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Les Guinéens qui ont fui la guerre rencontrent les pires difficultés dans leur pays

[Guinea] Returnees from the cocoa area of Cote d'Ivoire close to the Liberian border, who have returned to the region forestier destitute. IRIN
Returnees from the cocoa area of Cote d'Ivoire close to the Liberian border, who have returned to the region forestier destitute
Les centaines de milliers de migrants revenus au pays après avoir fui l’instabilité ou les persécutions dans les pays voisins pèsent considérablement sur les infrastructures sociales de la Région Forestière, qui ne parviennent plus à répondre aux besoins des populations en difficulté, selon des sources gouvernementales et des agences humanitaires.

Amadou Diallo est l’un de ceux qui ont fui l’ouest de la Côte d’Ivoire dès les premières rafales d’armes automatiques, en janvier 2003. Il travaillait à Guiglo depuis 15 ans quand est né le dernier des mouvements rebelles ivoiriens, le Mouvement pour la libération du grand Ouest.

Désormais, ce mécanicien de 45 ans et ses sept enfants s’entassent dans une maison de terre dans le village de Nzoo, à une centaine de mètres de la frontière avec la Côte d’Ivoire, séparé de son ancienne vie par un ruisseau et un petit pont de bois.

La saison des pluies qui s’étire jusqu’en septembre rend la maison humide, les nattes en plastique jetées sur le sol sont trempées par la dernière averse. Dix personnes habitent là, sans compter les enfants qu’il est devenu difficile de nourrir en raison du chômage qui touche toute la région et de la hausse continue des prix des biens de première nécessité.

« Nous sommes trop nombreux ici, il n’y a pas de travail pour tout le monde, » a expliqué Diallo. « C’est devenu difficile de faire manger la famille et de payer les frais de scolarité pour les enfants, c’est trop cher, » a t-il dit, ajoutant, dans un haussement d’épaules : « Les enfants ? Ils sont toujours malades, c’est la malaria, ils sont trop faibles pour résister à la fièvre. »

Entre 75,000 et 100,000 Guinéens ont quitté la Côte d’Ivoire, fuyant les exactions et la xénophobie qui s’est développée depuis le déclenchement de la guerre civile en septembre 2002, selon une étude conduite par l’Office de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) en décembre dernier.

Le flot des migrants de retour en Guinée s’est considérablement ralenti après décembre 2003 à la suite de la restauration de la sécurité en Sierra Leone, du lancement du programme de désarmement et de démobilisation au Liberia et du renforcement des forces de maintien de la paix en Côte d’Ivoire.

Ce sont des communautés déjà épuisées par une paupérisation galopante et des années de conflit qui ont accueilli ces migrants, des agriculteurs et des commerçants pour la plupart, au cœur de l’épaisse forêt du sud-est de la Guinée.

Dans certains départements, ils représentent quelques huit pour cent de la population totale et 50 pour cent d’entre eux sont des enfants, selon OCHA, qui souligne que ces « retournés » pèsent considérablement sur les services éducatifs, notamment dans les petites bourgades où il n’est pas rare de ne trouver qu’un instituteur dans des classes bondées.

Malgré les difficultés qu’ils rencontrent lors de leur retour - similaires à celles des quelques 90,000 réfugiés venus de Sierra Leone, du Liberia et de Côte d’Ivoire --, les anciens migrants bénéficient de peu de soutien.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) fournissent du matériel éducatif et médical, ainsi que des repas chauds aux écoliers, mais les initiatives restent timides. Pourtant, les revenus des populations locales ont connu une baisse drastique, aggravée par la fermeture des frontières avec les pays voisins.

Le prix d'une journee de travail : 500 Francs guineens, ou 20 cents
« Avant la crise en Côte d’Ivoire, les échanges commerciaux étaient abondants, » a dit à IRIN le colonel Lamine Bangoura, le gouverneur qui administre la Région forestière depuis la préfecture de Nzérékoré.

« Depuis, le commerce a presque cessé et nous sommes de plus en plus nombreux. Il y a des pénuries de bétail, mais aussi des biens de consommation courante, » a ajouté le colonel Bangoura.

Les liens socio-économiques qui unissent les populations de part et d’autre de la frontière sont étroits, les commerçants et les éleveurs parlent la même langue et avaient l’habitude de se rendre sur les marchés pour y échanger leurs marchandises, leurs produits agricoles ou leur bétail.

Désormais, les frontières sont officiellement fermées. Mais les autorités tolèrent une politique de laissez-faire « pour des raisons humanitaires ».

“Humainement, on ne peut pas laisser la population souffrir,” a dit le gouverneur Bangoura. “Bien que les frontières soient officiellement fermées, il y a des mouvements clandestins de population.”

