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Faut-il interdire les « robots-tueurs » ?

The Campaign to Stop Killer Robots has support from a number of British MPs Campaign to Stop Killer Robots
The Campaign to Stop Killer Robots has support from a number of British MPs
Les drones tuent de nombreuses personnes pour le compte des gouvernements qui les utilisent, mais un être humain doit prendre une décision consciente et appuyer sur un bouton. Et si des machines à tuer étaient programmées pour prendre ces décisions seules ?

Les « robots tueurs » pourraient fournir matière à l'écriture de fictions dystopiques, mais ils vont être au centre des discussions des experts en armement, des groupes de défense des droits de l'homme et des États membres des Nations Unies qui se rencontrent à Genève cette semaine.

Cette réunion de cinq jours a lieu dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur certaines armes classiques.

Elle examine les implications juridiques et morales des systèmes d'armes létales autonomes (SALA) et évalue l'état d'avancement de leur développement.

IRIN présente les grands enjeux de cette réunion.  

Que sont les SALA?

L'un des objectifs de cette réunion est de trouver une réponse à cette question. Les SALA n'en sont qu'au stade du développement, ils n'ont jamais été utilisés sur les champs de batailles. Plusieurs pays travaillent à la création de systèmes d'armes autonomes, et même complètement autonomes, mais il est encore difficile de savoir ce qu'ils pourront faire, et aucune définition juridique ou commerciale des SALA n'a pour l'instant était déterminée. Les SALA ne doivent pas être confondus avec les drones, des avions sans pilote qui sont contrôlés par des êtres humains sur le terrain. Une arme totalement autonome est une machine qui est programmée à l'avance et qui est utilisée pour retrouver des personnes ou des objets et les tuer ou les détruire. La machine prendra elle-même la décision finale d'attaquer.

Quels sont les pays qui disposent de SALA et quels sont les pays qui veulent s'en doter ?

Il est difficile de répondre à cette question, car les pays restent généralement discrets sur le développement de leur technologie d'armement perfectionné. Mais les États-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne et Israël développeraient ces systèmes d'armes autonomes. Les États-Unis travaillent sur le développement du « Crusher », un véhicule de combat terrestre sans pilote, et la Grande-Bretagne a testé un avion de chasse sans pilote, baptisé « Taranis ». Entre-temps, la Corée du Sud a déployé des « sentinelles » autonomes dans la zone démilitarisée : elles sont équipées de mitrailleuses capables d'accrocher une cible et de tirer sur celle-ci, mais elles n'ont jamais été utilisées à cet effet.

Quels sont les avantages des SALA ?

L'idée que des guerres puissent être menées par des machines qui détruisent des cibles de manière clinique, sans erreur humaine, peut sembler séduisante. Des responsables militaires pensent que les armes autonomes pourraient réduire de manière significative le nombre de soldats humains dont la présence est nécessaire sur le champ de bataille. D'autres suggèrent que leur utilisation pourrait limiter les souffrances des populations civiles en cas de conflit.

Quels sont leurs inconvénients ?

Selon les groupes de défense des droits de l'homme, les armes autonomes soulèvent d'importantes questions morales et éthiques. Avant la réunion de cette semaine à Genève, Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport affirmant que les armes autonomes devraient être interdites avant qu'elles aient été pleinement développées. Le rapport, intitulé « Une lacune cruciale : Le manque de responsabilité juridique pour les robots tueurs » soulève des inquiétudes concernant la question de la responsabilité des crimes de guerre dans les conflits où des armes autonomes sont utilisées.

« Une arme entièrement autonome serait capable de commettre des actes qui constitueraient des crimes de guerre si c’était une personne qui les perpétrait, mais en l’occurrence les victimes ne verraient personne être puni pour ces crimes », a expliqué Bonnie Docherty, chercheuse senior auprès de la division Armes à Human Rights Watch.

Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a également soulevé des questions concernant l'emploi des armes autonomes. Un rapport rendu public en mai 2013 par Christof Heyns, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, affirmait que « Les machines n’ont pas de morale et ne sont pas mortelles, et à ce titre ne devraient pas avoir un pouvoir de vie et de mort sur les êtres humains ». Le rapport de M. Heyns appelait à un moratoire sur le développement des armes autonomes tant que les questions juridiques et morales ne seraient pas réglées.

