Tout en se félicitant de l’accord conclu entre les deux principaux partis politiques kényans à propos du partage des pouvoirs, les acteurs humanitaires estiment que le plus dur reste à faire, à savoir : réinstaller les déplacés et réconcilier tous les Kényans entre eux.
« Nous avons encore 200 camps [de déplacés] », a déclaré Bob McCarthy, coordinateur régional des opérations d’urgence du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). « Les populations reçoivent une aide qui permet de subvenir à leurs besoins immédiats, à court terme. Le défi, aujourd’hui, consiste à déterminer si les conditions sont propices au retour des PDIP [personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays] dans leurs régions d’origine ».
Pour M. McCarthy, l’accord signé par le président Mwai Kibaki et Raila Odinga, chef de l’opposition, le 28 février, est un point de départ, et il est aujourd’hui temps de faire avancer la situation « de manière extrêmement énergique, en mettant en place des programmes de redressement ».
« Espérons que les PDIP puissent retourner chez eux, dans les régions qu’ils ont quittées, et non sur les “terres de leurs ancêtres” […] le retour doit être bien géré […] les commerces doivent être indemnisés, d’une manière ou d’une autre, des pertes qu’ils ont subies […] il doit y avoir un dialogue constant entre ceux qui rentrent chez eux, ceux qui ont commis des actes qui les ont obligés à fuir, et les responsables des autorités locales », a indiqué Besida Tonwe, qui dirige l’antenne de soutien régionale du Bureau des Nations Unions pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Selon Mme Tonwe, des fonds doivent à présent être injectés pour financer les premières opérations de redressement dans les zones gravement touchées par les flambées de violence post-électorales, qui ont éclaté juste après l’annonce des résultats du scrutin organisé à la fin du mois de décembre 2007.
« L’accord entre les deux leaders est un soulagement pour tous les Kényans, mais ce qui m’inquiète, c’est de savoir ce qui vient après. Est-ce que ces leaders se souviennent des milliers de personnes encore déplacées ? », s’est interrogé John Shikuku, révérend membre de l’Alliance nationale des églises, et ancien responsable du secrétariat de l’Alliance dans le camp de PDIP du champ de foire de Nairobi.
D’après M. Shikuku, à la suite de la fermeture récente du camp par les autorités, quelque 148 familles de PDIP se sont installées dans le complexe du gouverneur du district de Dagoretti, situé non loin, tandis que 48 autres ont élu domicile dans le complexe du gouverneur du district de Kibera.
« Retirer une personne déplacée d’un camp pour l’installer dans un autre n’aide pas ; nous devons désormais nous attacher à trouver des moyens de faire en sorte que ces personnes s’établissent véritablement et nous espérons que les politiciens en feront une priorité », a-t-il expliqué.
Photo: Julius Mwelu/IRIN |
Des groupes de femmes déplacées se rassemblent en attendant la distribution de vêtements au camp du champ de foire de Nairobi |
« C’est bien que l’accord ait été signé [mais] ce dont nous avons besoin, dans l’immédiat, c’est que l’on mette fin à nos souffrances. Nous devons nous sentir assez en sécurité pour pouvoir retourner chez nous ; or, aujourd’hui, nous passons encore nos nuits dans une école primaire, en attendant que la situation de sécurité s’améliore », a confié Francis Mwangi, un PDIP de Kuresoi, déplacé dans le district de Molo, dans la province de la vallée du Rift.
Conformément à leur accord, MM. Kibaki et Odinga se partageront les pouvoirs, grâce à la création d’un poste de Premier ministre, prévue pour accommoder le Mouvement démocratique orange de M. Odinga.
A Nakuru, les PDIP ont exprimé des opinions mitigées concernant l’accord.
« Ici, dans ce camp, la plupart des PDIP [presque tous kikuyus] ont l’impression que le président Kibaki les a trahis : pour eux, cet accord renforce leurs ennemis », a expliqué à IRIN Jesse Njoroge, coordinateur du camp. « De même, bon nombre de Kalenjins de la ville ont l’impression de s’être fait avoir : pour eux, le poste de Premier ministre aurait dû revenir à William Ruto, donc, ils ont l’impression que tous les efforts qu’ils ont faits juste avant les élections ont été perdus au profit de la province de Nyanza ».
Le champ de foire de Nakuru abrite au moins 12 800 PDIP.
« L’annonce n’a pas eu de répercussion majeure, ici », a indiqué M. Njoroge. « Les PDIP pensent qu’un accord conclu au plan national ne permet pas de garantir leur sécurité au niveau communautaire : ces accords ne se diffusent pas toujours [jusqu’aux populations] ».
Selon lui, les PDIP n’envisageront de retourner chez eux que lorsque la situation de sécurité se sera améliorée de manière significative, « au point qu’ils pourront vivre en toute sécurité à côté des personnes qui les ont expulsés. Quelques PDIP sont prêts à quitter le camp, mais ils attendent de voir s’ils seront indemnisés des pertes qu’ils ont subies », a-t-il expliqué.
« Ce qui est important, ce n’est pas la cohabitation des leaders, mais celle des Kényans », a-t-il ajouté.
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