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Opposition à la révolution verte en Afrique

Using conservation agriculture practices, a smallholder farmer from Swaziland’s eastern Lubombo District, can grow maize without the need for fertilizer Mujahid Safodien/IRIN
A smallholder farmer from Swaziland’s eastern Lubombo District (Jan 2013)
Des organisations de la société civile critiquent les politiques de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) qui favorisent l'utilisation de cultures génétiquement modifiées (OGM) et les technologies de la révolution verte.

Elles affirment que les pratiques qui relèvent des OGM et de la révolution verte — celles visant à accroître les rendements agricoles des pays en développement grâce à des innovations spécifiques — vont, à long terme, nuire aux écosystèmes de tout le continent. Au début du mois, une coalition de près de 60 organisations de la société civile de toute l'Afrique s’est réunie pour protester contre l’AGRA en prévision du sommet du G8 à Londres.

« Les technologies de la révolution verte profitent à relativement peu d’agriculteurs et les bénéfices se font souvent aux dépens de la majorité. Ces technologies provoquent une concentration de la propriété, augmentent les économies d’échelle (la production doit se faire à grande échelle pour pénétrer dans les marchés et s’y maintenir) et réduisent le nombre de foyers produisant de la nourriture dans un contexte où les autres moyens de subsistance sont limités », ont expliqué ces organisations dans une lettre adressée à la présidente de l'AGRA, Jane Karuku.

Elles pensent également que la propriété intellectuelle de nombreux types de plantes reviendra aux grandes sociétés multinationales comme le prévoient les pratiques de la révolution verte.

Selon ces organisations, « la propriété privée des savoirs et des ressources matérielles (par exemple les semences et le matériel génétique) signifie que les droits de propriété (royalties) échappent à l’Afrique et passent aux mains des multinationales ».

Technologie accessible aux défavorisés

L’AGRA a été fondée en 2006 grâce à un partenariat entre la Fondation Rockefeller et la Fondation Bill et Melinda Gates. Elle travaille en collaboration avec des petits agriculteurs sur l’ensemble du continent en leur accordant des microcrédits et en leur fournissant des semences hybrides et des engrais pour accroître le rendement de leurs cultures. De cette façon, l'AGRA espère lutter contre la faim et la pauvreté sur le continent.

La révolution verte
Période des années 1940 aux années 1970 durant laquelle, grâce aux nouvelles techniques comme l'irrigation, les semences améliorées, les engrais et les pesticides, et grâce à un climat économique favorable à l'agriculture industrielle, il y a eu une augmentation massive de la production agricole dans les pays en développement (en Asie notamment). Norman Borlaug, lauréat du prix Nobel de la Paix en 1970 pour son amélioration des technologies agricoles, est connu dans le monde comme le « père de la révolution verte » et on lui attribue le mérite d’avoir sauvé un milliard de vies grâce à ses innovations.
« Il y a des millions d'agriculteurs qualifiés en Afrique qui ont simplement besoin d’équipements », a déclaré Sir Gordon Conway, un agronome auteur du livre « One Billion Hungry: Can We Feed the World? » (Un milliard d'affamés : Peut-on nourrir le monde ?), dans un message vidéo lors d'une conférence sur l'agriculture à Nairobi. Dans son ouvrage, il soutient que les microcrédits – destinés aux petits agriculteurs – comme les macro-investissements sont nécessaires pour que les agriculteurs puissent bénéficier des technologies de la révolution verte.

Selon l’auteur, les groupes traditionnellement marginalisés — notamment les femmes, les jeunes et les minorités ethniques – tireront profit de l'utilisation des nouvelles technologies agricoles destinées aux petits exploitants et il y aura une diminution considérable du nombre total de personnes souffrant de la faim. Ainsi, selon ses calculs, si les agricultrices se voient garantir l’accès aux mêmes ressources productives que les hommes, cela pourrait réduire de 100 à 150 millions le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde.

« S’il faut nourrir 9 milliards d’êtres humains d'ici à 2050 par des procédés qui respectent l'environnement et dans un contexte de changement climatique, nous devons avoir accès à ce que la science moderne peut offrir de meilleur », a déclaré Peter Hazell, un expert agricole reconnu qui a travaillé auprès de la Banque mondiale et de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). « Toutes les technologies présentent des risques (par exemple, les téléphones mobiles peuvent causer le cancer du cerveau), mais en attendant, les cultures d’OGM semblent être plutôt efficaces ».

Dettes et dépenses

Mais les organisations de la société civile ne sont pas du même avis. « L’AGRA pousse les agriculteurs dans la mauvaise direction en les incitant à s’endetter pour acheter plus de produits agrochimiques et de semences hybrides aux entreprises », a déclaré à IRIN Teresa Anderson de la Fondation Gaia.

« Depuis plusieurs années, des ONG travaillent dans toute l’Afrique avec les agriculteurs afin de les encourager à ne plus utiliser d’engrais et de pesticides et à améliorer la santé des sols et des écosystèmes, la diversité des semences et leur souveraineté alimentaire. L’AGRA est en train d’effacer une décennie de progrès agroécologiques en Afrique en poussant les agriculteurs à s'endetter et à retomber sous le joug de l’industrie agroalimentaire », a-t-elle dit.

