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Les routiers se préservent de plus en plus du VIH dans l’ouest

[Guinea] An Ivorian truck, fully loaded with palm oil and tinned food, has broken down on its way to Man, Cote d'Ivoire. Borders are officially closed with Cote d'Ivoire since the crisis erupted in Sept 2002. Nimba Mount, Forest Region, June 2004. Pierre Holtz/IRIN
Un camion ivoirien en Guinée s’apprête à passer la frontière pour décharger ses marchandises à Man, à quelques dizaines de kilomètres de là
Qu’ils achètent des préservatifs aux abords des gares routières ou qu’ils s’abstiennent de tout rapport sexuel, les camionneurs de passage dans l’ouest ivoirien, craignant la contamination au VIH/SIDA, sont de plus en plus prudents. «Les études menées ces derniers mois nous ont montré que les camionneurs utilisent les préservatifs», a dit à PlusNews Francois Tia, le président de la Croix rouge ivoirienne à Man, la grande préfecture de la région des 18 montagnes. Selon M. Tia, cette tendance est corroborée par les chiffres de vente de préservatifs que diffuse l’Association ivoirienne de marketing social, AIMAS, en charge des dépôts de préservatifs à Man. «Selon les responsables des dépôts, les boutiques qui vendent les préservatifs près des gares routières achètent de plus en plus de préservatifs». La gare routière de Facobly, installée en plein cœur de la ville, est un espace ouvert où les gros porteurs attendent, souvent pendant plusieurs jours, de pouvoir charger ou décharger leurs marchandises. Tous doivent accomplir les diverses formalités qui leur permettront de continuer leur route vers les pays voisins, le Burkina Faso, le Mali ou la Guinée. Depuis le déclenchement de la guerre civile en septembre 2002, les camions et leur chargement ont été les seuls à pouvoir circuler à travers l’Afrique de l’ouest, apportant l’essence, l’huile de palme, le savon et les boîtes de conserve qui font tant défaut aux populations, otages des factions armées. Non sans difficultés et tracasseries, les camions font le va-et-vient entre les villes du nord, sous occupation des rebelles des Forces Nouvelles, et le sud, aux mains du gouvernement élu de Laurent Gbagbo, traversant une zone dite ‘de confiance’ contrôlée par plus de 4 000 casques bleus. Sous l’abri de tôle et de bois aménagé à la hâte pour protéger les chauffeurs et leurs mécaniciens des fortes pluies de la saison, Poulé Sidibé, un jeune apprenti de 25 ans, est venu prendre un thé sucré avant de repartir vers le nord, probablement le Burkina Faso ou le Mali, des pays sahéliens et enclavés très dépendants de l’économie ivoirienne. Il a expliqué que son patron, le conducteur du camion, a toujours des préservatifs avec lui. «Il achète des paquets de préservatifs qu’il range sous son siège dans la cabine», a-t-il raconté. «Il dort souvent à l’hôtel avec des filles que nous rencontrons dans les villes ou les villages». Les conducteurs de gros porteurs sont les véritables responsables des camions, dont ils sont souvent les propriétaires. Ils dorment soit dans les cabines de leurs camions soit dans les hôtels de passage bon marché qui pullulent autour des gares. Les apprentis, de jeunes garçons, dorment sous le camion, dans des hamacs rafistolés ou sur des nattes en plastique. Depuis 2003, la Croix rouge informe les camionneurs des dangers de l’épidémie de VIH/SIDA en Côte d’Ivoire, un des pays les plus affectés d’Afrique de l’ouest, dans le cadre du projet PSMAO pour ‘Prévention du sida sur les axes migratoires en Afrique de l’ouest’, un projet régional de trois ans financé par les Etats-Unis.
