Deux études importantes dont la publication a coïncidé avec la tenue du Forum explorent ces questions. Elles s’intéressent toutes deux au rôle des gouvernements locaux et des initiatives des communautés dans l’établissement de politiques durables pour les pauvres des villes : Growing Greener Cities in Africa [Développer des villes plus vertes en Afrique, bientôt disponible en français], un rapport du Fonds des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ; et Making Cities Resilient Report 2012 [Rendre les villes résilientes – rapport 2012], produit par l’Institut international de l’environnement et du développement (IIED), basé à Londres, pour le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNISDR).
Améliorer la production alimentaire urbaine
La production, l’approvisionnement et la vente de denrées alimentaires sont des éléments qui sont rarement pris en compte dans la conception, la planification et la gestion des villes, a indiqué Alexander Müller, sous-directeur général de la FAO [pour les ressources naturelles] dans une prise de position d’Aliments pour les villes, une initiative multidisciplinaire lancée par la FAO en 2000. « On a l’impression que la nourriture est là, qu’on peut facilement s’en procurer dans les supermarchés ou dans la rue et on croit qu’il en sera toujours ainsi. » Cette perception a cependant commencé à changer lorsque les prix des denrées alimentaires ont atteint des records en 2007/2008 et que des émeutes ont éclaté dans plus de 20 pays.
D’ici la fin de cette décennie, 24 des 30 premières villes à croissance rapide seront africaines, a indiqué Modibo Traoré, sous-directeur général de la FAO [pour l’agriculture et la protection du consommateur], dans le rapport intitulé Growing Greener Cities in Africa. « On s’attend à ce que la population urbaine de l’Afrique subsaharienne atteigne près de 600 millions d’ici 2030, soit le double de ce qu’elle était en 2010. Les villes africaines sont déjà confrontées à d’importants problèmes : plus de la moitié des citadins vivent dans des bidonvilles surpeuplés ; jusqu’à 200 millions de personnes survivent avec moins de 2 dollars par jour ; et les enfants pauvres des villes sont aussi susceptibles de souffrir de malnutrition chronique que ceux des régions rurales. »
La croissance des villes s’accompagne par ailleurs d’un allongement de la chaîne d’approvisionnement entre les régions rurales et les centres urbains. Cet allongement entraîne une augmentation des pertes alimentaires et affecte négativement la sécurité et la qualité des produits. Bruce Cogill, de Bioversity International, suggère d’encourager les citadins à consommer davantage de fruits, de légumes et d’ingrédients locaux et traditionnels afin de combler les lacunes.
Selon le rapport de la FAO toutefois, la plupart des villes africaines sont déjà vertes et on y cultive déjà certaines denrées alimentaires. Quarante pour cent des habitants des villes subsahariennes sont des fermiers. À Dakar, la capitale sénégalaise, 7 500 ménages font pousser leurs propres légumes dans des micro-potagers. Au Malawi, 700 000 citadins pratiquent le jardinage domestique pour satisfaire leurs besoins alimentaires et toucher un revenu supplémentaire. En Zambie, les jardiniers urbains à faible revenu gagnent environ 230 dollars par année en vendant leurs produits.
Le rapport de la FAO indique cependant que cette situation pourrait ne pas être viable à plus long terme. « Dans les centres urbains, la plupart des jardiniers ne sont pas propriétaires de leur terre ; ils sont nombreux à pouvoir la perdre en l’espace d’une nuit. Des terres propices à l’horticulture sont utilisées pour construire des logements, des industries et des infrastructures. Dans ce contexte d’insécurité, de nombreux maraîchers utilisent à outrance des pesticides et de l’eau polluée afin de maximiser leurs revenus. »
Une meilleure planification du gouvernement local et l’implication d’une variété de secteurs pourraient cependant permettre d’améliorer la viabilité [de l’agriculture urbaine], a dit Florence Egal, co-secrétaire de l’initiative Aliments pour les villes, lors d’une discussion organisée par le Comité permanent pour la nutrition des Nations Unies (UN Standing Committee on Nutrition, UNSCN) à Naples.
Le rapport de la FAO suggère quelques moyens faciles pour améliorer la diète des habitants des villes :
- Les villes devraient créer des marchés propres et décentralisés pour permettre aux ménages pauvres d’économiser du temps et de l’argent et offrir une alternative à la restauration de rue, qui est moins bonne pour la santé. Dans une déclaration, l’UNSCN a indiqué que la consommation d’aliments transformés combinée à un mode de vie sédentaire contribuait au développement de maladies cardiaques, du diabète et de certaines formes de cancer.
