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La grippe aviaire menace les éleveurs de volailles d'Afrique de l'Ouest

Chickens in Burkina Faso Jennifer Lazuta/IRIN
Naba Guigma, de la province burkinabée de Boulkiemdé, au sud-ouest de la capitale, Ouagadougou, a vu avec désespoir ses pintades et ses poulets mourir les uns après les autres. À l'instar de plusieurs autres millions d'éleveurs de volailles en Afrique de l'Ouest, il a perdu sa seule source de revenus et est acculé à la ruine.

« Au départ, on a pensé qu'il s'agissait du [virus] de Newcastle, une maladie fréquente chez la volaille, et on s'est dépêché de vendre quelques animaux », a dit M. Guigma à IRIN.

En moins de deux semaines, ses 120 oiseaux étaient tous morts.

« Maintenant je n’ai plus de volaille. Le poulailler est vide. »
C'était en avril. Au mois de juin, quelque 1,7 million de volatiles avaient succombé, dans cinq pays, à ce qui avait entre-temps été diagnostiqué comme étant la souche H5N1 - mortelle et extrêmement contagieuse - de la grippe aviaire.

La souche, qui n'avait plu été vue dans la région depuis 2008, a été confirmée au Nigéria en janvier et a depuis gagné le Niger, la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Ghana. 

D'ordinaire, M. Guigma vendait entre 80 et 100 poulets par mois, ce qui, avec la vente des oeufs, lui rapportait entre 415 et 515 dollars par mois.

« C'était notre principale source de revenus », a-t-il dit à IRIN. « Maintenant je n'ai plus de volaille. Le poulailler est vide. »

Le secteur avicole s'est très fortement développé en Afrique de l'Ouest ces dix dernières années, et constitue aujourd'hui le principal gagne-pain de nombreux petits agriculteurs en milieu rural.

En Côte d'Ivoire, par exemple, le secteur a enregistré une hausse de plus de 70 pour cent entre 2006 et 2015, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

La FAO et les gouvernements régionaux en sont encore à évaluer l'étendue et l'impact de l'épidémie, mais leur inquiétude est sérieuse et manifeste.

« Je pense que nous ne voyons que la partie immergée de l'iceberg », a dit le vétérinaire en chef de la FAO, Juan Lubroth, à IRIN. « Je dispose d'assez d'informations pour être préoccupé, et de trop peu pour être à l'aise. »

Au Burkina Faso, les éleveurs de neuf régions - sur les 13 que compte le pays - ont été affectés par la grippe aviaire depuis avril.

Près de 215 000 oiseaux ont succombé. À raison de 10 dollars environ par volaille, cela représente plus de 2 millions de dollars de pertes directes, dont les éleveurs de volailles et les commerçants locaux sont les premiers à pâtir.

Le ministère burkinabé des Ressources animales estime que les pertes directes et indirectes liées au virus pourraient représenter plus de six millions de dollars cette année.

Toujours plus de pertes

Dans une tentative d'endiguer l'épidémie, des agents du gouvernement confisquent et incinèrent désormais tout spécimen - même sain – se trouvant dans un rayon de moins de trois kilomètres d'un animal infecté. Le ministère des Ressources animales rapporte avoir procédé à la destruction de plus de 16 000 oiseaux et 166 000 oeufs depuis avril.

Selon ses chiffres, le ministère burkinabé du Commerce aurait dépensé près de 100 000 dollars en indemnités. Alors qu'il proposait initialement 2 dollars par volaille abattue, le montant a depuis presque doublé (environ 4 dollars) afin d'inciter les éleveurs à révéler l'existence de leurs animaux malades.

Toutefois, la somme versée reste bien inférieure à ce qu'obtiendrait un éleveur en vendant son poulet au marché - selon la taille, la couleur et l'état de santé général de l'animal.

Pour éviter une telle perte, de nombreux éleveurs ont commencé par cacher leurs oiseaux malades en espérant les vendre malgré tout, rapportent les vétérinaires chargés d'abattre les animaux infectés.

