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Interview avec Jean-Claude Masangu, le directeur de la Banque centrale en RDC

La Banque Centrale de la République Démocratique du Congo (BCC) a émis mardi dernier de nouvelles coupures de francs congolais, trois mois après l'installation du gouvernement d'unité nationale, le 30 juin dernier.

La RDC avait été fortement déstabilisée depuis l'éclatement de la guerre en 1998. Le pays avait été divisé et placé sous le contrôle du gouvernement de Kinshasa et de différents groupes rebelles. Des économies parallèles se sont alors développées.

A la suite des accords de Pretoria (Afrique du Sud), signés le 17 décembre dernier par les principaux belligérants, un processus de pacification et de réunification a été engendré. Des institutions provisoires ont été inaugurées. Elles conduiront le pays à des élections générales dans deux ans.

Dans ce contexte de pacification, Jean-Claude Masangu, le directeur de la BCC a accordé une interview à IRIN. Il explique les raisons et les conséquences de l'émission de ces nouveaux billets. Il évoque encore la stratégie de la banque en matière de réunification monétaire de la RDC.


QUESTION : Le gouvernement d'union nationale a été installé le 30 juin dernier. Trois mois après, la BCC émet de nouvelles coupures de 10 et 20 francs congolais. Quelles en sont les raisons? Quelles seront les conséquences sur le processus de réunification en RDC ?

REPONSE : Un travail préalable a été réalisé par la BCC. Nous avons, d'une part, constaté une hyper-inflation entre les années 1999 et 2001. Les billets de banque avaient perdu beaucoup de leur valeur après la mise en circulation du franc congolais en 1998 qui venait remplacer les zaïres, la monnaie utilisée sous [l'ancien président] Mobutu [Sese Seko]. D'autre part, nous nous sommes aperçus que la population continuait à garder et à utiliser ces billets de petites coupures, alors que ces coupures étaient devenues impropres à la circulation du fait de leur état de délabrement. Nous avons donc besoin aujourd'hui de les remplacer.(1)

Par ailleurs, nous avons créé ces billets pour le besoin de réunification du pays. Avec ces coupures, l'Est tout comme l'Ouest ou le Nord du pays utiliseront la même monnaie.

Q : Quelle masse de billets remettez-vous en circulation? Quelle en est la valeur ?

R : Notre stratégie n'est pas de changer la masse monétaire en circulation. Nous allons uniquement remplacer les billets de banque impropres à la circulation. Il s'agit de six à sept milliards de franc congolais, imprimés en 1998. Tous ces anciens billets seront détruits après leur remise à la banque.

Il faudra également éduquer la population dans le mode de conservation et d'utilisation de ces nouveaux billets de banque.

Q: La RDC a connu plusieurs zones monétaires pendant la guerre avec les francs congolais, les zaïres et d'autres monnaies étrangères. Quelle est la politique de la banque pour réunifier toutes ces zones ?

R : La stratégie de la banque centrale est de remplacer la monnaie qui circule dans les territoires que l'on appelle aujourd'hui les territoires réunifiés. L'opération concernera donc le Nord-Ouest et l'Est du pays sur une période de six mois renouvelable de manière à avoir une monnaie unique sur l'ensemble du territoire.

Le manque de monnaie dans ces territoires avait, en effet, entraîné l'utilisation d'anciennes coupures.

Le zaïre était ainsi en circulation dans le Nord. Nous devons par conséquent échanger cette monnaie avec des francs congolais. Une opération semblable aura lieu dans l'Est où nous avions démonétisé certaines coupures de 50 et de 100 francs congolais après avoir été informés que les agresseurs [les mouvements rebelles] s'apprêtaient à battre monnaie et à contrefaire des billets.

Q : Comment réagir face à l'utilisation du franc rwandais dans l'Est de la RDC qui est en pratique devenu la monnaie locale ?

R : A l'Est si on utilise les francs rwandais, à l'Ouest, on utilise aussi les francs CFA. Dans d'autres parties du pays, on utilise les dollars. Nous, nous acceptons d'une manière générale la circulation des devises étrangères concomitamment à la monnaie locale. Dans les régions frontalières, il est normal que l'on puisse utiliser la monnaie du voisin. Mais l'important à retenir, est la volonté affichée du peuple congolais d'utiliser une monnaie unique pour un pays uni. C'est un signe d'unité que d'utiliser le franc congolais que l'on soit à l'Est, au Nord, au Sud, à l'Ouest ou au centre de la RDC.

Q : Ne craignez-vous pas que le lancement de ces nouvelles coupures ait un effet psychologique qui risque de casser l’augmentation de la valeur du franc congolais ?

R : Nous avions annoncé depuis une semaine le lancement de ces coupures de 10 et 20 francs congolais. La masse monétaire ne change pas puisque nous remplaçons ce que nous récoltons. L'effet psychologique? Oui, parce qu'il y a toujours des spéculateurs qui vont essayer de faire monter le taux mais les fondamentaux de l'économie n'ont pas changé. La Banque Centrale du Congo a les moyens d'intervenir sur le marché pour acheter du franc congolais et neutraliser la masse monétaire de cette manière.

Q : Vous avez reconnu que certains billets étaient devenus un facteur de maladie pour la population en raison de leur mauvais maniement et de leur mauvaise conservation. Quelles sont les stratégies que propose la BCC pour changer le comportement des Congolais dans ces domaines ?

R : Une campagne de sensibilisation sur l'utilisation et la conservation des billets de banque est nécessaire. Aujourd'hui, par exemple, on prend les billets on en fait des noeuds, on les noue au coin d'un pagne. Ce n'est pas la meilleure façon de conserver le billet.

NOTE:

(1)Des experts de l'Ecole de Santé Publique de l'Université de Kinshasa, la capitale de la RDC, avaient déclaré à l'issue d'une étude d'observation que ces billets, surnommés "blessés de guerre" du fait leur état, étaient des vecteurs de maladies. "Beaucoup de maladies respiratoires et des maladies des mains, provoquées par ces billets, touchent un nombre important de Congolais, car les billets sont parfois gardés près des organes génitaux, ou mouillés par la langue," avait déclaré à IRIN le docteur Kihombo Mbela. Devenus rares, ces billets étaient revendus dans les rues de Kinshasa pour une valeur élevée.

(2)Le dollar américain s'échangeait en juillet dernier à 427 francs congolais, actuellement le dollar s'échange à 350 francs congolais.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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