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Les habitants de l’est du Soudan du Sud misent sur l’or pour échapper à la famine

Gold panners in Nanakanak, Eastern Equatoria state Hannah McNeish/IRIN
Environ 60 000 agriculteurs du Soudan du Sud ont abandonné leur métier pour se lancer dans l’exploitation de l’or. Dans l’est de ce jeune pays, région frappée par des inondations qui ont provoqué une famine généralisée, les femmes, les enfants et les personnes âgées ont rejoint les hordes d’hommes qui rêvent de faire fortune dans cette activité éreintante.

Comme bon nombre de membres de l’ethnie Toposa installés dans l’État d’Equatoria oriental, Adele Natogo est arrivée à Nanakanak, une zone de maquis composée de quelques maisons en bois, il y a un mois de cela. Elle a quitté son village de Lomeyen, situé dans le comté de Kapoeta nord, à cinq heures de marche.

Elle a laissé derrière elle ses neuf enfants affamés, après avoir entendu dire que la terre du comté de Kapoeta regorgeait d’or. « Je suis venue parce que j’ai faim, parce qu’il n’y a rien pour ma famille et parce que mes enfants ont faim », a-t-elle dit à IRIN.

Cela fait environ cinq ans que la sécheresse et les précipitations irrégulières sévissent dans la zone du Grand Kapoeta, ont indiqué les mineurs. La guerre civile la plus longue qu’ait connue l’Afrique venait de prendre fin et les espoirs renaissaient de voir enfin la paix et la prospérité revenir.

Pendant la guerre, les découvertes ont été importantes ; l’or était vendu aux commerçants soudanais au prix d’un dollar le gramme et était utilisé par les rebelles du Sud pour financer leur lutte contre le Nord. Mais les conditions de vie se sont détériorées depuis que le Soudan du Sud a obtenu son indépendance en 2011.

« À l’époque des Arabes et au début de l’exploitation des mines, il y avait beaucoup d’or ici – trop », a dit Angelo Longolaleyang, chef suprême de la zone du Grand Kapoeta. « Maintenant, la situation n’est plus la même. Il n’y a plus beaucoup d’or ».

Famine

Selon le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, la région a souffert « des mauvaises conditions climatiques, de l’isolement, de la pauvreté et du sous-développement, ainsi que de l’insécurité occasionnelle », ce qui a provoqué une insécurité alimentaire.

« Plusieurs zones du Grand Kapoeta sont semi-arides, elles reçoivent peu de précipitations, parfois moins de 200 mm de pluie par an. Cet environnement n’est pas propice aux activités agricoles si des investissements importants ne sont pas réalisés dans l’irrigation, par exemple », a dit George Fominyen, porte-parole du PAM.

En février, les autorités locales ont lancé un appel à l’aide après avoir signalé des décès liés à la famine.

« L’année dernière, lorsque nous cultivions la terre, nous ne tirions rien du sol. Le soleil venait et brûlait tout, et il ne nous restait plus rien. Nous avons décidé de venir à Nanakanak pour travailler dans l’exploitation minière, juste pour trouver quelque chose et pour pouvoir acheter de quoi manger », a dit Mme Natogo. « Mais il y a tellement peu d’or, et nous ne trouvons même plus les fruits sauvages que nous mangions auparavant ».

Mme Natogo dit que, les « bonnes » semaines, elle peut gagner 34 dollars en vendant un gramme d’or, mais une grande partie de cet argent sert à acheter de la nourriture.

« Il y a beaucoup d’enfants qui le font. Si vous venez le soir, vous verrez le nombre de personnes travaillant dans l’extraction qui reviennent aux camps », a dit le chef de la communauté de Nanakanak, David Headboy.

Peter Locebe, qui dit travailler dans l’extraction depuis 19 ans, indique qu’il trouvait jusqu’à 30 grammes d’or par jour auparavant.

« Avant, il y avait beaucoup d’or et peu de monde, car il y avait de la nourriture et les gens ne s’intéressaient pas à l’or. Aujourd’hui, à cause de la famine généralisée, les gens viennent de tous les environs pour creuser et ils [se font] concurrence, et ils repartent les mains vides parfois », a-t-il dit.

Des communautés en difficulté

Ses enfants travaillent dans l’extraction eux aussi. Comme beaucoup d’autres, ils n’ont pas suivi de scolarité dans ce pays qui a le pire taux d’alphabétisation au monde et ils espèrent trouver la pépite qui les fera sortir de la pauvreté.

Les leaders craignent pour l’avenir de leur communauté. Lorsque le prix des denrées alimentaires est trop élevé, l’appel du moonshine local est fort, disent-ils.


« Le travail est très difficile. Il faut creuser un trou pour atteindre le sous-sol et cela fait tellement mal au dos. Vous avez mal partout et votre estomac est toujours vide, donc vous n’avez pas d’énergie, vous êtes tellement triste et fatigué », a dit M. Locebe, déjà sous l’emprise du moonshine en milieu de matinée.

