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Souvenir mortel de l’hospitalité du passé

Les nombreux mouvements de libération d’Afrique australe accueillis par la Zambie ont laissé derrière eux une multitude de mines terrestres qui entravent son développement, selon le dernier rapport de la Campagne internationale pour interdire les mines.

« Les restes explosifs de la guerre ont eu davantage de conséquences sur le développement national [de la Zambie] que sur les communautés locales, la plupart des régions touchées n’étant pas densément peuplées. Le tourisme, l’agriculture et l’énergie hydroélectrique – qui font tous trois partie des principaux piliers de l’économie et du développement zambiens - sont touchés par la menace des mines terrestres ».

Ainsi s’exprimait l’organisation non-gouvernementale (ONG) internationale, qui fait campagne contre l’utilisation des mines antipersonnel, dans son rapport 2007 sur les mines terrestres (Landmine Monitor Report 2007), publié la semaine dernière.

La paix règne en Zambie depuis que le pays, ancienne colonie britannique, a accédé à l’indépendance en 1964, mais sa politique d’accueil des mouvements de libération en lutte contre les régimes coloniaux ou imposés par une minorité blanche lui a valu de voir 41 ou plus de ses régions semées de mines antipersonnel.

Le FRELIMO du Mozambique et l’Armée révolutionnaire de libération populaire du Zimbabwe, tous deux accueillis par la Zambie, posaient souvent des mines antipersonnel autour de leurs bases pour se défendre contre les raids transfrontaliers.

Mais après avoir remporté les luttes pour la libération qu’ils menaient dans les pays voisins, ces mouvements abandonnaient ou détruisaient souvent leurs bases sans retirer les mines antipersonnel qu’ils y avaient posées, rendant ainsi de vastes étendues de terre inutilisables. Des mines ont également été posées le long de la frontière angolaise par les rebelles de l’UNITA et les forces du gouvernement au cours du conflit qui les a opposés pendant 27 ans, avant de prendre fin en 2002.

« Les mines empêchent d’accéder à la faune, à la flore et aux réserves de chasse, limitent l’accès au Zambèze [plus grand fleuve de Zambie] qui permettrait le développement de l’hydroélectricité, et entravent la constitution d’un cordon sanitaire pour [prévenir la transmission des] maladies du bétail – la présence suspectée de mines le long de certaines sections des frontières internationales zambiennes empêche le ministère des Terres de procéder à des travaux d’aménagement aux frontières, même lorsque cela s’avère nécessaire », selon le rapport.

Près de 3 000 kilomètres carrés, sur les 750 000 kilomètres carrés de territoire qui composent la Zambie, seraient semés de mines terrestres, essentiellement posées le long des régions frontalières de la République démocratique du Congo, du Mozambique et de l’Angola, ainsi qu’à la lisière de Lusaka, la capitale, dans l’ouest et le sud de la Zambie et dans certaines régions de la région du Copperbelt, le poumon économique du pays.

L’héritage des mines

« La question des mines est très importante en raison de ses répercussions sur le développement et la situation humanitaire ; aucune étendue de terre soupçonnée d’être semée de mines ne sera ouverte à l’agriculture, au tourisme et au développement socioculturel. Même le réseau routier et les infrastructures, telles que les écoles ou les cliniques, ne pourront y être pleinement développés », a expliqué à IRIN Robert Mtonga, chercheur indépendant sur les mines terrestres et les armes à sous-munitions.

En 1999, un projet de 50 millions de dollars, parrainé par la Banque mondiale dans la province australe au profit des populations déplacées pendant la construction du barrage de Kariba, en 1959 – qui avait abouti à la création d’un des plus grands lacs artificiels du monde – avait notamment été paralysé, après le décès d’un ingénieur consultant dans l’explosion d’une mine terrestre.

« Les mines terrestres ont vraiment ralenti la mise en œuvre de notre projet. Nous devons désormais attendre la fin des opérations de déminage avant de pouvoir exécuter pleinement le projet »
« Les mines terrestres ont vraiment ralenti la mise en œuvre de notre projet, particulièrement le long de la Bottom Road [un axe de 196 kilomètres de long qui traverse de part en part la zone de mise en œuvre du projet]. Nous devons désormais attendre la fin des opérations de déminage avant de pouvoir exécuter pleinement le projet », a déclaré à IRIN Jumbe Ngoma, porte-parole de la Banque mondiale en Zambie.

C’est en 1972 que la Zambie a commencé à soutenir activement les luttes pour la libération menées en Afrique australe, devenant ainsi la cible de représailles de la part des pays voisins, gouvernés par des minorités blanches ; depuis lors, plus de 500 explosions de mines terrestres se sont produites, selon le Centre zambien d’action contre les mines, un service créé récemment au sein du ministère des Affaires étrangères. On ignore le nombre des victimes.

