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Journal du changement climatique au Sahel – 2ème jour

Jan Egeland, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur les conflits, se déplace dans le Sahel cette semaine pour attirer l’attention de la communauté internationale sur la région du monde qui, selon les Nations Unies, subit les conséquences les plus lourdes du changement climatique. Chaque jour, M. Egeland livre à IRIN ses pensées et ses expériences dans un journal dont voici le deuxième volet, rédigé cette fois depuis Bamako, la capitale du Mali.

« Trop de Maliens ont recours aux armes pour résoudre leurs griefs, à mesure que la croissance démographique galopante, l’épuisement progressif des ressources en eau et la détérioration des terres agricoles et pastorales transforment les voisins en ennemis à travers les vastes régions de cette vieille contrée ».

« Selon mes collègues des Nations Unies qui se trouvent ici, à Bamako, la capitale, des centaines de petits conflits, relativement localisés, font rage à travers le Mali ».

« Et les représentants du service des armes légères de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) m’ont dit que des armes affluaient actuellement ici ; elles proviennent de plusieurs autres pays de la région, qui ont mis fin dernièrement à leurs propres guerres. Selon la CEDEAO, le nombre des fabricants d’armes locaux a également doublé ces quatre ou cinq dernières années au Mali ».

« Ce fut d’ailleurs une révélation assez émotionnelle, pour moi. La dernière fois que j’ai travaillé au Mali, c’était il y a 10 ans, pour le compte des ONG [organisations non-gouvernementales] et du gouvernement norvégiens ; j’avais participé à la négociation d’un moratoire sur les armes légères. À l’époque, la rébellion des Touaregs du nord venait de s’achever et le Mali était encore inondé d’armes légères, qui avaient afflué dans le pays après la fin d’autres conflits africains et de la Guerre froide ».

« Aujourd’hui, les institutions que nous avions créées pour appliquer le moratoire et retirer ces armes de la circulation, notamment la Commission nationale sur les armes légères, existent encore mais elles se débattent avec des fonds et un soutien qui sont loin d’être suffisants. Ces institutions et ce moratoire sont tout aussi essentiels aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a 10 ans ».

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« Mais pour mettre un terme à ces affrontements, actuellement limités et isolés, il ne suffira pas de retirer ces armes des mains du peuple ».

Le changement climatique, source de conflits

« J’ai entendu aujourd’hui [le 3 juin] le président Amadou Toumani Touré, le Premier ministre ainsi que d’autres hauts responsables, dont les propos rejoignent ceux que j’ai entendus hier au Burkina Faso –pays voisin, situé à l’est du Mali et où j’ai commencé cette tournée d’une semaine dans le Sahel. Ils m’ont parlé de la diminution et de l’imprévisibilité des précipitations, des pénuries d’eau et de l’avancée progressive du désert du Sahara sur les terres arables du Mali et le fleuve Niger, autant de facteurs qui contraignent les communautés agricoles et pastorales à empiéter sur leurs territoires respectifs et provoquent des affrontements fréquents ».
« Les éleveurs du nord du Mali, où je me rends demain, se sentent apparemment très en marge, eux aussi, du processus de développement en cours dans le sud du pays, une autre source de tension. Dans cette région, certains membres de l’ethnie des Touaregs ont lancé une rébellion, revendiquant l’égalité politique et économique du nord ».

« De même, nous avons évoqué les souffrances des Maliens face à la hausse du prix du riz, et la production de coton, principale culture de rente du pays, décimée par des pluies imprévisibles ».

Les trafiquants de drogue colombiens


Photo: IRIN
Une hutte nomade Tamashek dans le centre de Goa, au Mali. De nombreux nomades ont dû abandonner leur mode de vie traditionnel après des sécheresses successives qui ont décimé leurs troupeaux
« Il semble que les trafiquants de drogue colombiens, qui disposent de fonds illimités pour soudoyer [les populations], payent et se battent pour obtenir le contrôle des itinéraires transsahariens qui leur permettent d’acheminer leurs drogues vers l’Europe et jusqu’au Golfe. Ils sapent [l’autorité du] gouvernement et font régner l’insécurité dans une bonne partie du pays. Je connais, pour avoir travaillé en Colombie, les troubles causés par ces gangs, et je sais combien il est difficile de les déloger une fois qu’ils se sont établis quelque part ».

« Tout ce que j’ai vu et entendu au Mali a confirmé l’impression que j’avais déjà, à savoir qu’on ignore encore s’il y aura davantage de coopération ou davantage de conflits au Sahel. Nous pouvons contribuer à investir dans la coopération ».

« Il y a des gens, ici, qui préconisent un recours à l’armée pour mettre fin aux rébellions, aux attaques armées et à la contrebande. L’armée est certainement une solution contre la contrebande et le trafic de drogue, mais les griefs sociaux, politiques et culturels légitimes ne peuvent être réglés de cette façon. C’est par les investissements, le développement et le dialogue qu’on parviendra à les résoudre ».

Soutien des bailleurs et des Nations Unies

« Je vais par conséquent encourager les bailleurs, qui ont déjà soutenu un grand nombre de bons programmes, ici, à Bamako, à consacrer des fonds bien plus importants au financement des programmes environnementaux et aux projets destinés à aider et à autonomiser les éleveurs, surtout. Ils doivent également soutenir les programmes de retrait des armes légères ».

« Nous avons également convenu que les Nations Unies pourraient et devraient en faire davantage pour favoriser la réconciliation au plan local, le développement local et l’autonomisation des agriculteurs et des communautés agricoles du nord, ainsi que des éleveurs ».

« La situation est déjà très tendue. Mais nous pouvons prévenir un conflit plus grave en injectant les investissements nécessaires et en coopérant. Le président du Mali a pris une position tout à fait admirable en faveur d’un dialogue avec toutes les communautés marginalisées. Avec les voisins du Mali, il organise actuellement une conférence régionale sur la paix et la sécurité qui devrait commencer en juin ou en juillet, semble-t-il ».

« À présent, cap sur Tombouctou, cette cité ancestrale où se trouve le lac Faguibine ; au lac, je pourrai constater par moi-même l’impact du changement climatique et, je l’espère, imaginer des solutions créatives pour y faire face ».

nr/vj/ed/nh/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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