Photo: Salla Himberg/IRIN |
Un plant de chou frisé placé dans un sac par des fermiers urbains à Mathare, un bidonville de Nairobi, la capitale kényane |
- De vastes étendues de terre pourraient être réservées à l’horticulture. Par exemple, Kigali, la capitale rwandaise, a décidé de consacrer 15 000 hectares à l’agriculture et aux zones humides. Lagos, au Nigeria, dispose de 4 400 hectares de terres adaptées à l’agriculture.
- Adopter une approche ‘circulaire’ de la gestion urbaine de l’eau. En effet, les eaux usées traitées sont sécuritaires et peuvent fournir la plupart des nutriments nécessaires à l’horticulture.
- Faciliter l’accès aux services de développement agricole. « L’utilisation accrue de pesticides synthétiques dans les cultures maraîchères africaines est liée aux mauvaises pratiques culturales », indique le rapport de la FAO.
Se préparer aux catastrophes
Les pauvres des villes doivent aussi être pris en compte dans l’élaboration des plans de croissance des villes afin de permettre à ces dernières de faire preuve d’une plus grande résilience et de se remettre plus facilement des catastrophes, indique le rapport de l’IIED.
Les mégapoles mondiales, c’est-à-dire les villes dont la population dépasse les 10 millions d’habitants, sont souvent situées dans des endroits exposés aux séismes majeurs et aux graves sécheresses, ou le long de berges ou de côtes facilement inondables. Les citadins les plus pauvres vivent généralement dans les zones les plus vulnérables. Si les villes plus riches rédigent des plans de réduction des risques de catastrophes, construisent des infrastructures pouvant résister aux catastrophes naturelles et mènent des campagnes de sensibilisation sur la vulnérabilité aux catastrophes, comme le rapporte le rapport de l’IIED, la volonté politique et un bon leadership peuvent aussi permettre de changer les choses dans les centres urbains plus pauvres.
David Satterthwaite, l’auteur principal du rapport de l’IIED, offre cinq conseils pour les villes vulnérables aux catastrophes dont les ressources sont limitées :
- Les gouvernements des villes doivent travailler en collaboration avec les citadins, en particulier ceux qui vivent dans des zones d’habitation informelles, afin d’identifier les risques encourus par le passé. M. Satterthwaite a cité en exemple le cas de Cuttack, une ville située dans l’est de l’Inde. Là-bas, des femmes appartenant à une fédération de collectifs de femmes appelée Mahila Milan ont discuté avec les habitants des zones d’habitation informelles pour évaluer les risques auxquels ils étaient confrontés. Elles ont ensuite élaboré des cartes numériques et un système d’information géographique à partir des réponses obtenues.
- Il faut discuter avec les organisations communautaires afin d’identifier ce qui doit être fait, comment et par qui. Les gouvernements locaux qui n’ont pas les capacités nécessaires peuvent travailler en collaboration avec les organisations populaires ou avec des partenaires. Par exemple, M. Satterthwaite a découvert que lorsque les autorités locales alimentaient les communautés en eau, les habitants se débrouillaient généralement pour relier leur foyer au système d’approvisionnement.
- Lorsqu’on planifie d’améliorer les logements, les infrastructures et les services (par exemple, eau courante, soins de santé, services d’urgence, routes praticables en toutes saisons), il faut commencer dans différentes communautés et déterminer les maisons qui devront peut-être être déplacées. M. Satterthwaite suggère de travailler main dans la main avec les communautés affectées.
- Les gouvernements des villes devraient prendre conscience de la valeur ajoutée des partenariats avec les organisations communautaires pour concevoir et gérer les interventions. « On peut s’inspirer de ce qui s’est passé dans plusieurs villes d’Asie, où de puissants groupes d’épargne ont été créés par les habitants des zones d’habitation informelles, et mettre sur pied un fonds urbain pour supporter les initiatives populaires. Le fonds pourrait être co-géré par ces groupes et par leurs fédérations », a écrit M. Satterthwaite.
- Il faut « célébrer toute initiative communautaire réussie », a-t-il indiqué, ajoutant que les membres des autres communautés et du gouvernement local devraient s’inspirer de ces initiatives. Des représentants des pauvres urbains devraient également être encouragés à participer aux principaux comités gouvernementaux.
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