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Tout est une question d’argent

The business of humanitarian aid and who holds the purse strings L2GP
Les motifs de mécontentement sont nombreux s’agissant du système humanitaire, mais la plupart ont trait à l’argent.

D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), moins d’un cinquième des 19,44 milliards de dollars US requis cette année pour la réponse humanitaire ont été financé à ce jour, ce qui se traduit par d’importants déficits de trésorerie et des coupes budgétaires à tous les niveaux. 

Avec les conflits prolongés en Syrie, en Irak et au Soudan du Sud occasionnant des niveaux de déplacement sans précédent, les crises migratoires frappant l’Europe et l’Asie du Sud-Est et l’accumulation de catastrophes naturelles – la plus récente étant le Népal – la demande n’a jamais été aussi forte.

En conséquence, la hausse des coûts associée à ces besoins croissants – ainsi que la question de savoir comment combler ce déficit de financement – domine le débat dans le secteur de l’aide humanitaire, et pourrait bien devenir l’un des thèmes clés du Sommet humanitaire mondial de l’année prochaine.

« Les crises chroniques simultanées sont toujours plus nombreuses, et la demande devient insoutenable », a dit Mike Noyes, responsable de la réponse humanitaire chez ActionAid, à IRIN. « Le Sommet humanitaire mondial sera un échec, à moins que le financement ne tienne une place centrale à l’agenda. »

En mai, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a constitué un panel de haut niveau chargé de mettre au point des solutions pour un système de financement humanitaire plus prévisible, intervenant en temps voulu, et d’émettre des suggestions pour un déploiement plus efficace des ressources.

Ses neuf membres se sont rencontrés fin juin pour la première fois, et doivent remettre leur rapport avant le Sommet humanitaire mondial du mois de mai prochain.

Contenu interactif : The humanitarian economy (l’économie humanitaire) 

Renflouer les caisses

L’un des principaux défis consiste à « renflouer les caisses » et à lever davantage de fonds pour la réponse humanitaire.

« Le noyau dur des bailleurs de fonds doit clairement s’étoffer, et nous devons faire du secteur privé un partenaire plus prévisible en matière de financement et de réponse », a fait remarquer le nouveau chef d’OCHA, Stephen O’Brien, lors d’un événement récent organisé par les Nations Unies sur le thème du financement humanitaire.

Les riches États du Golfe comme les Émirats arabes unis (EAU), le Koweït et l’Arabie Saoudite, qui ont progressivement augmenté leur contribution - avec des dons importants consentis récemment aux Nations Unies en Irak et au Yémen - sont également sollicités.

À LIRE SUR LE MÊME SUJET : Les pays du Golfe, nouveaux champions de l’aide humanitaire 

Barnaby Willitts-King, qui travaille comme chargé de recherche auprès du groupe de réflexion britannique Overseas Development Institute (ODI), s’est félicité de la constitution « en temps voulu » du panel des Nations Unies dédié au financement humanitaire, et notamment de sa diversité – avec des membres issus du secteur privé et de ce que l’on appelle « le monde du Sud ».

« Ces problèmes sont étudiés depuis de nombreuses années. Il n’y a pas de réponse facile », a-t-il toutefois souligné.

« Je m’inquiète aussi du fait que l’on fonde trop d’espoir sur des bailleurs de fonds comme les États du Golfe pour combler le déficit de financement. Ils signent de gros chèques, mais ne le font pas toujours de manière prévisible », a-t-il dit à IRIN, en ajoutant que le secteur privé n’est pas nécessairement non plus la panacée que l’on veut bien croire. 

« Je vois quelques opportunités, comme ces employés désireux de donner de l’argent et leur appui à des crises comme le Népal », a-t-il dit. « Mais va-t-on voir des entreprises se mettre à verser de gros dons aux Nations Unies ? Je n’en suis pas si sûr. »

Redistribution des pouvoirs

Au-delà de la recherche de méthodes pour renflouer les caisses, le débat est également dominé par la volonté de changer la manière dont l’argent de l’aide est dépensé - et par qui.

