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La réinstallation demeure une mesure de dernier recours

Congolese family arrives at an airport in Spokane, US, and are greeted by their caseworker and volunteers Chad Nelson/Worl Relief Spokane
Most refugees are resettled in the USA, Canada or Australia
Après cinq ans d’espoir et d’attente, Marie*, son mari Siméon* et leurs trois enfants, une famille de réfugiés originaires de la République démocratique du Congo, ont enfin reçu l’appel leur demandant de préparer leurs valises ; ils vont quitter l’Afrique du Sud et s’installer en Australie à la fin du mois.

Siméon ne s’est pas inquiété de ce court délai. « Nous attendions depuis tellement longtemps », a-t-il dit à IRIN depuis les bureaux du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) de Pretoria, où les membres de sa famille venaient de découvrir le nom de la ville dans laquelle ils vont commencer une nouvelle vie quelques jours plus tard.

« Brisbane », a dit Marie, qui prononçait ce nom pour la première fois. « Savez-vous où se trouve cette ville ? ».

Pour les réfugiés qui sont dans l’impossibilité de rentrer chez eux ou qui ne peuvent pas être réinstallés de manière permanente dans le pays qui les accueille, la réinstallation dans un pays tiers est considérée comme le dernier recours. Il serait exagéré de dire que Marie et sa famille ont de la chance - après toutes les difficultés qu’ils ont endurées - mais seuls 61 600 réfugiés ont été réinstallés en 2011, soit une petite partie des 780 000 personnes ayant besoin de réinstallation selon les estimations du HCR. En 2010, 73 000 réfugiés avaient été réinstallés.

« Cela demande beaucoup de travail », a expliqué Shant Dermegerditchian, un administrateur régional chargé de réinstallation au bureau du HCR à Pretoria. « Le HCR doit s’assurer de l’intégrité du dossier, et doit vérifier que le statut de réfugié et le besoin de réinstallation sont justifiés.

« Nous faisons notre possible pour recommander la réinstallation, mais le nombre de places est très limité et c’est le pays [de réinstallation] qui prend la décision finale », a-t-il ajouté.

Seulement 26 pays participent aux programmes de réinstallation : les États-Unis sont le principal pays de réinstallation dans le monde, tandis que le Canada et  l’Australie offrent également un nombre de places important. Au cours de ces dernières années, les pays européens n’ont offert que 4 000 à 5 000 places de réinstallation par an.

Peu de possibilités de réinstallation en Europe

En Europe, une baisse de l’aide à la réinstallation a été enregistrée, car un nombre important de demandeurs d’asile arrivent par leurs propres moyens, a dit Torsten Moritz, le secrétaire exécutif de la Commission des Églises pour les migrants en Europe qui mène une campagne visant à faire passer le nombre de places de réinstallation à 20 000 au sein de l’Union européenne d’ici à 2020.

« Les gens pensent que l’Europe s’occupe des demandes d’asile et les États-Unis de la réinstallation », a-t-il dit à IRIN. « Nous disons que nous pouvons faire davantage. L’Europe demeure l’une des régions les plus riches, malgré la crise [économique], mais nous faisons très peu ».

Le Conseil de l’Union européenne a récemment adopté une politique visant à encourager les États membres à accueillir des réfugiés : elle propose un appui à la coordination et des incitations financières. « La plupart des pays aimeraient recevoir une partie des fonds de l’UE, mais les décisions se font sur la base du volontariat ; l’UE ne peut rien imposer », a indiqué M. Mortiz. « C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de parler de quotas ».

Faible priorité ?

Même au sein du HCR, la réinstallation a ses défenseurs et ses détracteurs, selon Amy Slaughter, administratrice en chef des opérations de RefugePoint, une organisation des droits des réfugiés basée aux États-Unis qui déploie son personnel dans les bureaux du HCR des pays de l’Afrique subsaharienne afin de renforcer leur capacité d’orientation des réfugiés qui ont besoin d’être réinstallés. « Certains soutiennent que cette solution ne concerne que quelques personnes et qu’elle nécessite beaucoup de ressources », a-t-elle dit. « Dans les situations où les besoins sont multiples, la réinstallation n’est pas une priorité, car ils se concentrent sur les besoins d’urgence.
« Mais cette solution à long terme est cruciale et elle présente des avantages pour les familles qui sont réinstallées, notamment en matière d’éducation et de revenus ».

Lors des Consultations tripartites annuelles sur la réinstallation récemment organisées à Genève, António Guterres, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a recommandé un accroissement des places de réinstallation et a demandé à ce que les bureaux locaux du HCR rendent des comptes quant à la réalisation des objectifs de réinstallation.

