Adoptée le 21 novembre, la loi stipule que les affaires familiales doivent être gérées conjointement par les deux époux dans l’intérêt du foyer et des enfants. La loi antérieure conférait au seul mari le statut de chef de famille.
« L’idée d’ôter ce statut au mari et de dire que l’homme et la femme sont tous deux chefs de famille doit être débattue, car l’islam reconnaît l’homme comme unique chef de famille », a dit l’imam Mamadou Dosso, secrétaire général du Conseil national islamique.
Selon lui, la loi ne reflète pas la réalité. « Il n’y a pas eu de vote ni de sondage. Une consultation aurait dû être menée avant que le texte soit adopté. Si cela avait été le cas, les autorités auraient réalisé que les Ivoiriens ne sont pas favorables à cette loi », a-t-il dit.
Le révérend Ediémou Blin Jacob, président de l’Église du Christianisme céleste en Côte d’Ivoire, est du même avis. « Les lois doivent nous rassembler et non nous diviser. Les gouvernements doivent prendre des mesures à cet égard. Il est difficile de nourrir le corps avec quelque chose que l’esprit rejette. L’homme ne peut pas changer les instructions de Dieu », a dit M. Jacob
Le président Alassane Ouattara était contre tout amendement à la loi. Après une semaine de négociations entre les partis et un remaniement ministériel, 213 députés sur 229 ont pourtant approuvé la loi. Dix ont voté contre et six se sont abstenus.
« Toute notre civilisation repose sur la notion de chef : chef de famille, chef de communauté ou de quartier, chef de village, chef d’entreprise, chef d’État. Se débarrasser du concept de chef de famille ne va pas, selon moi, favoriser les droits des femmes », a dit Yasmine Ouégnin, une députée qui a voté contre la loi.
Son opinion n’est pas partagée par Constance Yai, ancienne ministre et ardente défenseure des droits des femmes.
« Toute notre civilisation repose sur la notion de chef : chef de famille, chef de communauté ou de quartier, chef de village, chef d’entreprise, chef d’État. Se débarrasser du concept de chef de famille ne va pas, selon moi, favoriser les droits des femmes » |
Une loi destructrice ?
Au sein même des foyers, la loi est accueillie avec scepticisme par les femmes, qui en sont pourtant les principales bénéficiaires. « Cette loi porte atteinte à l’unité familiale. Non pas parce que les femmes n’ont pas besoin d’être égales aux hommes, mais parce que nos croyances et nos cultures n’envisagent pas une telle chose. Cela aurait dû être pris en compte », a dit Henriette Kobenan, femme mariée et mère de quatre enfants.
« Chez moi, je ne cherche pas à être l’égale de mon mari. Pour moi, il est toujours le chef et lorsqu’il prend des décisions, c’est dans l’intérêt de la famille dont il a l’entière responsabilité », a-t-elle ajouté.
Ce n’est pas l’avis de Sandrine Etilé, une femme d’affaires mariée depuis cinq ans. « Je ne comprends pas la crainte que soulève cette loi et encore moins la réaction des femmes. Elles ont toujours revendiqué ce droit d’être traitées sur un pied d’égalité avec les hommes et de se faire une place au sein du foyer. Pourquoi fuient-elles leurs responsabilités ? » a-t-elle demandé.
Pour Mme Etilé, cette controverse est infondée. « À la maison, l’homme ne peut plus tout décider tout seul. Ses décisions doivent être acceptées. Nous en avons assez de souffrir des pratiques malsaines des hommes qui traitent les femmes comme des moins que rien », a-t-elle ajouté.
« Le danger est que cette loi entraîne une crainte qui pourrait pousser les gens à adopter d’autres styles de vie conjugale — que ce soit le mariage civil ou même l’homosexualité — qui sont acceptés au nom de l’évolution », a dit Mamadou Dosso, imam chargé de la documentation et de la recherche au Centre d’éducation et de recherches islamiques (Cedris) d’Abidjan.
« Même avant, certains couples pouvaient commencer à se déchirer si les femmes insistaient sur cette loi. Cela va frustrer de nombreux époux. Il est donc essentiel que les membres du gouvernement éduquent les gens pour qu’ils acceptent cette loi », a-t-il dit.
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