De l’avis de beaucoup, le temps est venu pour les grands bailleurs de fonds « du Nord » (comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne) de relâcher leur emprise sur le système humanitaire et de déléguer davantage de fonds et de pouvoir directement aux organisations locales et nationales.

D’après le rapport 2015 sur l’aide humanitaire mondiale (GHA), publié en juin par Development Initiatives, un groupe de réflexion basé au Royaume-Uni, les ONG nationales et locales n’ont reçu que 0,2 pour cent des financements, soit moitié moins que les 0,4 pour cent de 2012. 

D’après les experts politiques, le fait qu’aussi peu d’argent soit versé directement aux organisations locales – qui se trouvent en première ligne de la réponse – limite non seulement le développement de leurs capacités, mais souligne en outre l’attitude paternaliste (voire coloniale) des bailleurs de fonds du Nord et de l’Ouest vis-à-vis des acteurs de l’aide du Sud.

Cela signifie que la manière dont l’aide est distribuée est encore régie par ceux qui la financent, plutôt que par les acteurs sur le terrain effectivement au contact des personnes dans le besoin.

À LIRE SUR LE MÊME SUJET : ONG : Combler le fossé Nord-Sud 

« Les crises et les besoins se ressentent au niveau local, dans des zones données. Et pourtant, les fonds sont versés par des gouvernements étrangers à des agences pour la plupart étrangères », s’est plainte Degan Ali, la directrice exécutive de l’ONG African Development Solutions (Adeso) basée à Nairobi, qui milite pour la création d’un réseau d’ONG du Sud afin de faciliter le financement des organisations locales.

Anne Street, la responsable des politiques humanitaires de la CAFOD – un organisme d’aide catholique basé au Royaume-Uni – a dit à IRIN que le modèle de financement humanitaire « [devait] changer ».

« Les bailleurs de fonds, les Nations Unies et les ONG doivent avoir une discussion de fond et se mettre à soutenir différentes options, à tester les différents modèles », a-t-elle dit.

L’initiative Future Humanitarian Financing (FHF), en partie soutenue par la CAFOD, fait partie des acteurs plaidant en faveur d’un profond réaménagement du système.

« Supprimer les barrières et permettre aux acteurs locaux et nationaux d’accéder aux sources internationales de financement humanitaire devrait être une priorité absolue », indiquait la FHF dans le rapport Looking beyond the crisis [Voir au-delà de la crise], publié en mai. 

Fondé sur des travaux de recherche tirés d’une série de « dialogues intersectoriels » organisés à Londres, Dakar, Amman et Bangkok, le rapport de 52 pages souligne : « L’entreprise humanitaire internationale est en dehors des réalités du monde dans lequel elle intervient, et est loin d’être apte à relever les défis du futur. Cela fait bien longtemps qu’un changement radical du modèle économique humanitaire est nécessaire ».

« Le rapport de la FHF a semé les graines ; il ne nous reste plus qu’à les arroser et à nous assurer qu’elles poussent », a dit Mme Street.

Le défi, bien sûr, tient à la manière de rendre cela possible.

Un financement groupé

Le financement groupé est une option dans laquelle les bailleurs de fonds alimentent un fonds central, qui est ensuite réparti en fonction des besoins sur le terrain plutôt que selon un agenda fixé par les donateurs.

Certains pays en crise ont actuellement recours au financement groupé pour accélérer le déblocage de fonds pour les agences travaillant sur le terrain.

Lancé en 2014 par Start Network, un consortium d’ONG internationales basé au Royaume-Uni, le Start Fund est un type de fonds groupé. Il privilégie le financement d’organisations luttant contre des situations d’urgence en développement, qui échappent bien souvent à l’attention des médias ou au radar des bailleurs de fonds.

« Nous avons envoyé de l’argent aux pays frappés par Ebola en juin dernier, et cet argent a servi à financer des campagnes de sensibilisation et des produits d’hygiène qui ont sans doute permis de sauver de nombreuses vies », a expliqué le directeur de Start Network, Sean Lowrie. « Nous n’attendons pas que les médias créent une histoire. Nous avons détecté un besoin et nous avons utilisé notre pouvoir délégué. »

M. Lowrie n’est pas favorable à ce que davantage de fonds soient versés directement aux acteurs humanitaires locaux, plutôt que de passer par des organisations internationales ou les agences des Nations Unies.