Le commerce continue, mais les volumes échangés sont moins importants et les prix des produits de base tels que le riz, l’huile de palme ou la viande, ont augmenté sur l’ensemble de la Guinée. Dans certaines régions, les prix ont connu une augmentation supérieure à 120% depuis septembre 2002 alors que les revenus ont stagné, voire diminué.

Sur le marché de Nzérékoré, le sac de 50 kg de riz coûte 60.000 francs guinéens (environ US$30) alors que le revenu moyen est de moins de US$20, selon un commerçant local.

Malgré tout, les communautés essaient de soutenir les migrants et de partager le peu qu’ils ont. Ce commerçant accueille une partie de sa famille, cinq personnes revenues, les mains vides, de l’ouest ivoirien. Pour participer aux dépenses de la maison, l’homme travaille comme manœuvre dans un champ alentour pour seulement 500 Francs guinéens par jour, soit US$ 20 cents.

« Ils dépendent complètement de nous, » raconte ce commerçant. « Mais on ne peut vous dire que nous sommes fatigués de cette situation : ils sont Africains, ils souffrent et ce sont nos frères et nos sœurs,» dit-il en souriant.

Selon le préfet de région, le Commandant Algassimou Barry, la capacité d’accueil de Nzérékoré, est désormais à son maximum.

« La ville est engorgée : nos infrastructures avaient été construites pour satisfaire les besoins de 100,000 habitants, nous sommes cinq fois plus aujourd’hui. Et aucun financement ne nous est parvenu de Conakry cette année, » s’est plaint le préfet.

« Autrefois, Nzérékoré était un pôle d’attraction économique pour tout le nord de la Côte d’Ivoire et du Liberia, la ville attirait beaucoup de monde, » a poursuivi le Commandant Barry. « La ville est devenue une poche de pauvreté, les services sociaux et les structures ne fonctionnent plus. »

Le personnel médical de l’hôpital, un établissement de référence où sont envoyés les cas graves de toute la région, s’alarme du nombre élevé d’enfants anémiés et sous alimentés. Les cas de paludisme grave parmi cette population très affaiblie ne cessent d’augmenter, ont-ils dit.

La salle des premiers soins a l'hopital de Nzerekore. Tout manque, meme l'electricite
“Les enfants guinéens ne mangent pas à leur faim et les repas ne sont pas assez variés,” a confié à IRIN un haut responsable de l’hôpital, qui a souhaité garder l’anonymat. “Les gens n’ont pas d’argent et quand les enfants arrivent, c’est souvent trop tard.”

Environ neuf enfants sur 100 hospitalisés sont morts cette année et les responsables de l’hôpital, qui n’ont reçu aucun financement de l’Etat en 2004, craignent que la situation n’empire.

La décision de la plupart des bailleurs de fonds de geler les financements extérieurs de la Guinée - dont les mesures d’assainissement des finances publiques sont jugées peu crédibles -, a entraîné un sérieux manque à gagner pour l’Etat.

“Puisque l’Etat ne remplit plus ses obligations, nous allons être obligés de faire payer nos patients et de jouer sur la solidarité communautaire, qui peut prendre en charge une partie des frais,” explique ce membre de la direction de l’hôpital.

“Nous pouvons soigner les plus démunis, mais c’est tout: nous devons continuer à acheter les médicaments et payer les salaires de nos médecins.”

Les autorités craignent que les hôpitaux ne soient pas les seuls à souffrir de cette situation.

« Nos hôpitaux sont devenus des mouroirs, le nombre d’instituteurs est insuffisant, les enfants s’entassent dans des salles sans matériel, » a expliqué un responsable des affaires sociales basé à Nzérékoré.

La situation est encore pire dans la région de Beyla, au nord de Nzérékoré, ont affirmé des responsables locaux et des agences humanitaires. Là-bas, quelques 40 000 migrants de retour de Côte d’Ivoire tentent de reconstruire leurs vies, privés de tout soutien faute d’infrastructures et de moyens de télécommunications.

« Je suis un fonctionnaire mais je n’ai aucun moyen pour évaluer la situation, encore moins pour aider les gens à la surmonter, » a déploré ce haut responsable pour la région forestière.

Les membres du gouvernement craignent que les frustrations et la misère débouchent sur plus de violence, d’autant que certains migrants et réfugiés sont des anciens combattants ayant prêté main forte aux mouvements de rébellion ou aux Etats lors des conflits meurtriers qui ensanglantent la région depuis près de 15 ans.

Le personnel des agences d’aide et les fonctionnaires ont noté que la sécurité avait été renforcée en ville mais que la situation restait fragile en raison de la présence de jeunes hommes armés qui, dès le soir tombé, dressent des barrages payants.

« On s’attend du jour au lendemain à l’explosion de la situation et au basculement de la Guinée, » a dit le gouverneur, un ancien officier de l’armée guinéenne. « En ce moment, on fait très attention. »

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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