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Le travail des enfants alimenté par une économie zimbabwéenne en difficulté

Rates of chronic malnutrition among children have remained stubbornly high in Mozambique, despite economic growth Graeme Williams/UNICEF
Les fermetures d'entreprises, réductions d'effectifs et restrictions budgétaires qui ont conduit à la débâcle du secteur de l'industrie au Zimbabwe ces dix dernières années, et plus particulièrement ces derniers mois, contraignent les parents et les tuteurs à faire travailler leurs enfants pour augmenter les revenus du foyer, disent les experts et les économistes.

Dans son évaluation des performances du secteur de l'industrie, la Confédération des industries du Zimbabwe (Confederation of Zimbabwe Industries, CZI) - une organisation associative représentant l'industrie - a qualifié la situation de « crise » et noté que de nombreuses entreprises avaient réduit leurs effectifs ou mis la clé sous la porte en 2012. Un rapport de la CZI datant de 2013 a observé que les entreprises tournaient à moins de 40 pour cent de leur capacité.

L'Agence zimbabwéenne de sécurité sociale, un organisme gouvernemental, estime que 711 entreprises de la capitale, Harare, ont fait faillite entre juillet 2011 et juillet 2013, laissant 8 336 travailleurs sans emploi.

Ces dix dernières années, les coupures de courant à répétition, la perte de marchés et le manque de capital à investir dans de nouvelles technologies et de nouvelles machines ont contraint les entreprises à réduire leurs effectifs ou à fermer. Mais selon le Congrès des syndicats du Zimbabwe (Zimbabwe Congress of Trade Unions, ZCTU), le taux des restrictions budgétaires a augmenté au deuxième semestre 2013.

Cette hausse est survenue à la suite des élections générales du mois d'août, marquées par la victoire écrasante du ZANU-PF, le parti du président Robert Mugabe. Le gouvernement de coalition, qui avait contribué à stabiliser l'économie après une longue période d'instabilité économique et politique avec le parti d'opposition Mouvement pour le changement démocratique (Movement for Democratic Change, MDC), a été dissolu.

« Les enfants, ainsi que les femmes, paient les frais des fermetures d'entreprises qui, selon les observations de notre comité d'austérité portant sur la période courant à compter de juillet 2013, ont entraîné le licenciement de 300 employés par semaine en moyenne », a dit Japhet Moyo, secrétaire général du ZCTU.

« Il est probable que la situation s'aggrave en 2014, et bien que nous n'ayons pas de chiffres relatifs aux enfants contraints à entreprendre une activité rémunérée, il est très vraisemblable qu'ils soient supérieurs aux statistiques officiellement disponibles sur le travail des enfants », a-t-il fait remarquer.

La loi zimbabwéenne, qui définit comme enfants les personnes de moins de 18 ans, interdit toute forme de travail avant 13 ans. Les enfants âgés de 13 à 15 ans ne peuvent travailler qu'en tant qu'apprentis supervisés, et ceux âgés de 16 à 18 ans peuvent être employés à condition d'être supervisés.

Cependant, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) estime que 13 pour cent des enfants zimbabwéens sont astreints au travail, ce que l'Organisation internationale du travail définit comme une activité néfaste au développement physique et mental des enfants, qui interfère avec leur scolarisation.

Selon un indice mondial sur le travail des enfants pour l'année 2012, divulgué fin 2013 par Maplecroft - une entreprise internationale d'analyse du risque - le Zimbabwe occupe l'une des dix dernières places d'un classement portant sur 197 pays à l'échelle mondiale, en raison de la fréquence et de la gravité des incidents rapportés en lien avec le travail des enfants.

« Chaque fois qu'une entreprise réduit ses effectifs ou met la clé sous la porte, les revenus des foyers s'en ressentent et la tendance chez les parents et les tuteurs est de s'assurer que les enfants contribuent à gagner l'argent nécessaire à leur entretien en les contraignant à exercer une activité rémunérée », a dit M. Moyo. Il a observé que le travail des enfants était répandu dans les fermes et les plantations de sucre, ainsi que dans le secteur minier et celui du commerce de détail, et que les fillettes étaient souvent employées comme domestiques - toutes les activités « dans lesquelles les salaires ont tendance à être très bas », a-t-il ajouté.

En 2012, un rapport du ministère américain du Travail portant sur le travail des enfants au Zimbabwe a observé que les enfants travaillant à la mine « [étaient] soumis à des horaires très lourds et [utilisaient] des produits chimiques dangereux comme du mercure, du cyanure et des explosifs », tandis que ceux travaillant pour le secteur de la pêche « [accomplissaient] des tâches éprouvantes, et [étaient] exposés à des dangers, de noyade notamment ».

