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Interview avec Louis Michel, ministre belge des affaires étrangères

Une délégation gouvernementale de la Belgique a débuté dimanche dernier à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo (RDC), une tournée dans la région des Grands Lacs.

Le ministre belge des affaires étrangères, Louis Michel, a accordé une interview à IRIN lors de son passage à Kinshasa.

Louis Michel a évoqué la nécessité de consolider le processus de paix. Il a notamment parlé de la réforme de la justice, de l'administration et des infrastructures. Le ministre a encore appelé une reprise des relations bilatérales entres les pays des Grands Lacs.

Après Kinshasa, la délégation belge se rendra à Lubumbashi et à Kisangani, respectivement au Sud et à l'Est de la RDC. Elle poursuivra sa tournée dans la capitale de l'Ouganda à Kampala avant de terminer son périple à Kigali, la capitale du Rwanda.


QUESTION : Vous revenez en RDC trois mois après l'installation du gouvernement provisoire, le 30 juin dernier. Comment percevez-vous l'évolution du processus de paix ?

REPONSE : Même si l'on ne peut être qu'optimiste par rapport au travail déjà réalisé, le processus demeure fragile et inachevé. Il est évident que la justice doit être remise en état. L'administration doit être réorganisée. L'enseignement doit reprendre son cours normal. Les services de santé doivent être consolidés et les infrastructures reconstruites. Le travail à réaliser reste donc immense. Il importe donc de lancer un appel pour soutenir le gouvernement de transition de manière à ce qu'il puisse obtenir l'adhésion de la communauté internationale et mener à son terme la transition.

Q : De quelle manière allez-vous aider le gouvernement transitoire ? Quels seront vos axes prioritaires pour consolider la paix ?

R : Nous avons plusieurs projets. L'aide de la Belgique va doubler dans un très court délai.

Les axes prioritaires concerneront d'abord la justice. Ce pays a besoin d'une reconstruction judiciaire complète avec des cours et des magistrats correctement payés tous les mois.

Une justice impartiale et indépendante est nécessaire pour ré-attirer les opérateurs économiques. La RDC est un pays riche. En assurant la sécurité juridique, l'économie va reprendre et les retombées profiteront au peuple congolais.

Il faudra également réhabiliter l'administration et particulièrement l'administration territoriale en tant que service aux citoyens. La rénovation des infrastructures devra aussi faire l'objet d'une attention particulière, notamment les moyens de communication. Les transports en commun, par exemple, sont très importants.

Parallèlement à la reconstruction des fonctions régaliennes de l'Etat, il faut évidemment et massivement aider les populations dans leur quotidien. C'est ce que j'appellerais : l'humanitaire domestique quotidien.

Je me rends compte, par ailleurs, que depuis l'installation du gouvernement de transition j'ai plus de facilité qu'avant à rassembler les moyens. Il est de même pour moi plus aisé de mobiliser mon pays pour aider nos amis congolais.

Q: De bonnes relations avec les pays voisins sont nécessaires au développement économique. La Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) garantissait, il y a quelques années, la paix dans la région. Allez-vous oeuvrer dans ce sens lors de votre visite en Ouganda et au Rwanda ?

R : Ce n'est pas à moi, premièrement, d'améliorer les relations entre la RDC et ses pays voisins. C'est à ceux-ci de le faire.

Deuxièmement, la CEPGL est un outil qu'il faut penser à réactiver. Il se pose alors une question : les relations bilatérales entre la RDC et les autres pays de la région sont-elles à l'heure actuelle suffisamment nourries pour relancer immédiatement la CEPGL ? Ce n'est pas à moi de répondre à cette question.

Je pense, en revanche, qu'il nous revient d'encourager les autorités de la région à se parler et à multiplier les visites bilatérales : que les ministres compétents dans une matière rencontrent, par exemple, leurs homologues de ces pays. J'imagine volontiers que la politique de transport peut être un sujet débattu dans un cadre régional. De même, le domaine de l'énergie concerne tous les pays des Grands Lacs.

Pour ce qui est de la justice, de l'enseignement, de la santé, ce sont toutes des politiques que l'on peut évoquer au niveau de rencontres inter-ministérielles entre différents pays.

Il y a donc suffisamment de sujets pour rapprocher les Etats. Il faudrait adopter comme base de travail les sujets qui rassemblent plutôt que ceux qui divisent.