Bien que le programme de compensation ait aidé de nombreux éleveurs à compenser partiellement leurs pertes, M. Guigma, comme de nombreuses autres victimes précoces de l'épidémie, ne recevra pas le moindre dollar du gouvernement.

« Cette année promet d’être terrible pour moi. Durant la période de soudure, je peux vendre un poulet jusqu’à 15 dollars, mais maintenant j’ai perdu toutes mes économies et la situation est désespérée. »
Seuls seront indemnisés les éleveurs ayant autorisé les agents du gouvernement à abattre leurs oiseaux une fois l'épidémie déclarée. Rien n'est prévu pour les oiseaux morts antérieurement, ou avant d'avoir été officiellement reconnus comme étant infectés.

Pedi Nana, par exemple, n'a reçu que 22 dollars alors qu'il a perdu l'intégralité de son troupeau - près de 45 pintades et 50 poulets au total. Le temps qu'un agent agricole vienne lui confisquer ses animaux malades, tous étaient morts à l'exception de six.

« Cette année promet d'être terrible pour moi », a-t-il dit à IRIN. « Durant la période de soudure, je peux vendre un poulet jusqu'à 15 dollars, mais maintenant j'ai perdu toutes mes économies et la situation est désespérée. »

Ces trois derniers mois, les éleveurs de volailles du Burkina Faso ont perdu environ 70 pour cent de leurs revenus, d'après Moussa Koné, le président de l'Association nationale des exploitations avicoles locales.

Les régions rurales, pour qui le commerce de volailles représente la principale source de revenus, ont été les plus gravement touchées.

Plusieurs pays voisins, dont la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali, ont récemment fermé leurs frontières aux importations de volailles en provenance du Burkina Faso.

D'après la FAO, il est trop tôt pour dire quelle sorte d'impact l'épidémie aura sur la sécurité alimentaire, mais les lourdes pertes risquent d'affecter l'approvisionnement alimentaire et les prix du marché.

« L'un des motifs de préoccupation est que nous connaissons ce virus, nous savons les dégâts dont il est capable et qu'il peut [affecter] les moyens de subsistance », a dit M. Lubroth. « Si, par exemple, les consommateurs n'ont pas confiance et qu'ils évitent la volaille, le marché sera soumis à des pressions. Soit les prix deviendront trop élevés (en raison de la rareté de l'offre) et les gens n'auront plus les moyens de s'en offrir, soit ils deviendront trop bas et les éleveurs ne parviendront pas à joindre les deux bouts. »

« J’ai reçu (175 dollars) lorsque le vétérinaire a abattu mon troupeau dans le cadre de mesures préventives. Mais ce n’est rien par rapport à ce que nous avons perdu. »
M. Lubroth a dit que la situation était particulièrement préoccupante pour les éleveurs de la région du Sahel, que la sécheresse récurrente a rendus plus vulnérables et moins résilients aux autres chocs ces dernières années.

Aller de l'avant

Au-delà des questions d'indemnisation, de nombreux éleveurs estiment que le gouvernement devrait mettre sur pied un plan visant à relancer l'industrie avicole nationale une fois que l'épidémie sera sous contrôle.

« C'est vrai que nous demandons de meilleures indemnisations », a dit M. Koné. « Mais nous devons convenir que cela ne résoudra pas le problème. Il devrait y avoir un protocole regroupant tous les acteurs - les producteurs, les marchands et les industriels - et le gouvernement pour relancer l'industrie avicole une fois la grippe aviaire terminée. »

Martin Kabore, qui a récemment lancé une exploitation avicole à Koudougou, est du même avis.

« J'ai reçu (175 dollars) lorsque le vétérinaire a abattu mon troupeau dans le cadre de mesures préventives », a-t-il dit. « Mais ce n'est rien par rapport à ce que nous avons perdu. Non seulement nous avons besoin d'argent pour relancer l'exploitation... mais il y a certaines espèces que nous ne retrouverons pas. »

Le gouvernement burkinabé estime qu'il lui en coûtera 8,2 millions de dollars pour lutter contre l'épidémie et indemniser les éleveurs, mais n'a levé à ce jour que la moitié de cette somme auprès de ses partenaires locaux et internationaux.

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