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Se préparer aux bouleversements

A girl drinks directly from a public tap in Nawalparasi installed
last year, promising arsenic-free water to users; education for proper use and maintenance of arsenic mitigation technologies remains a challenge for government and stakeholders Marcus Benigno/IRIN
A girl drinks directly from a public tap in Nawalparasi district, Nepal (Jan 2012)
Le monde est-il prêt à faire face aux bouleversements liés à l’eau ? De telles perturbations sont en effet inévitables et sont déjà d’actualité.

Des écologistes, des dirigeants et des professionnels de l’eau se sont réunis récemment à Chatham House, à Londres, pour envisager l’avenir. L’Asie serait le continent où les problèmes sont les plus graves à l’heure actuelle.

« La situation hydrique dans d’autres coins du monde nous inquiétait – cela reste une question très importante en Afrique  –  mais nous n’avions pas réalisé que l’accroissement de la demande alimentaire viendrait d’Asie en raison de la croissance économique et démographique que connaît le continent. Des quantités astronomiques d’eau douce sont déjà utilisées pour l’agriculture. L’Asie est la zone la plus sensible [...] et je dirais que les premiers gros problèmes vont apparaître d’ici 2020 ou 2030 », a dit à IRIN Pavel Kabat, de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA), à Vienne.

Soixante-dix pour cent de la consommation mondiale en eau est destinée à l’agriculture, et il y a fort à parier que c’est de là que viendra la crise. « En Inde, 75 pour cent de l’eau utilisée pour l’irrigation provient des nappes phréatiques », a dit M. Kabat, « et nous supposons que cela ne va pas changer ». Il a ajouté que le niveau des nappes phréatiques avait baissé de jusqu’à cinq mètres par an dans certaines régions d’Europe et des États-Unis, et que des lois avaient dû être adoptées pour limiter la quantité d’eau puisée dans les nappes phréatiques pour l’agriculture. Selon lui, la même chose pourrait se produire en Asie.

La qualité de l’eau est également inquiétante. Avec la réduction du débit d’eau douce des fleuves asiatiques atteignant la côte et l’élévation du niveau de la mer, les deltas du Brahmapoutre, du Gange et du Mékong souffrent d’une intrusion d’eau salée, à tel point que dans certaines régions, les cultures habituelles ne peuvent plus pousser en raison de la salinité du sol. Certaines zones côtières du Bangladesh sont déjà impropres à l’agriculture.

Les pays développés ne sont en aucun cas à l’abri des problèmes à venir. Dans certaines régions des États-Unis, on puise dans d’anciens aquifères pour pouvoir cultiver des zones naturellement désertiques. Ces réserves d’« eau fossile » s’épuisent rapidement et ne peuvent pas être reconstituées. Selon un intervenant du colloque, certaines nappes phréatiques seront bientôt épuisées. Les régions où elles se trouvaient seront rapidement désertées, car les gens qui s’y sont installés ne l’ont fait que parce qu’ils pouvaient cultiver sur des terres irriguées. Cette perspective est si alarmante, a-t-il dit, que « les décideurs rechignent à s’atteler au problème ».

De l’autre côté de la frontière, au Mexique, la ville de Mexico se trouve dans une situation intenable. La capitale souffre déjà d’un déficit hydrique grave que vient aggraver une baisse des précipitations de près de 30 pour cent. La situation est exacerbée par le fait que les services publics de la capitale sont subventionnés par le gouvernement. L’eau y est donc moins chère qu’à la campagne. La population augmente par ailleurs à une allure vertigineuse. Or, lorsque les consommateurs sont habitués aux subventions, il est très difficile d’introduire des prix plus réalistes.

