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La crise humanitaire négligée au Niger

Displaced population at a refuge site in Niger's Diffa region. Boko Haram's worsening violence has forced tens of thousands to flee northeastern Nigeria to neighbouring countries. Katy Thiam/OCHA Niger
En novembre dernier, des membres de Boko Haram sont arrivés chez Fanna Liman Mustafa, 25 ans, et ont incendié sa maison de Baga, dans le nord-est du Nigeria. Elle a décidé de fuir au Niger avec ses quatre enfants. Le destin a voulu qu'elle ait de la chance : les militants islamistes sont revenus au mois de janvier et ont massacré des centaines, voire des milliers de civils.

« Nous avons tout perdu dans l'incendie causé par les attaques », a dit à IRIN Mme Mustafa, en expliquant que les militants étaient arrivés de la région de Diffa, au sud-est du Niger, avec les vêtements qu'ils avaient sur le dos et rien d'autre.

Les premières familles de réfugiés sont arrivées au Niger en 2013, mais les militants de Boko Haram ont multiplié les violences dans la région au cours de ces derniers mois, ce qui a entraîné une explosion du nombre de réfugiés et une crise humanitaire dont l'ampleur ne cesse de s'accentuer, sans retenir l'attention des médias internationaux.

Environ 150 000 déplacés de Diffa ont un besoin urgent d'assistance, notamment de nourriture, d'après les agences d'aide humanitaire. La ville de Diffa est devenue la cible des attaques de Boko Haram, ce qui veut dire que les familles qui hébergeaient des réfugiés commencent à se déplacer.

« Ils (les réfugiés) continuent d'arriver à Diffa », a expliqué Akébou Sawadogo, directeur de Save the Children au Niger. « Les arrivées ont considérablement alourdi le fardeau des communautés hôtes locales qui étaient déjà très vulnérables ».

La majorité des réfugiés ont peu ou pas d'accès aux soins de santé et à l'éducation et ont un accès insuffisant aux services de base, comme l'eau et un abri.

Les évaluations de la sécurité alimentaire sont toujours en cours, mais au moins 65 pour cent des personnes déplacées, y compris des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDIP), disent qu'elles n'ont pas un accès suffisant à la nourriture, d'après Save the Children.

Comme Mme Mustafa, la majorité des réfugiés nigérians vivent au sein des communautés hôtes, car le premier camp officiel n'a été ouvert que le 30 décembre.

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a organisé la relocalisation de quelques centaines de personnes vers les camps, mais d'après les estimations, 60 pour cent des personnes déplacées sont encore « sans abri » et vivent dans des constructions de fortune érigées près des arbres, indique la dernière évaluation de la Croix-Rouge internationale.
   
Pas assez de nourriture pour tout le monde

Les habitants de Diffa luttaient déjà pour leur survie : la moitié de la population vit avec moins de 1,25 dollar par jour et les taux de malnutrition sont parmi les plus élevés d'Afrique. Aujourd'hui, les ménages locaux partagent le peu de nourriture qu'ils ont avec les réfugiés.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a expliqué que chaque famille héberge 17 personnes en moyenne.

En outre, bon nombre d'habitants n'ont pas pu ensemencer leurs champs l'année dernière, en raison de la situation sécuritaire.

En conséquence, la région de Diffa n'a produit que 55 pour cent des céréales nécessaires pour satisfaire les besoins alimentaires annuels de ses habitants ; elle a donc un déficit céréalier de plus de 80 000 tonnes, d'après OCHA.

« Les récoltes n'ont pas été très bonnes à Diffa et la combinaison de l'insécurité et des récoltes insuffisantes explique qu'il est difficile de nourrir les familles », a dit le Benoît Thiry, Directeur pays du Programme alimentaire mondiale (PAM) au Niger.

Cette année, la période de soudure, qui a déjà débuté, sera plus difficile que d'habitude. M. Thiry a dit que le PAM était particulièrement préoccupé par la mauvaise situation nutritionnelle des enfants de la région.

