Les gouvernements des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ainsi que les Nations Unies sont tellement occupés à s’efforcer de réduire l’offre en matière de drogue qu’ils en ont négligé les actions menées pour diminuer la demande, selon plusieurs organisations non gouvernementales (ONG).
« Il y a un déséquilibre total entre les moyens donnés aux différents acteurs [de la lutte contre la drogue] », a estimé Cheikh Diop, président de la Fédération des ONG sénégalaises de lutte contre la drogue. « D’énormes sommes sont investies dans la lutte contre le trafic de drogue et la réduction de l’offre ; en revanche, les ONG qui travaillent à réduire la demande – ou le nombre même des [toxicomanes] – ont des budgets quasi nuls ».
Les 3 et 4 novembre, à l’occasion d’une rencontre entre diverses ONG d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, organisée à Dakar, capitale du Sénégal, les participants ont exprimé des préoccupations sur les subventions, insuffisantes disent-ils, accordées aux organisations axées sur la prévention de la toxicomanie et le traitement des toxicomanes.
« Nous n’avons pas les moyens de faire ce que nous voulons faire », a expliqué Abdoulaye Diouf, organisateur local de la rencontre et gérant du centre Jacques Chirac de sensibilisation et d’information sur la drogue, au Sénégal.
Cette conférence s’inscrivait dans le cadre d’un forum d’ONG mondial, intitulé « Beyond 2008 » et coordonné par le Comité de Vienne des ONG sur les stupéfiants.
Toujours dans le cadre de ce forum, des rencontres ont lieu à l’heure actuelle aux quatre coins du monde ; elles visent à permettre d’évaluer les progrès réalisés par les ONG, cette dernière décennie, en matière de lutte contre la drogue, et de concevoir un plan d’action pour les années à venir.
Plus qu’une zone de transit
Si l’Afrique de l’Ouest devient peu à peu une plaque tournante du trafic de drogues envoyées vers l’Europe, la région est également plus qu’une zone de transit.
Bien qu’il n’existe aucune étude à grande échelle sur ce sujet, les ONG de la région estiment que la toxicomanie a augmenté ces dernières années – un soupçon confirmé par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Dans son Rapport mondial sur les drogues, publié en juillet, l’ONUDC fait en effet état d’une recrudescence du trafic dans la région, qui a également provoqué une augmentation de l’abus de cocaïne, d’opiacés et de cannabis dans les pays d’Afrique de l’Ouest.
« La lutte contre la drogue n’aboutira jamais uniquement par le biais de la répression », selon M. Diop, de la fédération de lutte contre la drogue. « Depuis combien de temps jetons-nous les gens en prison ? Et depuis combien de temps perdure [ce problème de drogue] ? ».
Selon M. Diop, il existe peu de centres de désintoxication – voire aucun – pour les toxicomanes d’Afrique de l’Ouest.
Les enfants pauvres des rues qui tombent dans le piège de la drogue doivent pouvoir se voir offrir des solutions alternatives, et la population dans son ensemble doit être sensibilisée aux dangers de la toxicomanie, a-t-il estimé.
Contacté par IRIN, l’ONUDC n’était pas disponible dans l’immédiat pour commenter les remarques des ONG.
Autres difficultés
Si les ONG participent bien davantage à la lutte contre la drogue depuis 1998 – cette année-là, l’Assemblée générale des Nations Unies avait convoqué une session spéciale, consacrée au problème de la drogue dans le monde – les participants à la conférence de novembre ont identifié plusieurs difficultés, auxquelles ils sont confrontés dans le cadre de leur travail.
Les représentants de diverses ONG venues de 13 pays différents ont notamment évoqué un manque de formation en matière de recherche, d’analyse et de marketing.
Selon M. Diouf, ils évaluent rarement l’impact de leur travail, et celui-ci n’est donc « pas reconnu ». Certaines ONG se sont également plaintes d’un manque d’expertise sur le terrain, a-t-il expliqué.
Les organisations ont aussi appelé à une collaboration plus étroite entre les ONG, ainsi qu’entre les ONG, les gouvernements et les Nations Unies.
« Les ONG et les gouvernements ne collaborent presque pas », a indiqué M. Diouf. « En matière de planification et de mise en œuvre des activités, les ONG ne sont pas prises en compte dans beaucoup de pays ».
Le plan d’action élaboré à l’occasion de la rencontre porte notamment sur une amélioration des formations, une meilleure collaboration et davantage de lobbying en vue d’obtenir des subventions ; il vise à influer sur les prochaines politiques adoptées par les Nations Unies en matière de lutte contre la drogue, et sera présenté à l’occasion d’un forum mondial, qui aura lieu à Vienne, en juillet 2008.
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