Mme Slaughter a attribué la baisse des chiffres de l’année dernière à la détérioration de la situation sécuritaire à Dadaab, un camp de réfugiés situé à l’est du Kenya qui accueille un demi-million de réfugiés, pour la plupart somaliens. « Bon nombre de pays de réinstallation n’y envoient plus leurs représentants », a-t-elle dit.

Selon M. Dermegerditchian du HCR, les États-Unis ont également mis en place une nouvelle procédure de sécurité l’année dernière : cela a entraîné un retard dans le traitement de plusieurs dossiers, notamment ceux de réfugiés somaliens et iraquiens, et une diminution de nombre de réfugiés réinstallés après avoir été accueillis par l’Afrique du Sud (de 387 en 2010 à seulement 81 en 2011).

« Cette année, la situation s’est améliorée et 220 personnes sont déjà parties », a-t-il dit.

L’Afrique du Sud était considérée comme un pays progressiste où les réfugiés et les demandeurs d’asile pouvaient être réinstallés jusqu’à la vague de violences xénophobes qui a déferlé sur les étrangers en 2008. Depuis, la plupart des réfugiés orientés vers la réinstallation par le HCR sont des victimes d’attaques xénophobes répétées : bon nombre d’entre eux sont des Somaliens qui essayent de travailler dans les zones à faible revenu, mais leur présence est ressentie comme une menace par les commerçants locaux.

« Gérer les attentes »

Le Manuel de réinstallation du HCR répertorie sept catégories : un réfugié doit relever d’au moins une de ces catégories pour que sa demande soit prise en compte. La première de ces catégories prend en compte le manque de protection juridique ou physique dans le pays d’accueil. Les autres catégories incluent l’absence de traitements médicaux vitaux et les risques qui concernent les femmes, les enfants et les personnes qui ont survécu à la torture. La septième catégorie évoque l’« absence de solutions alternatives durables et immédiates », mais, dans les faits, un nombre trop important de réfugiés relèvent de cette catégorie ; elle n’est appliquée que dans quelques rares cas.

« Elle sert toujours d’outil de protection ici, en Afrique du Sud », a dit M. Dermegerditchian. « Il faut vraiment gérer les attentes et faire comprendre aux gens que seul un réfugié sur dix [qui doit être réinstallé] a la possibilité d’être réinstallé ».

En cas de situation d’urgence, les réfugiés peuvent être réinstallés en seulement quelques semaines, mais le traitement de la majorité des dossiers demande au moins six mois et plus souvent plusieurs années. Une série d’entretiens approfondis est réalisée, notamment par le HCR ou un de ses partenaires d’exécution, et des contrôles de sécurité et des examens médicaux sont effectués par des représentants des pays de réinstallation.

« Après le 11 septembre, des contrôles de sécurité supplémentaires ont été mis en place, en particulier pour les personnes portant un nom arabe », a noté Mme Slaughter.

Pour un réfugié pressé d’échapper à une situation insupportable et désireux de commencer une nouvelle vie, le processus peut paraître sans fin, particulièrement s’il se conclut par un refus. M. Dermegerditchian a indiqué que plus de 90 pour cent des dossiers soumis par le HCR pour la réinstallation dans la région du sud de l’Afrique sont acceptés, mais Marie et les siens ont vu leur demande refusée par les États-Unis et le Canada avant que l’Australie n’accepte de les accueillir.

Marie est convaincue que sa demande a été rejetée parce que deux de ses enfants souffrent d’hémophilie, une maladie génétique qui influe sur la capacité de l’organisme à contrôler les saignements, mais M. Dermegerditchian a refusé de confirmer ses dires.

« Les pays de réinstallation ont leurs propres critères ; ils ne nous communiquent les raisons de leur refus qu’en termes généraux », a-t-il dit. « Dans certains cas, le HCR a besoin de mener des entretiens supplémentaires pour s’assurer que les récits des réfugiés sont cohérents. Si nous ne trouvons aucun problème, nous soumettons à nouveau leur dossier à un autre pays ».

Après les années de chômage, les actes de xénophobie perpétrés par leurs voisins et le manque de soins médicaux dont leurs enfants ont souffert, Marie et Siméon sont visiblement soulagés de quitter le pays où ils se sont installés il y a plus de dix ans.

« Le fait qu’ils nous accueillent [en Australie] – c’est une libération psychologique », a dit Siméon.

*Nom d’emprunt

ks/cb-mg/ag/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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