Les routiers sont les seuls à relier Man, aux mains de la rébellion, aux grandes capitales étrangères
Autocollants, casquettes, cassettes audio à écouter dans les camions, séances d’information, films et conseils personnalisés dans les gares, les pairs-éducateurs du PSMAO ne manquent pas d’imagination pour sensibiliser, chaque mois, quelque 200 chauffeurs et apprentis des dangers du virus. «Les études que nous avons menées nous ont montré que les gros camions transportent aussi le virus du sida», a expliqué Bruno Sibi, secrétaire général de la Croix rouge locale et responsable de ce projet à Man. «Ils ont beaucoup d’argent sur eux, ce qui attire les filles dans les villes et villages où ils font escale», a-t-il dit, ajoutant que le conflit avait considérablement appauvri les populations, jetant les femmes, jeunes et moins jeunes, dans les bras des hommes susceptibles d’offrir médicaments et nourriture. Les routiers, un groupe à risque choyé par les pairs-éducateurs Pour tenter de circonscrire une épidémie galopante, les pairs-éducateurs de la Croix rouge se rendent dans les gares routières pour expliquer le VIH aux camionneurs et leur montrer comment utiliser les préservatifs. «Nous leur parlons des avantages du port des préservatifs», a dit Bruno Sibi. «Nous leur disons que le sida n’a pas de vaccin, que le seul vaccin dont nous disposons, c’est le préservatif». Selon Amadou Traoré, représentant un syndicat de camionneurs à Man, le message est bien passé. «Aujourd’hui, les camionneurs achètent des préservatifs», a-t-il affirmé. «Nous avons été informés des dangers du VIH/SIDA et nous devons être fidèles à notre partenaire ou utiliser des préservatifs.» Du coup, a-t-il ajouté, «le fait d’acheter des préservatifs est désormais très répandu parmi les camionneurs. Et si les chauffeurs achètent les préservatifs, j'ose espérer qu’ils les utilisent !». Sans aucun doute, a expliqué Sidou du haut de ses 25 ans. Une casquette vissée sur la tête, il revient du Burkina Faso, 500 kilomètres plus au nord. Il y va chaque deux semaines avec son patron et, chaque fois, ils font halte à Korhogo, la préfecture de la région des Savanes, et à Bobo Dioulasso, la première grande ville du Burkina. «A chaque fois que je voyage, j’achète des préservatifs à 100 francs CFA (0,18 dollars) le paquet de quatre», a-t-il raconté. «J’utilise les préservatifs partout où je vais.» Afin de responsabiliser les camionneurs et leurs aides, le projet PSMAO ne distribue pas de préservatifs mais conseille à ses interlocuteurs de se rendre dans les boutiques ou les pharmacies.
Au coeur de la forêt guinéenne, ces apprentis Ivoriens auront du mal à trouver des préservatifs et devront alors s’abstenir de tout rapport sexuel
«Les préservatifs ne coûtent pas cher et se vendent dans des boutiques que les camionneurs connaissent tous», a dit Amadou Traoré, le syndicaliste. Avant que ne démarre le projet, a expliqué François Tia, les boutiques situées à proximité des gares routières ont été identifiées et la Croix rouge veille à la bonne conservation des produits. «Nous conseillons aux boutiquiers de ne pas laisser les préservatifs sous le soleil», a précisé Tia. Contrairement à Sidou, Moussa Timité, un mécanicien ivoirien très apprécié des chauffeurs de Facobli, a la chance de dormir à l’hôtel. «Quand je dois avoir des relations sexuelles avec une fille, j’utilise les préservatifs : je ne connais pas son passé et elle peut me passer le virus du sida», a-t-il affirmé. Et si les boutiques sont en rupture de stock ? Cependant, le PSMAO ne se limite pas à la promotion des préservatifs, qui peuvent ne pas être disponibles dans les villages que traversent les routiers : il met également l’accent sur la nécessité de s’abstenir de tout rapport sexuel si le moyen de protection fait défaut. A les en croire, les chauffeurs plus âgés préfèrent de toute façon éviter la compagnie des femmes plutôt que d’avoir des rapports risqués, qui pourraient conduire à la contamination de leurs épouses et de leurs enfants, restés à la maison. Oumar Koné, 40 ans, est de ceux-là. «Depuis cinq ans, je n’entretiens plus de rapports sexuels avec des femmes que je rencontre en cours de route», a-t-il expliqué. Drappé dans un grand boubou, l’habit traditionnel des musulmans, majoritaires dans le nord de la Côte d’Ivoire, M. Koné a raconté avoir vu mourir quatre de ses amis, chauffeurs eux aussi, des suites du sida. «C’est à Abidjan que le médecin leur a dit qu’ils avaient le VIH», a expliqué Oumar Koné. «Avant, je ne croyais pas en l’existence du sida, mais aujourd’hui je sais qu’il existe et je ne compte pas attraper le virus.». En avril dernier, l’organisation médicale Médecins sans frontières (MSF) constatait une flambée des infections sexuellement transmissibles (IST) et de l’épidémie de VIH/SIDA dans cette partie de la Côte d’Ivoire, frappée de plein fouet par la détresse économique, la séparation des familles et l’afflux de soldats, gouvernementaux comme rebelles. M. Koné a ajouté que, souvent, son boubou le faisait passer pour une personne plus âgée, plus sage, ce qui le protégeait des assauts des nombreuses filles qui viennent à la gare routière de Facobly pour rencontrer les chauffeurs et obtenir d’eux de quoi subvenir à leurs besoins. A 50 ans, Yala Sangaré n’a plus besoin de faire semblant. Et comme il doute de la capacité des préservatifs à le protéger, il s’abstient, a-t-il affirmé. «Le préservatif ne peut pas protéger contre les IST parce qu’il ne couvre pas tout l’appareil génital. Mieux vaut être fidèle ou s’abstenir», a-t-il affirmé d’un ton péremptoire.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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