.

Ses 13 hommes d’équipage russes ont été arrêtés et attendent encore de passer en jugement à Lagos.

Selon le président de la cour martiale, le contre-amiral Joseph Ajayi, Agbiti et Kolawole ont manqué à leur devoir en ne protégeant pas la production pétrolière du Nigeria qui représente 90 pour cent des recettes d’exportation du pays.

“Quelle que soit la sévérité de la sanction , nous aurions manqué à notre devoir si la peine prononcée n’avait pas été exemplaire”, a t-il fait remarquer.

Les deux officiers supérieurs s’en sortent plutôt bien, aucune peine de prison n’ayant été prononcée contre eux.

Toutefois, ce verdict est une mise en cause grave de l’institution que représente la Marine nationale.

Selon le procureur militaire, Agbiti a tenté de libérer l’African Pride le jour même où le tanker a été arraisonné. La cargaison de pétrole a été transbordée illégalement sur un autre navire trois semaines plus tard alors que l’African Pride était supposé être encore sous séquestre.

Les dossiers en possession de la cour révèlent que Kolawole a permis à une délégation russe de visiter le tanker sans autorisation et a couvert la fuite du navire le 10 août 2004.

Selon l’accusation, Agbiti et Kolawole sont aussi coupables d’avoir "falsifié, détruit et soustrait des documents" du dossier après la disparition du navire.

Jonathan Ihejiawu et Suleiman Atan, deux jeunes officiers de la marine, ont confié à la cour qu’il avait reçu chacun 250 000 naira (1 850 dollars américains) du capitane de corvette Mohammed Abubakar, le 31 octobre 2003, pour escorter le tanker African Pride du port de Lagos vers le large où sa cargaison a été remplacée par de l’eau de mer.

D’après ces officiers, Abubakar leur a laissé entendre que ces sommes leur étaient offertes par des "gros pontes" de la marine.

A plusieurs reprises, des compagnies pétrolières multinationales ont fait part de leur inquiétudes face aux activités de bandes criminelles organisées qui détournent le pétrole brut des pipelines qui traversent les mangroves et les criques du delta du Niger. Cette région fournit la majeur partie de la production pétrolière du Nigeria.

Selon les autorités, le pétrole brut était chargé dans des barges et des petites embarcations, puis transbordé dans des tankers qui attendaient au large des côtes. Les cargaisons étaient ensuite venues sur le marché international.

Les recettes provenant de ce commerce illicite ont permis d’approvisionner en armes les milices ethniques et les bandes de criminels du delta du Niger, une région de 70 000 kilomètres carrés. Ces bandes armées sont souvent responsables de la désorganisation de la production pétrolière et de l’enlèvement d’agents pétroliers qu’ils utilisent comme moyens de pression pour exiger du travail et d’autres avantages des compagnies pétrolières.

Moujahid Dokubo-Asari, un des plus puissants chefs de milice, a publiquement reconnu qu’il utilisait les recettes de la vente illégale du pétrole brut pour armer sa milice, les Forces volontaires de défense du peuple du delta du Niger.

En septembre dernier, après les menaces qu’il a proférées à l’encontre des société pétrolières étrangères installées dans cette région, les cours mondiaux du pétrole avaient établi des records pour atteindre 50 dollars le baril. Les négociants internationaux avaient pris très au sérieux sa menace d’interrompre les exportations du premier pays africain producteur de pétrole.

Outre la condamnation des trois officiers supérieurs de la marine, la disparition de l’African Pride a donné lieu à l’ouverture d’une enquête parlementaire.

Selon certains témoignages, toute la hiérarchie de la marine pourrait être impliquée dans ce détournement de la production pétrolière.

Le capitaine de vaisseau Peter Duke, qui avait la charge de surveiller les bateaux arrêtés, a indiqué à la commission d’enquête que le Vice-amiral et chef d’Etat-major de la marine, Samuel Afolayan, l’avait contraint de libérer le Molab Trader, un autre navire arrêté pour trafic illégal de pétrole brut.

Afolayan a nié ces accusations. Il a accusé Duke de vouloir impliquer la hiérarchie de la marine après avoir été reconnu coupable par la cour de falsification de documents et de manquement au devoir.

Au cours de l’enquête parlementaire, d’autres témoins ont émis des doutes sur le vrai nom du tanker African Pride. Selon Joe Aikhomu, le capitaine qui a arraisonné le navire, les documents récupérés auprès de l’équipage indiquent que le navire est immatriculé sous le nom de Jade.

A en croire les autorités maritimes nigérianes, deux navires du nom de African Pride figurent dans leur registre, l’un d’entre eux enregistré au Panama.

Les investigations sur la disparition du tanker se poursuivent, a indiqué la police, qui n’a pas voulu confirmer que les deux amiraux pourraient comparaître à nouveau devant une court pénale pour leur rôle dans cette affaire.

“Nous sommes vigilants et si nous avons des preuves de leur implication, nous les ferons traduire en justice”, a indiqué un policier qui a requis l’anonymat.



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join