Je suis d'accord pour relancer la CEPGL à condition de restaurer au préalable les relations bilatérales. Il s'agira alors d'ouvrir des ambassades, d'organiser des échanges de jeunes, réunir les gens et leur permettre de communiquer entre eux.

Je crois qu'on ne mesure pas toujours quelle est l'importance de la concorde entre ces différents pays. Cette entente permettrait une aide massive de la communauté internationale. Qu'est-ce qui retient la communauté internationale ? La communauté internationale attend des preuves tangibles de concorde et de paix. L'argent est là et suffisamment. Il suffit de démontrer une réelle volonté de paix.

Q : De manière concrète, quelle prendra la forme de votre aide humanitaire en RDC ?

R : Cette visite n'est pas humanitaire. Elle est politique et de coopération. Je compte accompagner activement le processus de paix et le travail du gouvernement de transition. Je compte encore, mobiliser la communauté internationale.

Je veux juste vous rappeler qu'il y a quatre ans et demi, le Congo n'était sur aucun agenda international. Lorsque que j'ai commencé à le mettre sur les agendas internationaux, on m'a regardé comme un martien en me rétorquant que c'était trop compliqué.

Je l'ai fait parce que je considérais qu'en tant que responsable belge, j'étais redevable à cette région. Je me rends compte qu'il y a quand même un rapport privilégié, qu'on le veuille ou non, entre les Congolais et les Belges. Il existe une dimension fraternelle authentique entre les gens qui ont une histoire commune : une histoire belle, mais aussi parfois douloureuse. La Belgique doit assumer ses responsabilités vis-à-vis du Congo.

Q : La RDC dispose d'un budget annuel de 800 millions de dollars, ce qui correspond au budget d'une ville européenne. Que doit faire la RDC pour obtenir un appui massif de la communauté internationale ?

R : La communauté internationale a promis d'aider massivement le Congo si le gouvernement de transition assure la stabilité. Si les responsables au gouvernement s'entendent, le Congo bénéficiera d'une aide colossale.

Q : L'aide de la communauté internationale se limitera-t-elle à la période transitoire jusqu'aux élections ?

R : Jusqu'aux élections bien sûr et après aussi. Les élections sont une étape importante mais dans cette période transitoire il importe impérativement de consolider toutes les institutions. Cette période doit consolider la paix et la stabilité.

Après les élections ceux qui seront élus, et s'ils poursuivent l'approfondissement de la démocratie et des droits humains, bénéficieront d'une aide substantielle de la communauté internationale. Je suis d'ores et déjà convaincu que la communauté internationale s'engagera.

Q : Quel message allez-vous apporter à Kisangani et à Lubumbashi ?

R : J'irai dans ces villes pour dire qu'il n'y a pas que Kinshasa au Congo et que nous sommes disposés à nous engager de manière très forte pour accompagner le gouvernement de transition et le processus de paix.

Q : Quel sera votre message pour le Rwanda?

R : J'irai féliciter le Rwanda d'avoir eu la capacité d'organiser des élections après des temps très difficiles. Aujourd'hui, le Rwanda dispose d'un parlement élu et pluraliste.

C'est important pour le Rwanda et pour la région. La tenue de ces élections est importante pour les relations entre le Rwanda et le Congo. Les élections sont toujours des événements à la fois délicats et fragiles. Je pense que les Rwandais ont choisi, il faut respecter leur choix.

Il peut y avoir des critiques mais je ne joins pas ma voix à ces critiques. J'estime qu'il est important qu'un pays qui sort de l'instabilité puisse organiser des élections présidentielles et législatives. Je pense que la tenue de ces élections aidera le Congo à faire de même.

Q : Si des élections similaires avaient lieu au Congo, la Belgique applaudirait-elle?

R : Est-ce que vous entendiez que j'applaudissais? Il faut nuancer. J'exprime ma satisfaction parce que c'est toujours une grande joie quand un pays dispose d'un parlement élu et pluraliste. Cela signifie que l'on est sur la voie d'une démocratie authentique.

En ce qui concerne le Congo, je souhaite vraiment la tenue des élections le moment venu et que le pays se dote d'un parlement pluraliste avec une majorité qui assume son programme et une opposition qui veille et assure le débat contradictoire. Voilà ce qu'est la démocratie.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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