« En réalité, on ne peut plus parler de révolution pacifique au Yémen. Il s’agit plutôt d’un conflit de pouvoir entre [le président] Saleh et la coalition d’opposition [Joint Meeting Parties, JMP] ; ce conflit a débuté en 2006, lorsque le JMP a contesté les résultats de l’élection qui a reconduit M. Saleh pour un troisième mandat, affirmant que les résultats avaient été falsifiés », a indiqué Mujeeb Abdurrahman, un politologue de l’université de Hodeidah.
« Nous craignons que les violences ne mettent un terme à l’expérience de la démocratie que connaît le Yémen depuis 1993 », a-t-il dit à IRIN.
Les Nations Unies, qui ont envoyé un émissaire au Yémen afin d’évaluer la situation, reconnaissent que si des actions ne sont pas entreprises rapidement afin de mettre en œuvre un processus de transfert de pouvoir durable, les conséquences pourraient être très sérieuses.
« Les dirigeants politiques du Yémen ont deux possibilités : soit trouver un accord accepté par tous visant à prendre les mesures nécessaires pour assurer une période de transition pratique, soit faire face à l’effondrement et à la "somalisation" du pays », a dit Jamal Bin Omar, l’envoyé des Nations Unies au Yémen, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à Sana’a le 29 juillet.
Le 30 juillet, au moins 250 personnes auraient trouvé la mort au cours d’affrontements entre les hommes armés de l’opposition et la Garde républicaine dans le district d’Arhab, à 20 km au nord de Sana’a ; au moins 40 personnes auraient également trouvé la mort dans des combats qui ont opposé des militants armés aux troupes gouvernementales dans le gouvernorat d’Abyan. Des dizaines d’autres personnes ont été tuées ou blessées dans des combats similaires dans le gouvernorat de Taiz, à 250 km au sud de Sana’a.
L’économie a perdu 13 milliards de dollars au cours des six derniers mois, et le nombre de personnes pauvres est passé de sept à neuf millions (sur une population de 23 millions de personnes), selon le groupe de réflexion local Studies and Economic Media Centre (SEMC).
Augmentation du nombre de personnes déplacées
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) indique que le nombre de personnes déplacées dans le gouvernorat d’Abyan s’élevait à plus de 80 000 à la mi-juillet, s’ajoutant aux 300 000 personnes qui ont été déplacées à la suite des précédents conflits qui avaient opposé le gouvernement et les rebelles Houthi chiites dans les gouvernorats de Sa’dah et d’Amran.
Alors que des rumeurs font état d’un possible retour de M. Saleh (il recevrait actuellement un traitement médical en Arabie saoudite) au cours de la première semaine d’août, le cheikh Sadeq al-Ahmar, chef de la puissante confédération tribale des Hashid, a émis une mise en garde le 31 juillet, indiquant que « tant que je serai vivant, M. Saleh ne nous gouvernera plus ».
Les observateurs considèrent que cette annonce constitue une mise en garde précoce contre des affrontements de grande envergure entre les forces pro- et anti-gouvernementales.
« La population est divisée … l’armée est divisée et les chefs tribaux sont divisés … Seules des élections libres et équitables permettront de départager les parties », a dit à IRIN Mohammed al-Ruaini, éminent avocat et ancien député, à Sana’a ; il a également mis en garde contre le danger de guerre civile.
Entretemps, Abbas al-Musawa, un diplomate yéménite en poste au Liban, a suggéré que l’organisation d’élections présidentielles anticipées, qui excluraient M. Saleh et ses proches, et qui seraient « organisées sous la supervision des Nations Unies, du Conseil de coopération du Golfe (CCG), des États-Unis et de l’Union européenne afin de garantir leur intégrité et leur transparence » constitue la seule chance pour le pays de mettre fin aux troubles.
Le JMP, qui est soutenu par les jeunes manifestants, exige que M. Saleh démissionne et transmette tous les pouvoirs à son vice-président, Abdurabu Mansour Hadi, avant de débattre de l’organisation de nouvelles élections.
Depuis son départ pour l’Arabie saoudite au début du mois de juin, M. Saleh a réussi à rester au pouvoir en partie grâce à son fils Ahmad, qui est aux commandes des 23 divisions de la Garde républicaine et d’environ 40 pour cent de l’armée.
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