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Quand l’égalité des droits favorise la sécurité alimentaire

Verdiana Msuya and her daughter  sieving cereals to remove soil/impurities  at her home in  Mangio village, Mwanga district, Tanzania February 2014. This district is frequently hit by drought thus affecting livelihoods of most people Kizito Makoye
Verdiana Msuya et sa fille passent les céréales au tamis pour retirer la terre et les impuretés, à Mangio, un village du district de Mwanga, en février 2014
Combler les inégalités entre les sexes dans l’agriculture est pour beaucoup indispensable dans la lutte contre la pauvreté et le renforcement de la sécurité alimentaire. Le changement climatique aggraverait aussi les conséquences de ces inégalités.

« Si nous voulons un développement durable, les thèmes du changement climatique, de l’égalité des sexes et de la sécurité alimentaire doivent aller de pair », a souligné Mary Robinson, ancienne Présidente de la République d’Irlande, actuellement à la tête de la Mary Robinson Foundation - Climate Justice, lors d’un récent colloque d’experts organisé à Rome, à l’occasion de la Journée internationale de la femme.

« Les agriculteurs familiaux sont la cheville ouvrière de la production vivrière mondiale, mais figurent malgré tout parmi les populations les plus vulnérables de la planète », a déclaré à cette occasion José Graziano Da Silva, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

« L’avenir de notre sécurité alimentaire dépend en grande partie de la réalisation de leur potentiel inexploité. Les femmes rurales sont un volet important, non seulement en tant qu’agricultrices, mais aussi pour leur rôle dans la transformation et la préparation des aliments, ainsi que sur les marchés locaux », a-t-il ajouté.

Mais, dans de nombreux pays comme la Tanzanie, le mode d’exploitation des terres est archaïque et exclut toujours les femmes de la propriété foncière. Malgré des lois sévères interdisant cette pratique, les femmes agricultrices sont encore victimes de discrimination.

Asha Ramadhani, une agricultrice du district de Mwanga en Tanzanie, tente d’acquérir un lopin de terre dont elle a désespérément besoin pour accroître sa maigre production de céréales. « C’est un processus difficile et frustrant ; comme je suis une femme, ma demande est traitée comme une faveur et non comme un droit », déplore-t-elle.

À cause des mentalités locales concernant la propriété foncière, il est difficile pour les femmes d’avoir accès aux meilleures terres.

Cette divorcée âgée de 44 ans loue depuis trois ans une ferme d’environ un hectare près du village de Mangio, où elle cultive du maïs, des haricots, des légumes et des patates douces.

Si dans ce village, il est possible de louer une parcelle en échange d’une partie de ses récoltes, Mme Ramadhani a beaucoup de mal à payer le propriétaire à cause du climat sec qui ne lui permet pas d’avoir de bons rendements.

« Mon propriétaire demande un quart de mes récoltes à chaque campagne pour payer la location, mais la sécheresse me complique la tâche », a-t-elle déclaré à IRIN.

En Tanzanie, les femmes ne possèdent que 20 pour cent des terres répertoriées par le droit civil. C’est ce que révèle le profil du pays réalisé par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) concernant le droit de propriété et la gestion des ressources en Tanzanie. Le nombre de terres que possèdent les femmes en vertu du droit coutumier serait beaucoup moins élevé encore.

La loi sur la propriété foncière (Land Act) et la loi sur la propriété foncière dans les villages (Village Land Act) de 1999 régissent les droits fonciers des femmes. La Constitution de la Tanzanie consacre également l’égalité de toutes les personnes.

La loi confère aux femmes le droit d’accès, de propriété et de gestion des terres au même titre que les hommes et leur permet de participer aux prises de décision s’y rattachant.

La section 3 (2) du Land Act, ainsi que du Village Land Act, stipule que les droits de toute femme à acquérir, posséder, utiliser et vendre des terres doivent être respectés dans la même mesure et selon les mêmes conditions que pour les hommes.

Les femmes sont également autorisées à posséder ou occuper des terres collectivement avec d’autres personnes, tout en étant protégées contre le transfert illicite de titres fonciers en cas d’utilisation commune des terres.

Mais la législation n’est pas suffisamment appliquée.

Dans tout le district de Mwanga, les femmes pensent qu’il leur est de plus en plus difficile d’avoir accès à la propriété foncière et aux points d’eau, dans un contexte climatique toujours plus sec.

« La plupart des propriétaires de grandes parcelles de terre sont des hommes ; il n’y a presque [aucune] femme propriétaire terrienne, notamment près des points d’eau », a déclaré à IRIN Mme Ramadhani.