« Nous estimons que changer le partenaire d’exécution ne modifiera pas le comportement systémique », a-t-il dit. « L’enjeu fondamental n’est pas qui fait le travail, mais ce dont les populations ont besoin. »

Il semblerait qu’OCHA s’applique également à réformer son approche en matière de financement humanitaire, tandis que les appels se multiplient à travers toute l’industrie en faveur de programmes directs axés sur le versement d’espèces (plutôt que sur une aide en nature) en situation d’urgence. 

Le principal enjeu reste néanmoins de déterminer comment évaluer et gérer au mieux ces approches plus directes.

De nouvelles recherches, menées par l’initiative L2GP (Local to Global Protection) en collaboration avec IRIN, révèlent que les gros bailleurs de fonds peinent à garder la trace de l’argent de l’aide à mesure qu’il atteint le bas de la chaîne d’approvisionnement.

VOIR NOTRE ANALYSE DE DONNÉES : The humanitarian economy (L’économie humanitaire) 

Il est à craindre que l’absence d’obligation de rendre des comptes, qu’elle soit perçue ou réelle, mette un frein aux efforts visant à céder davantage de pouvoir et de fonds aux organisations locales en aval.

« Alors que nous évoquons tous de l’importance des réponses locales, il est fascinant de constater que nous sommes incapables de mettre un chiffre sur les sommes dépensées au niveau local », a ajouté Nils Cartensen, co-auteur du rapport L2GP.

Développement ou aide humanitaire ?

Lorsque le sujet du financement humanitaire est abordé, une autre question alimente inlassablement les débats : où termine l’effort humanitaire et où commence l’effort de développement ?

« Les crises humanitaires sont inextricablement liées à d’autres facteurs parmi lesquels la vulnérabilité, la pauvreté, l’inégalité et la fragilité politique et environnementale », a écrit Jemilah Mahmood, la responsable du secrétariat du Sommet humanitaire mondial, dans un article du quotidien britannique The Guardian. 

« Le fait est que ces crises récurrentes et prolongées ne peuvent être abordées par le seul biais de l’action humanitaire », a-t-elle dit.

« Nous devons exploiter les atouts des différents acteurs et des différentes sources de financement pour réduire la vulnérabilité et la dépendance à l’égard de l’aide humanitaire, et renforcer la résilience des populations face aux crises. »

C’est également l’avis de M. Noyes, de chez ActionAid.

« Ces dernières années, il est vrai que nous sommes passés d’une situation où l’aide humanitaire se résumait aux interventions d’urgence, à la situation actuelle où elle englobe les interventions d’urgence, la préparation, le relèvement et la résilience », a-t-il dit. « Notre appétit a grandi, mais pas la cagnotte. »

M. Noyes, qui voit là un argument pour que les acteurs de développement s’investissent davantage, remet toutefois en question le « fossé » entre réponse humanitaire et développement.

« Nous sommes nombreux à nous trouver en bout de chaîne d’organisations aux mandats multiples. La cagnotte des bailleurs de fonds elle-même provient très souvent des mêmes gouvernements, mais est en quelque sorte fractionnée pour se rejoindre ensuite », a-t-il dit.

Bien que les approches soient multiples, une chose est claire : le principe d’une réforme du système suscite un vif intérêt et une réelle dynamique.

« Nous vivons un moment d’une importance cruciale pour ce qui est du financement humanitaire ; et les enjeux sont considérables », a dit Mme Street.

« Espérons-le, d’ici deux ans nous commencerons peut-être à observer de réels changements, qui permettront à l’action humanitaire d’agir plus rapidement, de manière plus réactive et adéquate au moment et à l’endroit où se présentent les besoins, et d’être assurée par les personnes les mieux placées pour le faire plutôt que par les personnes les mieux placées pour accéder aux financements. »

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