« Partout dans le monde, les sociétés qui possèdent les semences possèdent également les produits chimiques ; c'est un cartel mafieux qui se montre impitoyable avec les agriculteurs pauvres produisant à petite échelle »
Les cultures commerciales de plantes génétiquement modifiées sont uniquement autorisées dans trois pays d'Afrique – l’Égypte, le Burkina Faso et l'Afrique du Sud — selon Gareth Jones de l’African Centre for Biosafety (Centre africain de biosécurité). Parmi ces pays, seule l'Afrique du Sud les utilise de façon intensive. M. Jones estime que c'est une erreur de penser que ce modèle pourrait être reproduit ailleurs sur le continent.

« L'héritage du colonialisme puis de l’apartheid en Afrique du Sud a laissé un secteur agricole commercial riche et subventionné aux mains d’exploitants blancs qui, souvent (notamment les cultivateurs de maïs, de coton et de soja), possèdent de grandes parcelles de terrain et utilisent des intrants modernes », a-t-il expliqué dans un courriel adressé à IRIN. « Les projets visant à amener les petits agriculteurs sud-africains à faire pousser des OGM, à l’image de celui de [la région des] Makhathini Flats, pourtant vanté par l'industrie de la biotechnologie à l'époque, ont largement échoué ».

Le projet des Makhathini Flats, qui a commencé avec la production de coton en 2002, a pris fin après seulement cinq ans. Les charges élevées de remboursement des emprunts pour l’achat des semences et les mauvaises conditions climatiques ont fait que les petits exploitants n'avaient pas les moyens de cultiver. « Rien ne prouve que l'introduction de semences OGM donnera des résultats différents sur le reste du continent », a déclaré M. Jones. Il accuse les initiatives comme celle de l'AGRA de prôner une plus grande utilisation des cultures génétiquement modifiées sur le continent.

En septembre 2012, plus de 350 organisations de la société civile ont rédigé une déclaration pour protester contre les méthodes agricoles de l'AGRA.

« À cause du programme de semences de l’AGRA, nous craignons que les nombreuses et riches variétés de semences indigènes africaines ne deviennent la propriété de sociétés de semences brevetées, ce qui déplacerait et réduirait l'accès des agriculteurs aux variétés indigènes, et les enfermerait dans un système de production agricole à haut rendement très coûteux », ont-elles écrit. Parmi les signataires figurent l’African Biodiversity Network (ABN), l’African Centre for Biosafety (ACB), la Kenya Biotechnology Coalition, le Participatory Ecological Land Use Management (PELUM), et ActionAid pour la Tanzanie et l’Ouganda.

Ces organisations ont cité une étude réalisée en 2009 par l’Évaluation internationale des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD), dirigée notamment par l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et la Banque mondiale. Les conclusions de l’étude montraient qu’il était peu probable que l'agriculture industrielle soit réellement bénéfique pour lutter contre la faim et la pauvreté.

Privilégier les brevets ou les personnes ?

En 2009, les trois plus grandes entreprises de semences contrôlaient plus d'un tiers du marché mondial des semences, selon une étude de 2011 commandée par la Commission sur les modifications génétiques (COGEM).


Conformément aux cadres juridiques les plus récents, les agriculteurs qui cultivent des semences brevetées ne sont pas autorisés à utiliser les semences naturellement issues de leurs cultures. Les grandes entreprises comme Monsanto poursuivent systématiquement les agriculteurs qui propagent ainsi les cultures brevetées.

« Partout dans le monde, les sociétés qui possèdent les semences possèdent également les produits chimiques ; c'est un cartel mafieux qui se montre impitoyable avec les agriculteurs pauvres produisant à petite échelle », a déclaré à IRIN Ruth Nyambura d’ABN.

Mais Mme Karuku, présidente de l'AGRA, insiste sur le fait que l'organisation cherche à collaborer avec des partenaires locaux pour développer de nouvelles variétés de semences. Au Kenya, a-t-elle dit, l’alliance travaille avec l'Institut national de recherche agricole ; c’est cet organisme qui détient les brevets sur les semences, et non pas les grandes sociétés multinationales.

Mme Karuku a également souligné la croissance démographique et a déclaré que, à cause du manque de terres agricoles, les agriculteurs africains devaient accroître la productivité de leurs cultures. Citant l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde 2012 de la FAO, qui estime à 239 millions le nombre de personnes sous-alimentées en Afrique, elle a déclaré qu’une action d’envergure était nécessaire. « Si nous ne faisons rien, ce sera bien pire que cela », a-t-elle dit. « Nous devrions nous inquiéter ».

« Personne n’oblige les agriculteurs à cultiver des OGM ; s’ils s'avèrent moins rentables que les autres solutions, les agriculteurs arrêteront simplement de les faire pousser », a indiqué M. Hazell. « Les agriculteurs ont pu réduire l'utilisation de pesticides sur de nombreuses cultures génétiquement modifiées, ce qui a eu un impact bénéfique considérable sur l’environnement et la santé ».

aps/am/rz-fc/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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