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IRIN interview avec Antoine Ghonda, le ministre congolais des affaires étrangères

Antoine Ghonda, ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC) a accordé lundi une interview à IRIN à son retour d’une tournée en Afrique, en Europe et en Amérique du nord. Il a évoqué les préparatifs et la position du gouvernement congolais concernant la future conférence internationale pour la région des Grands Lacs. Il a également parlé de la politique d’ouverture du gouvernement d’unité nationale.

QUESTION: La conférence internationale pour la région des Grands Lacs est programmée en 2004. Le gouvernement congolais ne semble pas enclin à y participer. Pourquoi?

REPONSE: La RDC va participer à cette conférence. Mais nous aimerions que la conférence intègre tous les pays voisins de la RDC. Nous aimerions que cette conférence soit un moyen, une opportunité de résoudre les problèmes avec tous les voisins de la RDC.

Nous n’aimerions pas qu’à travers cette conférence l'on résolve seulement les problèmes avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi en faisant fi par exemple du Congo-Brazzaville avec lequel nos relations sont, du reste, en dents de scie, ou encore avec l’Angola ou la RCA [la République centrafricaine].

Nous avons de bonnes relations en ce moment avec l’Angola, mais il ne faut pas oublier que nous avons maintenant un gouvernement d’union nationale, au sein duquel des composantes avaient des relations assez difficiles avec ce pays.

Aujourd’hui, nous sommes en train de travailler tous ensemble à l'amélioration des relations avec les pays voisins. Des émissaires angolais sont venus et ils ont dit: "Ecoutez, il y a un gouvernement d’union nationale, nous aimerions travailler avec tout le monde." Cette détermination existe en ce moment avec l'Angola. Mais, c’est encore du court terme. En politique rien n’est figé. On ne sait jamais comment les choses peuvent évoluer.

Q: Le gouvernement de la RDC craint-il de participer à cette conférence, selon le format fixé, et de se retrouver isolé en face du bloc Rwanda-Ouganda-Burundi, des pays alliés à une époque, durant la guerre en RDC?

R: Non, nous n’avons pas peur d’être isolé face au Rwanda, l'Ouganda et au Burundi. Je n’aimerais plus qu’on puisse voir nos relations avec ces pays-là en termes d’antagonisme ou en termes conflictuels. Il faut préparer le long terme. Et pour y arriver, il faut que tous les pays voisins y participent [à la conférence].

La RDC a neuf pays voisins. Aujourd’hui, si une conférence il y a, il faut que celle-ci inclut tout le monde.

Comment est-ce que la conférence a été préparée? La sélection, par exemple, des pays qui participent à cette conférence au premier degré ne nous agrée pas. Pas du tout d’ailleurs. Nous ne pouvons traiter sans tenir compte de l’Angola, de la RCA, du Congo-Brazzaville, impliqués à un second degré dans cette conférence, parce que ce qui se passe ici au Congo a nécessairement des répercussions au niveau de l’Angola. Dans les guerres autrefois, l’Angola, le Congo-Brazzaville sont intervenus, la RCA aussi à travers le MLC [Mouvement de libération du Congo, un ancien mouvement rebelle congolais, aujourd’hui membre du gouvernement d’union nationale].

Nous estimons ensuite qu’il y a beaucoup trop de bureaucratie. Nous aimerions pouvoir alléger le processus et qu’on puisse tenir compte des efforts que nous faisons avec les différents pays voisins: le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi, la RCA, l’Angola et les autres pays.

A cette conférence […] qu’allons-nous faire? Est-ce seulement à partir du mois de juin que nous allons décider comment nous allons travailler pour améliorer nos relations avec les pays voisins? Ou allons-nous expliquer à l'occasion de cette conférence les efforts que nous avons déjà entrepris en présentant les résolutions que nous devrons prendre?

C'est le message que nous voudrions faire passer. Nous n’aimerions pas être au niveau de la théorie, mais plutôt au niveau de la pratique, c'est dans l'intérêt du peuple congolais.

Si nous allons à cette conférence, c’est avec la détermination d'améliorer nos relations avec les pays voisins. Mais nous aimerions d'abord améliorer la situation interne. S’il y a des Interahamwe [milice hutu rwandaise], des Ex-Far [ancienne forces armées rwandaises], des troupes étrangères au niveau de la RDC, on aimerait d’abord traiter le problème au niveau interne puis présenter à la conférence les résolutions que nous avons prises. C'est ce que nous voulons faire prévaloir aujourd'hui.