Le taux de malnutrition aiguë globale des enfants de moins de cinq ans de la région de Diffa était de 13,8 pour cent en 2014, ce qui veut dire que le taux de malnutrition était pratiquement deux fois supérieur à celui du Cameroun et de la Guinée-Bissau, par exemple. Le nombre d'enfants de moins de cinq ans admis dans les centres de nutrition a été multiplié par deux et par trois dans certaines communautés, en raison notamment de la crise des réfugiés.

Entre le 1er janvier et le 26 avril, 8 407 cas de malnutrition aiguë sévère ont été enregistrés chez les enfants de moins de cinq ans de la région, d'après la ldernière évaluation des Nations Unies. En 2014, 3 168 cas avaient été recensés durant la même période.

« Si vous allez à Diffa aujourd'hui, les principaux besoins des communautés – d'après ce qu'elles disent – sont la nourriture et l'eau », a dit M. Sawadogo. « La sécurité alimentaire reste donc notre principale préoccupation en ce qui concerne les besoins humanitaires, car plus il y a de ménages en situation de vulnérabilité, plus on doit distribuer d'aide alimentaire aux déplacés ».

Le Directeur pays de Save the Children a dit que les bailleurs de fonds ne pouvaient pas couvrir tous les besoins alimentaires des ménages de Diffa à cause du manque de financements.

L'appel des Nations Unies pour le Plan de réponse stratégique pour la région de Diffa - d'un montant de 31,2 millions de dollars - n'a été financé qu'à 55 pour cent, d'après le Service de suivi financier des Nations Unies. Il faudrait environ 14 millions de dollars pour poursuivre les opérations jusqu'à la fin de l'année.

Pas de papiers, pas d'accès aux services

Au Niger, les Nigérians doivent présenter les bons documents pour obtenir le statut juridique de réfugiés et avoir droit à l'intégralité des prestations, comme l'aide alimentaire et l'accès aux camps.
« Aujourd'hui, j'ai des difficultés à accéder aux services de base », a dit à IRIN Binta Ali, en expliquant que les extraits d'acte de naissance des membres de sa famille et leurs autres documents administratifs avaient été détruits lors des attaques commises par Boko Haram dans leur village, au Nigeria, et qu'ils n'avaient donc plus de preuves de leur identité.

Mme Ali n'est pas la seule dans ce cas.
  
« Chaque fois que je veux accéder aux services destinés aux réfugiés, je dois m'expliquer plusieurs fois pour pouvoir bénéficier des prestations »
D'après le ministre de l'Intérieur du Niger, plus de 60 pour cent des déplacés sont dépourvus de documents d'identité pour prouver leur nationalité.

« Sans acte de naissance ou document d'identité, les populations visées n'ont pas accès à leurs droits élémentaires, elles ne bénéficient pas de tous leurs droits [en tant que réfugiés] et elles risquent de devenir apatrides », a expliqué à IRIN Alassane Seyboune, secrétaire général du ministère de l'Intérieur.

Abdel Kadar Gonimi, un Nigérien qui vivait au Nigeria et qui a été contraint de revenir au Niger, a dit à IRIN : « Chaque fois que je veux accéder aux services destinés aux réfugiés, je dois m'expliquer plusieurs fois pour pouvoir bénéficier des prestations ».

La commission nationale des réfugiés du Niger dit qu'elle a enregistré plus de 10 000 réfugiés depuis la mi-mars et qu'elle espère en enregistrer 200 000 d'ici la fin de l'année, avec le soutien du HCR. C'est un objectif ambitieux, car il est difficile de prendre contact avec certaines communautés de la région de Diffa en raison de la menace posée par Boko Haram.

« La situation est particulière à Diffa, car il ne s'agit pas d'une réponse humanitaire traditionnelle, avec des réfugiés hébergés dans des camps », a expliqué M. Sawadogo. « C'est plus facile de les compter dans les camps, c'est plus facile de contrôler la situation et de fournir de l'aide. La communauté humanitaire fait de son mieux, mais le défi, ici, consiste à déterminer le nombre de personnes présentes et à trouver le meilleur moyen de leur venir en aide ».

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