Bien que les cas d’explosions de mines ne soient pas répandus en Zambie, leurs conséquences sont bien souvent dévastatrices pour les victimes, forcées d’adopter de nouveaux styles de vie sans aucun soutien officiel, la Zambie n’ayant pas adopté de politique d’indemnisation en faveur des victimes de mines terrestres.

Yonah Phiri, 43 ans, a perdu sa jambe droite dans l’explosion d’une mine, en 1980. « Cet incident a littéralement brisé mes rêves ; elle a changé le cours de ma vie. J’avais 16 ans, j’étais [au collège], mais j’ai dû arrêter l’école : j’avais tout le temps des problèmes [physiques] et je passais mon temps à l’hôpital pour me faire soigner », a-t-il raconté à IRIN.

« J’ai fait preuve de beaucoup d’abnégation, j’ai eu tellement de mal à accepter la réalité, j’ai connu tant de douleur et d’angoisse, mon éducation et ma vie ont été bouleversées, rien ne marchait pour moi. J’ai passé bon nombre de mes années cloué sur un fauteuil roulant avant de commencer à marcher avec des béquilles », a confié M. Phiri, qui aujourd’hui recharge des batteries de voitures dans un camp de squatters de Lusaka pour survivre.

« J’ai tenté de demander une indemnisation ou tout autre forme de soutien sous les régimes des trois présidents [M. Kaunda, son successeur, Frederick Chiluba, et le président actuel, Levy Mwanawasa] mais en vain. Aucune entreprise ne veut m’embaucher à cause du même problème – ils me disent tous qu’ils font des affaires pour gagner de l’argent, pas pour s’occuper des éclopés et des handicapés ».

Le traité d’Ottawa

La Zambie est signataire de la Convention de 1997 sur l'interdiction des mines antipersonnel, également connue sous le nom de Traité d’Ottawa, un accord international dont les Etats signataires sont appelés à interdire la fabrication, la vente et l’utilisation des mines terrestres, et à apporter un soutien aux victimes des mines terrestres et à leurs familles. En août 2007, le traité avait été signé par 157 pays et ratifié par 155 d’entre eux.

« Nous ne connaissons pas encore le nombre exact des victimes, n’ayant jamais dressé de bilan au plan national », dès lors, il est difficile pour le gouvernement d’apporter un soutien aux victimes des mines terrestres, selon Sheila Mweemba, directrice du Centre zambien d’action contre les mines.

« Ce n’est qu’après avoir mené une enquête nationale pour évaluer l’impact [des mines], dans le courant de l’année prochaine, que nous serons en mesure de concevoir des programmes d’intervention pratique pour les victimes et les communautés touchées ».

En 2005, la Zambie a mis en place un programme de déminage d’une durée de trois ans, qui prévoyait de déminer toutes les régions dangereuses d’ici à la fin de l’année 2007, mais selon Mme Mweemba, seuls sept des 41 sites concernés du pays ont été déminés. Le centre d’action contre les mines a conservé 3 346 des 7 000 mines extraites « pour permettre l’entraînement [au déminage] », bien que la destruction des stocks de mines soit une des principales dispositions du traité d’Ottawa.

« Les opérations de déminage des zones polluées sont en cours, mais elles sont assez lentes compte tenu du manque de fonds, de sensibilisation et de moyens. Il nous a été très difficile d’obtenir des subventions pour le déminage », a expliqué Mme Mweemba.

Outre le peu de fonds, de graves inondations ont également fait obstacle aux opérations de déminage menées dans le pays. L’année dernière, certaines zones d’une région polluée de l’est de la Zambie ont été déminées et plusieurs sites dangereux ont été entourés d’une clôture, mais les eaux de crue ont emporté les panneaux de démarcation.

« Les crues nous posent aujourd’hui de grosses difficultés car elles nous obligent à recommencer la procédure à zéro et nous devons assumer les frais des nouveaux travaux, ce qui signifie que les premiers travaux n’ont servi à rien », a déploré Mme Mweemba.

« Pire encore, les mines peuvent se déplacer vers l’amont ou vers l’aval, ce qui pose des problèmes aux personnes chargées de mener de nouvelles enquêtes, car elles ne savent pas où commencer. Dès lors, à moins de les [les mines] retirer rapidement, il y aura toujours un problème en cas de crue ». Le service météorologique zambien prévoit des inondations possibles au cours de la saison des pluies 2007-08.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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