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Entretien d’IRIN avec le secrétaire exécutif de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas

Mohamed Ibn Chambas est le secrétaire exécutif de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a présidé aux efforts tendant à rétablir la paix en Côte d’Ivoire. A l’occasion de sa participation au Sommet de l’Union Africaine, tenu à Addis Abeba, il s’est entretenu avec IRIN de l’accord de Marcoussis, un pacte de paix conclu à la fin janvier entre le gouvernement, les partis politiques et les groupes rebelles ivoiriens, et du rôle que pourraient jouer l’UA et l’ONU.

Question: Quels sont les antécédents de cette crise?

Réponse: La Côte d’Ivoire était quasiment unique en Afrique de l’Ouest car pendant une longue période, elle a été un havre de paix, de stabilité et de relative prospérité. La prospérité croissante dans ce pays a attiré de nombreux ressortissants d’autres pays ouest-africains ce qui fait, qu’avec le temps, la question de savoir qui était Ivoirien et qui ne l’était pas est devenue une question politique.

Lors des dernières élections en particulier, lorsqu’il a été interdit à certains candidats d’entrer en lice, cette question a pris le devant de la scène, et le sentiment d’exclusion, notamment parmi les Ivoiriens originaires du nord, est certainement l’une des forces de la guerre.

Q: Pensez-vous que l’accord de Marcoussis peut fonctionner, tel quel, ou faudrait-il des amendements?

R: Tout à fait, c’est pourquoi nous estimons que l’accord de Marcoussis est le cadre approprié pour résoudre la crise car à Marcoussis, il ne s’agissait pas du partage des postes et de la formation d’un gouvernement. Il a abordé les problèmes fondamentaux et a appelé à des amendements constitutionnels, basés sur un consensus de toutes les principales formations politiques en Côte d’Ivoire, qui sont convenues de faire les changements nécessaires concernant la loi sur la nationalité. Ils ont fait les changements nécessaires pour n’exclure aucun participant politique actif. En d’autres termes, modifier les règles de l’éligibilité pour permettre, disons, à M. [Alassane Dramane Ouattara, le chef de file de l’opposition] d’être candidat.

Q: Pensez-vous que les rebelles peuvent avoir le ministère de la Défense, ou estimez-vous que cela ne pourra pas marcher?


R: La question de savoir qui aura quel portefeuille doit être négociée par le Premier Ministre qui, après tout, est celui qui nomme les membres du gouvernement. L’accord de Marcoussis n’a pas réparti les postes puisque cela a eu lieu ultérieurement, dans un effort en vue d’appliquer Marcoussis et de former un gouvernement de consensus national. Le partage a eu lieu puis des difficultés ont surgi et, il faudrait donc un dialogue et des discussions continus de tous les côtés pour trouver le meilleur moyen de surmonter le problème de qui va occuper quel poste. Cela ne doit pas se mettre en travers de l’application de l’accord de Marcoussis, destiné à résoudre certains des problèmes vraiment fondamentaux en Côte d’Ivoire.

Q: Les rebelles doivent-ils avoir un rôle dans le gouvernement?

R: Nous ne sommes pas entrain de dire que les groupes rebelles doivent figurer dans le gouvernement. Parfois, il faut que les principes soient pratiques en y mettant un certain réalisme aussi. Mais le principe reste qu’on ne peut changer le gouvernement par la violence en Afrique – cela est inacceptable et nous restons attachés à ce principe. Il existe une situation sur le terrain ou la force dispose clairement d’un certain appui politique, et il s’agit d’une force réelle avec laquelle il faut compter, et on ne peut pas l’ignorer. Ainsi, il s’agit de trouver un équilibre entre le réalisme et le respect des principes, sans compromettre pour autant le droit constitutionnel et le respect de la primauté du droit et de la démocratie, que nous essayons de bâtir.

Q: Pourquoi faudrait-il que les Ivoiriens fassent confiance à l’UA pour résoudre ce conflit, au vu de sa performance ailleurs sur le continent?

R: La CEDEAO collabore très bien avec l’UA. En ce qui concerne cette crise précise, l’UA a agi très rapidement en nommant un représentant spécial et, le président par intérim, Amara Essy lui-même, a été très engagé – comme vous le savez, il est Ivoirien – et le rôle du président Mbeki qui, dès le début, s’est rendu à Accra pour participer aux réunions au sommet et a aussi pris part à celles de Paris et d’Abidjan. Le contexte dans cette affaire est que la CEDEAO doit jouer le rôle phare et l’UA doit apporter son appui.

Pour l’UA, les groupes économiques régionaux sont des parties prenantes et il faudrait les consolider pour qu’ils puissent jouer un rôle déterminant dans la résolution des crises sous régionales, et il faudrait que l’UA assume un rôle complémentaire de soutien. Les efforts sous régionaux doivent montrer la voie et nous devrions éviter le double emploi. Il serait opportun de renforcer les blocs sous régionaux.

Q: Si le Conseil de la paix et la sécurité de l’UA existait et fonctionnait déjà, cette crise aurait-elle fourni un bon exemple pour envoyer des troupes?

R: Je dirais encore qu’il faudrait passer par le niveau de la région car nous avons pris des mesures pour dépêcher des troupes. Par conséquent, même au niveau continental, ce que pourrait faire le Conseil de la Paix et la Sécurité serait de dire comment pourrions-nous aider la CEDEAO. Il serait trop tôt pour eux d’envoyer des troupes, même pour l’ONU. C’est pourquoi nous disons à l’ONU « Pourquoi ne pas envisager une intervention de l’ONU dans le contexte de ce que la sous région est entrain de faire».

Q: Les Français ont-ils joué le rôle qui revenait à la CEDEAO en envoyant des troupes dès le début?

R: La CEDEAO a envoyé des troupes maintenant. Elles y sont et, vers la fin de cette semaine, nous aurons un dispositif de 1 300 hommes sur place. Nous avons une force importante et nous avons très étroitement collaboré avec les forces françaises pour surveiller les cessez-le-feu, les trois accords de cessez-le-feu qui ont été signés, et pour aider dans l’application de l’accord de Marcoussis, qui reste pour nous le cadre dans le lequel nous devons œuvrer.

Q: La CEDEAO craint-elle un autre Coup d’Etat en Côte d’Ivoire?

R: Comme vous n’êtes pas sans le savoir, la position de l’Union Africaine et de la CEDEAO est que nous ne pouvons reconnaître aucun gouvernement accédant au pouvoir par le biais d’un Coup d’Etat ou d’incidents inconstitutionnels. Nous exhortons les groupes à continuer à observer le cessez-le-feu, à préserver l’esprit de réconciliation et de recherche du consensus qui leur a permis d’arriver à l’accord de Marcoussis. Avec cet état d’esprit, nous pouvons surmonter même la crise actuelle. Il faudrait que tous les côtés soient prêts à accepter des compromis. Ces derniers temps en Afrique, si quelqu’un agit de la sorte, il ne sera pas reconnu, donc ils doivent agir dans le cadre de Marcoussis. J’ai été en contact avec toutes les parties et toutes restent engagées dans un dialogue et des négociations.

Q: Alors, quand les Ivoiriens verront-ils la paix?

R: Nous continuerons à œuvrer dans ce sens et nous voyons d’ores et déjà que la position de la CEDEAO est acceptée comme étant le cadre correct pour aborder la crise. Il est difficile de fixer une date à cet égard. La sous région agira très rapidement pour essayer d’aider à inverser cet impact. C’est une situation qu’on ne peut laisser pourrir. Après le sommet, vous verrez quelques activités de la part de la sous région pour contacter les deux côtés et trouver un compromis.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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