La procédure du village pour accéder à la propriété foncière avantage les hommes, a-t-elle affirmé. « Beaucoup de mes amies ont perdu espoir, car chaque fois qu’elles déposent une demande, elles échouent », a-t-elle ajouté.

Les rares femmes qui arrivent à vaincre la paperasserie se retrouvent avec de petites parcelles qui se trouvent en plus éloignées des points d’eau.

Anna Tibaijuka, ministre du Développement des territoires, de l’habitat et de l’établissement humain en Tanzanie, a déclaré à IRIN que les hommes et les femmes devaient avoir les mêmes droits concernant l’accès à la propriété foncière. Selon elle, « il est important que les gens connaissent leurs droits et qu’ils ne se laissent pas marcher dessus ».

« Comportements discriminatoires »

Yefred Mnyenzi, de l’organisation non gouvernementale (ONG) Haki Ardhi qui milite pour un droit foncier équitable en Tanzanie, a déclaré à IRIN que la plupart des femmes accédaient à la propriété foncière grâce à leurs liens de parenté avec des hommes. Il a ajouté que les filles non mariées, les veuves et les femmes divorcées étaient souvent « brimées » par les hommes de leur famille.

« Dans certains cas, les maris utilisent des titres de propriété pour obtenir des prêts sans en parler à leurs épouses, ce qui conduit à des expulsions et à la perte de leur propriété », a-t-il expliqué.

Le manque de connaissances, le système patriarcal, les stéréotypes sociaux et les traditions archaïques sont parmi les obstacles qui empêchent les femmes de faire valoir leurs droits fonciers en Tanzanie. « L’ensemble de la population doit être suffisamment instruit pour pouvoir comprendre ces problèmes », a déclaré M. Mnyenzi.

« Lorsqu’elles sont mariées, les femmes ont généralement peu, voire aucun droit foncier – il ne leur est pas permis, par exemple, d’ajouter leur nom sur les documents de propriété – et elles ont encore moins de droits à la mort de leur mari », d’après le rapport de l’USAID.

« Le droit coutumier donne la priorité aux hommes ou à des groupes dominés par des hommes en matière de propriété et, par conséquent, la capacité des femmes à réclamer ou à hériter de terres est extrêmement limitée », explique le rapport.

Selon M. Mnyenzi, le gouvernement doit décentraliser l’administration des terres pour permettre aux communautés locales de participer à la prise de décision et de devenir financièrement autonomes. L’État doit également lutter contre les coutumes, les croyances et les comportements discriminatoires.

« Dans les situations où les femmes sont reléguées à un statut inférieur au sein de la société du fait de normes culturelles, il nous faut des systèmes de soutien qui leur permettent de posséder et de gérer des terres sans difficulté », a déclaré à IRIN Mary Lusibi, défenseure des droits de la femme dans le cadre du programme tanzanien de réseau de femmes (TGNP, selon le sigle anglais).

Problème sur tout le continent

De telles pratiques discriminatoires ne se limitent pas seulement à la Tanzanie. Les femmes possèdent moins d’un pour cent des terres sur le continent africain, a souligné William Garvelink, conseiller principal au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS, selon le sigle anglais).

« Si le droit législatif ne fait pas de différence entre les sexes, le droit coutumier prime et celui-ci se fonde sur un régime patriarcal. Il est indispensable de garantir les droits de propriété des femmes pour le développement de l’Afrique », a-t-il déclaré.

Les experts demandent que l’égalité des droits fonciers figure au programme des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) post-2015.

« Le programme de développement post-2015 devrait intégrer des objectifs et des indicateurs relatifs aux droits fonciers, aux ressources naturelles et aux autres avoirs productifs qui incluent explicitement les droits des femmes », ont indiqué dans un communiqué 38 organisations internationales.

Selon un rapport de synthèse de consultations thématiques mondiales des Nations Unies sur le programme de développement post-2015, « garantir le respect des droits fonciers pour les femmes est une stratégie indispensable pour garantir l’égalité des sexes et renforcer la capacité d’agir des femmes dans le monde entier ».

« Il existe un lien évident entre l’inégalité entre les sexes, la pauvreté de la société et l’absence de respect, de protection et de mise en oeuvre de ces droits pour les femmes », ont ensuite expliqué les auteures de ce rapport, Mayra Gomez, de l’ONG Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights (Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels), et Dr Hein Tran, du Landesa Center for Women's Land Rights (Centre Landesa pour les droits fonciers des femmes).

ks-aps/cb-fc/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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