« La loi sur le travail des enfants est claire, mais son application pose problème car les ministères concernés manquent d'effectifs, et le gouvernement n'a pas d'autre moyen de combattre la pauvreté chez les familles affectées », a dit M. Moyo.

Tatenda Sibanda, 12 ans, fait partie des nombreux hommes, femmes et enfants qui se rendent chaque jour au lac de Chivero, à environ 25 kilomètres au sud-ouest d'Harare, pour pêcher du poisson qu'ils vendent ensuite en bordure de route, à des magasins ou des particuliers.

Tatenda aide son père à plonger un filet dans l'eau et à le remonter lorsqu'il est plein. Après deux ou trois belles prises, ils retournent au rivage, trient le poisson et le chargent dans des seaux destinés à une entreprise de poisson installée sur le lac. Tatenda gagne 5 dollars US par jour pour ce dur labeur, son père en gagne 10.

« C'est un travail difficile, mais mes parents m'ont dit que c'est la seule façon de réunir l'argent pour mes droits de scolarité lorsque je retournerai à l'école cette année », a dit Tatenda, qui a commencé à pêcher au lac le week-end et pendant les vacances scolaires lorsque son père a perdu son emploi.

« J'aurais préféré que mon fils se repose et joue avec les autres enfants, mais maintenant que je suis au chômage, il doit aider », a dit son père. La sour de Tatenda, âgée de 14 ans, travaille comme porteuse de légumes dans un marché très fréquenté pour 2 dollars par jour. « Sans la pêche et le peu d'argent que ma fille et ma femme tirent de la vente de légumes, nous n'aurions rien pu acheter à Noël », a dit M. Sibanda.

« C'est un travail difficile, mais mes parents m'ont dit que c'est la seule façon de réunir l'argent pour mes droits de scolarité lorsque je retournerai à l'école cette année »
Lorsque l'entreprise textile pour laquelle il travaillait a fait faillite en octobre 2013, il a été renvoyé avec 200 autres employés. Pendant les huit mois qui ont précédé son licenciement, M. Sibanda a perçu moins d'un tiers de son salaire mensuel de 350 dollars. Et lorsque l'entreprise a finalement mis la clé sous la porte, il n'a pas touché l'argent qu'on lui devait ou la moindre indemnité de fin de contrat.

Innocent Makwiramiti, économiste et ancien directeur général de la Chambre de commerce du Zimbabwe (Zimbabwe National Chamber of Commerce, ZNCC), a dit qu'outre leur salaire, les employés licenciés pour cause de suppression d'emploi perdaient souvent de nombreux autres bénéfices. « Dans la plupart des cas, lorsqu'ils sont licenciés, les soutiens de famille ont [déjà] cessé de percevoir leur salaire depuis longtemps, [ils] n'ont plus accès à des soins médicaux et, dans certains cas, sont privés des allocations de scolarité auxquelles ils auraient eu droit », a-t-il dit.

« Les entreprises luttent depuis des années, même sous le gouvernement d'unité nationale (formé début 2009 et dissolu en août 2013), mais il semblerait qu'elles soient inhabituellement nombreuses à avoir fermé depuis les élections de l'année dernière. » M. Makwiramiti a dit que de nombreuses autres entreprises peinaient à verser l'intégralité du salaire de leurs employés, que les employés du service public touchaient souvent des revenus si bas qu'ils devaient compter sur leurs enfants pour compléter les revenus du foyer, et que même les hauts responsables traversaient une mauvaise passe et faisaient de même.

Kurai Chipamaunga, 37 ans, élève seule ses deux enfants, ainsi que les trois enfants de sa sour décédée. Elle travaillait comme commis principal aux comptes dans une banque d'Harare jusqu'à sa fermeture en 2013. « Lorsque la banque a été mise en liquidation, la plupart des employés n'ont rien touché. tout à coup, je me retrouve sans source de revenus », a-t-elle dit à IRIN. Pendant la période de Noël, les banques ont connu une crise de liquidité et ont imposé de sévères restrictions sur les retraits d'espèces.

« Je n'ai pas eu d'autre choix que de faire travailler deux des enfants de ma sour », a-t-elle dit. Ces derniers vendent au porte-à-porte des chargeurs et des batteries pour téléphone portable, des en-cas et des couverts que Mme Chipamaunga a achetés avec le peu d'argent qu'elle avait lorsque la banque a fermé. Ses propres enfants, âgés de sept et quatre ans, sont trop jeunes pour gagner de l'argent.

Mme Chipamaunga a lancé un petit projet de confection de vêtements, mais craint de ne pas parvenir à lever les fonds suffisants pour payer les uniformes et les frais de scolarité de ses enfants cette année. « Tout l'argent que j'avais économisé est piégé à la banque », a-t-elle dit.

fm/ks/he - xq/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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