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Les serveuses des bars-cabines, victimes d’exploitation sexuelle

« Je rêve tout le temps d’être écrasée par une voiture et de mourir », a confié Rekha Biswakarma, une serveuse traumatisée, qui travaille dans un bar-cabine de Katmandou, la capitale. Violée par un client, elle a été menacée par son employeur, qui l’a sommée de se taire si elle ne voulait pas perdre son emploi.

Ses collègues ont conseillé à la jeune fille, âgée de 20 ans, d’oublier l’incident, lui affirmant qu’elle n’aurait jamais les moyens de couvrir les frais de justice et qu’elle n’avait aucune preuve pour corroborer ses propos.

Mais oublier une telle épreuve s’avère impossible. Rekha Biswakarma a tenté à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours, mais elle s’est arrêtée pour le bien de sa petite fille de cinq ans.

Il y a deux ans, son mari et elle sont venus s’installer dans la capitale pour échapper à la misère : le couple vivait auparavant dans la région de Makwanpur, où leur manque de revenus les exposait à des pénuries alimentaires constantes.

La famille dépendait des revenus du mari, qui travaillait dans une ferme de la région, et empochait à peine un dollar par jour. Mais à Katmandou, la situation de la jeune fille s’est aggravée lorsque son mari l’a quittée et a disparu.

Certaines de ses amies, qui travaillaient dans des restaurants-cabines, lui ont proposé de lui trouver un emploi de serveuse, sans toutefois lui dire ce qu’impliquait réellement un tel emploi ; Rekha ne l’a découvert qu’au cours de sa première semaine de travail, lorsqu’elle a été agressée sexuellement et violée.

Des travaux dangereux

Les bars-cabines, espaces de loisir établis au milieu des années 1990 dans la capitale, sont depuis lors devenus des lieux de prostitution forcée, selon les organisations non-gouvernementales (ONG) locales.

Chaque bar est équipé de plusieurs cabines individuelles et privées où la serveuse doit « divertir » les clients pour les encourager à dépenser sans compter en alcool et en nourriture.

Les serveuses, âgées de 15 à 25 ans, sont pour la plupart des travailleuses migrantes, originaires des villages des régions pauvres environnantes, telles que Lalitpur, Dhading, Nuwakot, Sindupalchowk, Kavre ou Dolakha.

Une majorité d’entre elles savent à peine lire et écrire, sont divorcées, déplacées et/ou victimes de violences domestiques, selon Saathi, une ONG locale qui dirige un projet dont l’objectif est de créer un environnement sans risque pour les serveuses des bars-cabines.

« Ils devraient faire fermer tous ces bars, sinon toutes les filles continueront d’être victimes d’exploitation sexuelle ouvertement et sans aucun contrôle », a expliqué Rekha Biswakarma.


Photo: Naresh Newar/IRIN
Les filles des familles pauvres migrent vers Katmandou à la recherche d'un emploi et se retrouvent confrontées au risque d'exploitation sexuelle
La jeune femme fait partie des milliers de serveuses de la capitale victimes de formes d’exploitation sexuelle graves, notamment d’agressions sexuelles, de viols et de violences, infligés à la fois par les clients et par les propriétaires de ces bars.

Selon l’Association des restaurateurs du Népal, plus de 20 000 serveuses travaillent dans 800 restaurants et bars-cabines, à Katmandou.

« Leurs histoires ne sont jamais suffisamment médiatisées et leur situation reste largement négligée par le gouvernement », à en croire Uma Lama, activiste à Saathi.

Le peu de protection policière et juridique dont bénéficient les serveuses s’explique en partie par le fait qu’elles sont souvent représentées comme des travailleuses du sexe dans la presse à scandale locale, a-t-elle expliqué.

Uma Lama, qui travaille depuis huit ans à protéger les serveuses des bars-cabines, dit avoir rencontré une multitude de femmes qui, comme Rekha Biswakarma, ont été victimes de viols ou d’agressions sexuelles. La plupart d’entre elles conservent leur poste car elles n’ont pas d’autre choix.

Programmes de formation

« Beaucoup de mes amies sont devenues travailleuses du sexe après avoir été violées, agressées sexuellement et forcées à avoir des rapports sexuels avec les clients, parce qu’elles avaient l’impression qu’il n’y avait personne pour les protéger et qu’il valait mieux accepter leur sort et gagner plus », a déclaré Sabita Chettri, ancienne serveuse de bar-cabine.

Sabita Chettri a été sauvée par Saathi, qui l’a hébergée temporairement et formée au métier de masseuse ; elle travaille désormais au Himalayan Healers, un spa réputé qui aide également les serveuses victimes d’exploitation sexuelle en leur offrant des emplois.

Saathi aide 200 serveuses par le biais de son Programme d’emploi rémunéré, lancé en 2007, et les forme au métier d’agent de sécurité, d’assistante en soins cliniques, de soignante, de masseuse, de peintre, de chauffeur, de tailleur et d’esthéticienne.

Plusieurs sociétés privées se sont également jointes à Saathi pour leur offrir des emplois à l’issue de leur formation. Dernièrement, l’ONG a pu sauver 55 serveuses, dont 32 avaient moins de 16 ans.

« Les crimes commis contre ces femmes dans les cabines sont si affreux que nous fondons souvent en larmes quand ces victimes nous racontent leurs histoires », a rapporté Sulaksana Rana, activiste à Saathi, qui travaille également comme conseillère.

« La plupart sont extrêmement vulnérables, étant donné qu’elles ne sont pas protégées et sont très pauvres, et qu’elles doivent survivre en s’attirant la sympathie des clients, des individus dangereux et sans pitié », a expliqué Sulaksana Rana.

nn/ds/mw/nh/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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