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« Cela fait deux mois que nous ne recevons plus aucune ration », a dit à IRIN Amsaleh Ould Mohamed, président de l’équipe de gestion du camp de M’Berra.
Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui fournissait la majeure partie de l’aide alimentaire au camp, dont du riz, des légumes, de l’huile, du sucre et du sel, dit manquer de fonds pour poursuivre ses distributions.
Le PAM avait déjà réduit les rations en juin, ne distribuant plus que 5,4 kg de riz par personne au lieu de 12.
Certains réfugiés du camp de M’Berra ont commencé à élever du bétail et d’autres ont mis sur pied de petites boutiques vendant du savon et d’autres produits, mais la plupart des résidents dépendent surtout de l’aide extérieure et notamment des rations alimentaires pour survivre.
« Les réfugiés ont tenté de cultiver [des produits] dans des jardins communautaires, mais la chaleur extrême, les tempêtes de sable et les insectes détruisent la plupart des plantations », a dit Maya Walet Mohamed, présidente du comité des femmes du camp.
Moulay (qui a préféré ne pas dévoiler son nom de famille), réfugié malien et l’un des quelque douze bouchers et vendeurs de bétail du camp, a commencé à accepter de faire des prêts pour que ses clients puissent faire face à cette situation alimentaire critique.
« J’accepte souvent de faire crédit pour des vaches ou des chameaux et je suis remboursé après leur vente », a-t-il dit à IRIN. « Mais dans les moments difficiles, comme maintenant, je paye la différence (entre la vente et la revente) de ma propre poche. »
D’après Moulay, avec la récente sécheresse et l’interruption des distributions d’aide alimentaire, les résidents n’ont plus de bétail ni de biens à échanger ou à revendre contre de la viande.
« Parfois, ils apportent des effets personnels tels que des chaussures plus ou moins neuves ou une antenne de télé et essayent de me convaincre de les leur échanger contre un ou deux kilos de viande », a-t-il dit à IRIN.
Malnutrition
Il est trop tôt pour dire quel impact aura l’interruption des distributions d’aide alimentaire, mais dès qu’elles ont cessé au mois de mars, Médecins Sans Frontières (MSF) a observé une « augmentation manifeste » du nombre d’enfants malades dans ses programmes nutritionnels au camp de M’Berra. Avant l’interruption, MSF prenait en charge en moyenne 30 enfants par mois. Ce nombre est depuis passé à 79.
« Toute interruption supplémentaire des rations régulières pourrait dégrader les conditions de santé dans le camp », a dit Mohamed Gbane, coordinateur des services médicaux de MSF en Mauritanie. M. Gbane a expliqué que la malnutrition « ouvre la porte » à d’autres maladies comme les infections respiratoires et la diarrhée.
« La protection de la santé des réfugiés dépend de différentes formes d’aide humanitaire et surtout d’un régime équilibré », a dit le médecin. « Dans le camp, le nombre de personnes malades est relativement stable, mais la santé nutritionnelle des résidents se dégrade depuis que la distribution de rations alimentaires a cessé. »
« Ce serait dramatique si nous laissions les plus vulnérables retomber à des niveaux catastrophiques », a dit M. Gbane.
L’interruption des distributions d’aide alimentaire tombe particulièrement mal, car elle coïncide avec la période de soudure et les réserves de denrées de base sont déjà maigres.
« La période de soudure est extrêmement difficile cette année », a dit à IRIN le coordinateur du camp, Mohamed Ag Melah. « Notre bétail meurt [à cause de la sécheresse] et nos enfants sont de plus en plus malades. Si rien n’est fait rapidement, cela risque d’avoir des conséquences désastreuses en matière de santé. »
M. Ag Melah a appelé les bailleurs de fonds à assumer leurs responsabilités.
« Avec la crise des rations alimentaires, notre famille de huit, dont quatre enfants, ne peut pas se nourrir correctement », a témoigné Souley Ag Hassan, 25 ans, qui a fui Gao, dans le nord-est du Mali, en 2013. « La nourriture est notre priorité ».
Besoin de plus de fonds
Le PAM dit avoir besoin de 600 000 dollars par mois pour couvrir les frais des distributions d’aide alimentaire dans le camp. Début juillet, le projet n’avait obtenu que 35 pour cent des financements nécessaires pour tenir jusqu’en septembre.
« Le camp a été complètement oublié par les bailleurs de fonds, car la politique internationale concentre maintenant son attention sur d’autres crises comme la Syrie et Ebola », a dit April Benedict, chargée de mission pour MSF en Mauritanie.
« On pensait naïvement qu’après la signature des accords de paix au Mali, les réfugiés rentreraient chez eux, mais […] de récents attentats et pillages de villes et de villages dans le nord du Mali ont montré qu’il faudra du temps avant que les réfugiés se sentent suffisamment en sécurité pour rentrer chez eux. »
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« Les bailleurs de fonds internationaux ont depuis trouvé une solution d’urgence et nous étudions la possibilité d’emprunter [des fonds aux pays de] la sous-région », a assuré à IRIN Janne Suvanto, porte-parole du PAM en Mauritanie.
Grâce au fonds d’urgence, selon Mme Suvanto, le PAM espère satisfaire au moins 40 pour cent des besoins alimentaires dans le camp d’ici la mi-juillet, sous conditions de l’approbation des bailleurs de fonds. Tous les besoins du camp ne seraient cependant pas comblés et il faudrait commencer par venir en aide aux femmes et aux enfants les plus vulnérables.
René Colgo, coordinateur de projet pour MSF, a fait remarquer que toute aide d’urgence en matière de santé apportée à M’Berra était plutôt inutile si c’était le manque de nourriture qui rendait les réfugiés malades.
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