Que prévoient les conventions de Genève ?

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), gardien des Conventions de Genève, a également émis des inquiétudes à propos des armes létales autonomes. Le CICR craint que leur utilisation ne porte atteinte aux principes fondamentaux de distinction, de proportionnalité et de précaution qui ont pour but de protéger les civils lors des conflits.

Le rapport du CICR sur les armes autonomes met en avant la nature complexe des guerres modernes et explique : « Il est difficile de savoir comment ces armes pourraient opérer une distinction entre un civil et un combattant, ainsi que l'exige le principe de distinction.

« Ces armes devraient également opérer une distinction entre les combattants actifs et les personnes qui sont hors de combat ou qui expriment leur intention de se rendre, ou encore entre les civils qui prenant directement part aux hostilités et les civils armés ».

« L'usage d'armes autonomes doit aussi être subordonné au principe de proportionnalité, selon lequel les pertes en vies humaines dans la population civile causées par une attaque contre un objectif militaire ne doivent pas être excessives par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu », ajoute le rapport.

Le CICR ne s'est pas joint aux appels en faveur d'une interdiction préventive. En revanche, l'organisation va participer aux débats organisés cette semaine et exhorter les États membres des Nations Unies à répondre aux implications juridiques et éthiques de l'emploi des SALA avant de poursuivre leur développement ou de les déployer.

Quelle est la probabilité d'une interdiction préventive ?  

Il existe un précédent concernant l'interdiction d'une arme sur le point d'être fabriquée et utilisée : en 1995, les Nations Unies ont interdit l'utilisation de lasers aveuglants.

Mais d'autres tentatives visant à obtenir un engagement en faveur de conventions des Nations Unies visant à interdire l'emploi d'armes se sont soldées par des échecs.

Après des années de campagnes contre les mines terrestres, les partisans de l'interdiction ont fini par abandonner l'enceinte des Nations Unies et ont lancé le processus d'Ottawa qui a abouti à la création de la Convention de 1998 sur l'interdiction des mines anti-personnel.

Le scénario a été identique pour les armes à sous-munitions : face à l'impossibilité d'arriver à un accord aux Nations Unies, la Norvège a invité les autres parties intéressées à rejoindre le processus d'Oslo. En 2010, la Convention sur les armes à sous-munitions entrait en vigueur.

Il est plus que probable que le débat sur les SALA sera long et que les progrès pour aboutir à des restrictions ou à une interdiction de leur utilisation seront lents.

Les organisations non gouvernementales (ONG) préféreraient que les débats se déroulent sous l'égide des Nations Unies, car cela garantirait la participation des principales puissances militaires mondiales aux discussions. N'oublions pas que les États-Unis, la Russie et la Chine n'ont pas signé les conventions contre les mines antipersonnel et les armes à sous-munitions.

Que peut-on attendre de cette réunion ?

Beaucoup de débats, mais pas de grandes décisions. L'ambassadeur d'Allemagne Michael Biontino préside la réunion. Il a envoyé aux États membres un document d'information qui devrait leur donner matière à réfléchir.

M. Biontino leur a demandé de se pencher sur plusieurs éléments : les conséquences que pourraient avoir les SALA sur la stabilité régionale ; est-il éthique pour des machines de prendre des décisions de vie ou de mort ; et dans quelles situations des armes autonomes pourraient-elles être déployées.

Il espère que la réunion permettra d'apporter un éclairage sur les questions juridiques et morales relatives à l'emploi des SALA et qu'elle offrira une évaluation précise de l'état du développement technologique.

A partir de ce moment et jusqu'à la Conférence d'examen de la Convention sur les armes conventionnelles qui aura lieu en 2016 et au cours de laquelle des propositions concrètes sur des restrictions ou une interdiction totale devraient être faites, les débats devaient être plus formels.

Le processus peut paraître lent, laborieux et bureaucratique, mais les discussions organisées à Genève sont en réalité révolutionnaires. Les pays, les fabricants d'armes et les acteurs humanitaires se rencontrent pour identifier le bien-fondé d'une nouvelle arme – une arme qui pourrait fondamentalement changer la nature de la guerre – avant même que cette arme n'existe.

if/ag-mg/amz 
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