Selon Polioptro Martinez Austria, directeur de l’Institut mexicain d’hydrologie, les gestionnaires de l’eau ne peuvent pas résoudre ce problème à eux seuls. « À l’heure actuelle, l’eau est très fortement subventionnée dans la région », a-t-il dit à IRIN. « Les aquifères sont donc surexploités et la population n’est pas suffisamment sensibilisée au problème de la consommation de l’eau pour l’économiser. Je pense qu’une nouvelle politique de développement urbain est nécessaire si nous voulons résoudre ce problème. »

« En tant que scientifiques, nous disposons de nombreuses études et de scénarios pour les 10, 20, 30 prochaines années. Mais ce sont des échéances trop éloignées pour que les dirigeants puissent agir »
La situation qui prévaut en Inde, au Bangladesh, dans les régions arides des États-Unis et à Mexico donne l’impression d’une terrible fatalité, comme un accident de voiture qui se produit au ralenti. Or, les responsables politiques ne savent pas gérer ce genre d’événement à retardement. « Nous savons que cela doit arriver », a dit M. Kabat, « mais j’ai le regret de dire que les gouvernements du monde entier sont incapables d’envisager les choses au-delà de la prochaine période électorale. En tant que scientifiques, nous disposons de nombreuses études et de scénarios pour les 10, 20, 30 prochaines années. Mais ce sont des échéances trop éloignées pour que les dirigeants puissent agir. »

Outils stratégiques

Lors du colloque de Chatham House, des outils stratégiques ont été proposés pour remédier aux problèmes liés à l’eau. La question des tarifs a été évoquée, ainsi que la création de marchés de l’eau, où les droits de consommation d’eau pourraient être achetés, vendus ou loués.

Un tel marché fonctionne déjà avec un certain succès dans le bassin Murray-Darling, en Australie. Le gouvernement a « dissocié » les droits fonciers des droits à l’eau. Le fait d’avoir une source d’eau sur ses terres, qu’il s’agisse d’une rivière ou d’une nappe phréatique, ne donne plus automatiquement au propriétaire le droit de l’utiliser. Les droits en eau qui sont attribués peuvent être vendus de manière permanente ou temporaire. Lors de l’extrême sécheresse qui s’est abattue récemment sur la région, les agriculteurs ont cessé de cultiver les plantes peu rentables et ayant de forts besoins en eau comme le riz. Ils ont vendu l’eau qui leur avait été attribuée à des agriculteurs qui cultivaient des plantes plus lucratives et moins consommatrices d’eau comme le raisin. Les revenus obtenus de cette manière leur ont permis de se maintenir à flot pendant toute la période de sécheresse, jusqu’à ce qu’ils puissent reprendre leur activité agricole habituelle.

Les discussions concernant les tarifs ont révélé que de nombreux pays ne faisaient pas payer du tout la consommation d’eau de leurs habitants et que certains gouvernements appliquaient une politique de prix dégressifs qui favorisait les grands consommateurs d’eau.

La Chine, qui vendait traditionnellement son eau à très bas prix, commence à pratiquer des tarifs plus élevés et à adopter des grilles tarifaires progressives : plus le consommateur utilise d’eau, plus celle-ci lui coûte cher. Puisque les systèmes varient selon les villes, une étude comparative menée récemment a permis de montrer que la tarification avait réellement un impact. La consommation a fortement baissé à Pékin, où les prix sont plus élevés et la tarification progressive est plus agressive, alors que la consommation continue d’augmenter dans d’autres villes.

En ce qui concerne la consommation à l’échelle internationale, les participants au colloque ont remarqué que l’eau était « partout et nulle part » et touchait bien d’autres sujets. Or, aucune agence des Nations Unies ne se consacre exclusivement à la question de l’eau, ce qui reflète peut-être le fait que, s’il existe un seul climat et une seule atmosphère, les systèmes de bassins hydrographiques et d’aquifères sont nombreux : certains sont gravement surexploités, tandis que d’autres sont correctement alimentés.

Une utilisation négociée

Or, les systèmes hydrographiques transcendent les frontières politiques et, tandis que les pénuries s’accentuent, l’utilisation de l’eau devra être négociée. Tariq Karim, ambassadeur du Bangladesh à Delhi, possède une grande expérience de la négociation d’accords sur le partage des ressources en eau, mais il a dit à IRIN qu’un changement d’approche était nécessaire. « Lorsque vous parlez de partage, vous parlez de diviser quelque chose », a-t-il dit. « Or, diviser, c’est comme se répartir un butin. Ça crée des disputes. D’ailleurs, il est impossible de diviser une rivière ou de la segmenter. Il est plus sensé de parler de gestion collective des rivières. »

« Au Bangladesh, le territoire ne s’agrandit pas, mais la population croît et 80 pour cent des habitants vivent de l’agriculture. C’est donc un sujet absolument crucial pour nous. »

eb/cb-gd/ag/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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