Q: Dans ce cas, l’appellation de ladite conférence devra être modifiée?

R: Pour le moment, il est vrai que l'on parle seulement de la conférence pour la région des Grands Lacs. Nous estimons qu'il s'agit d'une aberration.

C’est une conférence pour la région des Grands Lacs et de l’Afrique Centrale parce que le Congo est au centre, le Congo est dans les Grands Lacs, le Congo est en Afrique Centrale. Il est donc important que ce soit une conférence pour toute cette région.

Q: Vous revenez d’une tournée en Afrique, en Europe et en Amérique. Quel était l’objectif de cette tournée?

R: L’objectif était de parler du processus [de transition] en cours en RDC avec l'installation du gouvernement d’union nationale en juin dernier. Il fallait expliquer à la communauté internationale que les problèmes qu’a connus le Congo sont en train de se résoudre. Nous voulons montrer la nouvelle détermination du pays à émerger et la vision que nous avons du futur: la normalisation des relations avec les pays voisins, l'encouragement des investissements pour que les opérateurs économiques relancent cette dynamique qui s'était arrêtée depuis plus de dix ans.

Q: Concrètement avez-vous remarqué l’intérêt des investisseurs pour le Congo?

R: Ce qui empêchait les investissements était l’instabilité politique dans le pays. Or maintenant un gouvernement d’union nationale existe et il faut l'expliquer.

Les gens sont prêts pour relancer les activités au Congo. J’ai effectué récemment une mission en Grèce. Une délégation viendra au mois de janvier. Plusieurs autres délégations sont par ailleurs déjà venues. Elles voulaient savoir dans quel secteur investir, comment ça se passe avec les opérateurs économiques sur place, à Kinshasa [la capitale de la RDC]. Il était important de leur dire par exemple qu’il y a un nouveau code d’investissement, que certaines taxes on été allégées, comment également fonctionne le gouvernement, que la sécurité juridique existe. Tout ceci il faut l'expliquer.

Il fallait aussi faire connaître le plan économique du gouvernement pour consolider le processus politique. Aujourd’hui, des projets existent dans le cadre du NEPAD. On parle aussi par exemple de l’électricité avec le barrage d’Inga. Dans le moyen terme, la ville de Pointe-Noire au Congo-Brazzaville aura besoin d’électricité, tout comme Cabinda en Angola. Cette électricité peut être fournie par le barrage d’Inga.

Des Suédois voulaient déjà investir dans ce domaine. La société suédoise ABB a, par ailleurs, un projet pour améliorer le barrage d'Inga, mais il fallait trouver des investisseurs. Ils ont fait appel à leur gouvernement. Il fallait néanmoins que cela se passe d’Etat à Etat. C’est pour cela que je me suis rendu en Suède pour parler au gouvernement suédois et lui faire comprendre qu’il doit soutenir leurs entreprises qui veulent développer des secteurs d’activités chez nous en RDC. J’ai eu une réponse assez favorable.

Le deuxième projet qui l’a fort intéressé et qui nous intéresse aussi, est la fibre optique en provenance de l’Inde. Une société en télécommunication, Ericsson, aimerait tirer cette fibre optique de Mwanda jusqu’au Katanga. La RDC ne serait pas la seule à tirer profit de cette nouvelle technologie. L’Angola, le Congo-Brazzaville, la RCA, le Rwanda, l’Ouganda en profiteraient par ricochet. L’étude de faisabilité est très avancée. Nous aurons les résultats dans environs six mois. C’est un projet d’intégration régionale qui soutient le processus politique.

Q: Le gouvernement congolais va-t-il financer une partie de ce projet?

R: Ce sont les investisseurs étrangers qui vont soutenir le projet. La RDC va participer, à hauteur de 10 à 20 pour cent à travers une initiative privée.

Q: Ceci veut-il dire que la RDC entre dans l’ère de la privatisation et que ce sont des entreprises étrangères, les financières des projets, qui récolteront les bénéfices de ces opérations?

R: Il y a les entreprises étrangères, il y a les entreprises locales aussi. Evidemment, j’ai mis un accent sur une entreprise étrangère Ericsson qui pilote ce projet. Mais effectivement, on est en train d’ouvrir le pays à une privatisation qui ne sera, au demeurant, pas sauvage. Elle sera organisée en tenant compte des intérêts nationaux et de ceux des opérateurs étrangers.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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