Le commissaire de Kapoeta, Martin Lorika, dit que le taux d’alcoolisme est élevé – chaque jour, les femmes rapportent de l’alcool de la ville et sa consommation engendre plus de problèmes que de satisfactions.

« Ils se disputent et se battent parfois. Parfois, ils dansent. Parfois, on voit des petites armes » ; a-t-il dit.

« J’ai juste envie d’aller boire de l’alcool au marché », a marmonné une femme au marché de Kapoeta en demandant 0,25 centimes de dollars, la plus petite dénomination de la monnaie du Soudan du Sud.

Et si quelques familles utilisent l’argent gagné pour financer la scolarité de leurs enfants, la plupart l’échange contre la monnaie qui inspire le plus confiance dans le pays : les vaches, qui sont uniquement utilisées comme dot et qui sont de plus en plus souvent la cause de vols de bétail meurtriers.

« Dans la communauté, leur esprit est très limité. Ils ne savent rien, ne connaissent que les vaches, pour les mariages », a dit M. Lorika, un ancien éleveur de bovins et agriculteur de subsistance devenu chercheur d’or.

M. Headboy espère que l’aide humanitaire permettra de « trouver une solution à la famine dans la communauté » ou au moins de fournir suffisamment de nourriture « pour donner un peu de force aux personnes qui cherchent de l’or ».

Renforcer la sécurité alimentaire

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) fournit déjà de l’aide à 3 500 ménages « d’une zone très difficile pour l’agriculture », distribue des outils et des semences « d’une variété améliorée de sorgho, qui permet de récolter trois mois après la plantation, ainsi que des boutures de manioc, des semences de maïs, de sésame, de doliques et d’arachide » a dit Sally Cooper, spécialiste des communications.

Kapoeta a été isolé pendant plusieurs mois en raison des fortes précipitations, ce qui a également entraîné « une insécurité alimentaire chronique où les ménages qui dépendent des marchés pour obtenir de la nourriture ne peuvent pas accéder à la nourriture »ou ne peuvent pas faire face à l’augmentation des prix entraînée par les coûts de transport, dit M. Fominyen du PAM.

Les évaluations réalisées dans quatre comtés autour de Kapoeta ont montré que la saison maigre, période au cours de laquelle les stocks constitués lors de la récolte précédente sont épuisés, pourrait arriver plus tôt que d’habitude (en général, elle débute en mars/avril dans la région).

Si le PAM offre une aide alimentaire, il met également en place un programme « vivres pour la création d’avoirs » pour faire face aux chocs climatiques et aux chocs liés aux conflits, comme le vol de bétail, qui peuvent bouleverser les moyens de subsistance des ménages.

« Ils incluent le défrichage et la construction de routes qui permettent aux communautés d’accéder aux marchés et aux services sociaux en échange de vivres », dit M. Fominyen, ajoutant que la recherche de partenaires techniques pour la mise en œuvre des projets dans la région est une autre difficulté. « Le gouverneur de l’Equatoria oriental a demandé à plusieurs reprises aux partenaires internationaux d’élaborer des programmes d’aide alimentaire conditionnelle – comme les programmes vivres pour la création d’avoirs – afin d’éviter une culture de la dépendance de l’aide alimentaire ».

Cependant, a-t-il ajouté, le manque de partenaires techniques pour la mise en œuvre des programmes de nutrition et de moyens de subsistance est un problème.

« Nous avons déployé les agences d’aide humanitaire pour qu’elles distribuent les denrées alimentaires stockées dans leurs entrepôts, mais certains d’entre eux sont situés dans des endroits très éloignés et nous n’y avons pas accès », a dit Joseph Lual Achuil, le ministre des Affaires humanitaires du Soudan du Sud.

Législation minière

Des espoirs reposent sur l’adoption d’une législation minière qui permettrait d’attirer les investissements et d’encourager le développement.

« Nous avons besoin que des investisseurs internationaux viennent ici, pour travailler dans les mines d’or et en faire profiter la communauté », a dit le chef Longaleyang.

Stephen Dhieu Dau, ministre du Pétrole et des Mines du Soudan du Sud, dit que cela « profiterait au Soudan du Sud … Cela permettra de diversifier l’économie et de ne plus dépendre du pétrole », dont les revenus représentent 98 pour cent du budget du gouvernement.

« Cela favorisera la création d’emplois au niveau local et la mise en place de services de base, et la collecte des redevances et des taxes fournira un revenu au gouvernement ».

Cependant, même si les permis d’exploration sont délivrés cette année, M. Dau reconnaît qu’il « faudra un peu de temps avant d’en tirer les bénéfices ».

hm/kr/rz-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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