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Un hiver de disette s’annonce

The Syrian finance minister has said withdrawing bread subsidies is a “red line”, but failing harvests and soaring international wheat prices may be forcing a re-think. Abigail Fielding-Smith/IRIN
Les champs de la plaine fertile du Ghab, qui traverse l’est de la Syrie, devraient normalement foisonner de cultures à cette période de l’année, mais cet été certains sont restés en friche.

« L’armée s’est déployée dans les champs et il y a des postes de contrôle autour de notre village », a dit Muhammad al-Ashab*, un agriculteur de la citadelle d’al Madeeq. « Parfois, les soldats nous laissent passer, parfois non ».

Certains fermiers n’ont rien pu planter, a-t-il dit. D’autres ont subi des pertes et vu leurs récoltes dépérir, soit parce qu’ils ne pouvaient pas accéder à leurs champs régulièrement, soit parce qu’ils n’avaient pas les moyens de s’en occuper.

Le violent conflit qui secoue la Syrie semble faire obstacle à l’agriculture. Les combats intermittents, la flambée des prix du matériel agricole et les pénuries de gazole — nécessaire pour les tracteurs et les moissonneuses, mais également pour pomper de l’eau pour arroser les champs — sont autant d’entraves au travail des fermiers.

« Les engrais et les insecticides sont devenus si chers que les gens ont eu du mal à trouver les moyens d’en acheter », a dit M. al-Ashab*. « Il est très difficile de se procurer du gazole et, lorsqu’on en trouve, on doit le payer trois fois plus cher qu’avant. »

Cette année, les agriculteurs de son village n’ont donc pu cultiver que la moitié de la quantité habituelle de blé. « La plupart des familles dépendent de l’agriculture et nombre d’entre elles se retrouvent maintenant sans revenu. Nous avons dû renvoyer tous les travailleurs de notre ferme, car nous ne pouvions plus les payer », a-t-il ajouté.

Évaluations divergentes 

Un rapport détaillé publié le 12 juin par le ministère de l’Agriculture américain (USDA) brosse un tableau plutôt différent : malgré le conflit, la production de blé semblerait « favorable ». Selon cette analyse, la sécurité alimentaire, notamment dans les zones urbaines, serait davantage compromise par une défaillance du circuit de distribution que par une baisse de la production.

« Reste à savoir dans quelle mesure la communauté rurale, dispersée à travers les régions de production de céréales, arrive à faire face à la situation et si le conflit risque d’affecter de quelque façon que ce soit leur capacité à récolter et vendre avec succès la production de céréales de l’hiver 2012. »

En revanche, Strategie Grains, un influent cabinet d’analyse français, a dit, cité par Reuters, qu’il avait revu à la baisse ses estimations concernant la récolte de blé tendre et de blé dur de la Syrie en 2012, qui devrait atteindre 2,5 millions de tonnes, soit 900 000 tonnes de moins que prévu précédemment. En 2011, 3,3 millions de tonnes avaient été récoltées.

« Les principales régions productrices sont en plein cœur de la guerre civile et, bien qu’il soit difficile d’évaluer l’impact que cela peut avoir sur la récolte, des perturbations majeures vont certainement se produire », a dit le cabinet dans un rapport publié en mai.

Selon le bulletin humanitaire du bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) du 6 au 19 juillet, la crise actuelle empêche peut-être les agriculteurs de travailler, mais les prix des denrées alimentaires ont été multipliés par trois dans une partie des sept provinces que compte la Syrie.

Mise en péril des moyens de subsistance

« Des groupes entiers de ruraux, de fermiers, d’éleveurs et d’ouvriers agricoles itinérants voient leurs moyens de subsistance mis en péril », a dit Jens Laerke, porte-parole de l’OCHA à Genève.

Alors que le conflit s’intensifie (le Comité international de la Croix-Rouge a dit la semaine dernière qu’il s’apparentait de plus en plus à un conflit armé non-international), l’insécurité alimentaire gagne du terrain.

« C’est un problème énorme, grave et croissant », a dit M. Laerke. Selon le bulletin humanitaire de l’OCHA, la Syrie compte environ un million de déplacés à l’intérieur de leur propre pays. Le Programme alimentaire mondial distribue actuellement une aide alimentaire à un demi-million de Syriens et espère atteindre 850 000 bénéficiaires le mois prochain.

« L’agriculture est l’un des secteurs industriels les plus importants et représente 30 pour cent du PIB de la Syrie », a dit Samer Seifan, un économiste syrien réputé, ancien conseiller du gouvernement. « Le soulèvement s’est étendu à toute la Syrie. Tous les principaux secteurs agricoles ont été touchés », a-t-il ajouté. Selon lui, la récolte de blé ne devrait pas dépasser 1,9 million de tonnes cette année.

Avant le soulèvement, la Syrie produisait en moyenne quatre millions de tonnes par an et dépendait des importations pour couvrir ses besoins, qui s’élevaient à sept ou huit millions de tonnes.

Les denrées alimentaires de base sont difficiles à obtenir depuis des mois dans les foyers de révolte comme Homs ou Hama, où les magasins ont été incendiés et les routes bloquées. À Damas, les épiceries étaient relativement bien approvisionnées jusqu’à récemment. Mais depuis que les rebelles ont pénétré dans la capitale la semaine dernière, une flambée de violence a commencé à entraîner des pénuries. « Les combats étaient moins intenses aujourd’hui, alors de nombreuses personnes se sont aventurées dehors après plus d’une semaine et sont allées au marché », a dit Ashraf al-Nasr*, un jeune avocat, dans le centre-ville.

« Le lait et le yaourt sont introuvables dans de nombreux endroits et les prix ont grimpé en flèche, notamment ceux des légumes frais. Les concombres, par exemple, coûtaient 35 livres, parfois moins. Maintenant, ils coûtent environ 125 livres », a dit M. al-Nasr.

Cultures incendiées

Dans de nombreuses zones rurales, les problèmes d’approvisionnement atteignent un stade critique. Selon des militants et des agriculteurs de différentes régions, les habitants des villages considérés comme favorables au soulèvement ont été touchés de manière disproportionnée et leurs cultures ont parfois été incendiées.

« Certains de nos champs ont pris feu lors des bombardements. D’autres ont été brûlés par des soldats pour nous punir d’héberger des transfuges », a dit Hamid Rasul*, un agriculteur du village d’Halfaya, dans la plaine du Ghab. « J’avais planté du blé, mais mes champs faisaient partie de ceux qui ont été incendiés. J’ai tout perdu, alors qu’il était presque temps de récolter. »

Le marché de producteurs d’Halfaya demeure généralement fermé, a-t-il dit. De nombreuses boutiques ont été vandalisées ou pillées et les habitants partagent le peu de nourriture qu’il leur reste. « [Ces réserves] vont vite s’épuiser. En été, nous mettons généralement des pommes de terre et du blé de côté pour l’hiver. Mais maintenant, nous n’avons plus rien à mettre de côté. Nous nous attendons à avoir faim. »

*nom d’emprunt

gmk/kb/cb/oa-ld/ag


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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