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Beaucoup à faire, malgré une légère amélioration en matière d’eau et d’électricité

Dans l’un des quartiers les plus pauvres et les plus instables de Conakry, de nouveaux réverbères fonctionnant à l’énergie solaire jalonnent un boulevard sur près de trois kilomètres, se distinguant au beau milieu d’immeubles délabrés et de chemins de terre pavés d’ornières.

« C’est arrivé avec « le changement », a expliqué un Guinéen, employant une des expressions les plus fréquemment entendues dans le pays ces jours-ci – en allusion au changement de gouvernement qui a eu lieu en mars après plusieurs semaines de manifestations citoyennes sans précédents en faveur de meilleures conditions de vie et de la destitution de Lansana Conté, président de la Guinée depuis 23 ans.

En guise de compromis, M. Conté a nommé un Premier ministre de consensus, Lansana Kouyaté, qui est arrivé au pouvoir en promettant aux Guinéens de leur assurer ce dont la plupart d’entre eux ont été privés pendant des dizaines d’années : l’accès aux services les plus élémentaires, tels que l’électricité, l’eau potable et l’assainissement.

Quelque sept mois plus tard, peu de statistiques précises sont disponibles sur le nombre de personnes qui bénéficient effectivement d’un accès à l’eau et à l’électricité. Au sein des organisations internationales, plusieurs sources ont révélé à IRIN qu’à ce jour, elles disposaient uniquement d’informations anecdotiques.

« Pour ce qui est des services de base, c’est-à-dire de l’eau et de l’électricité, quelques progrès ont été réalisés au cours des dernières semaines, puisque certains quartiers de Conakry ont été éclairés, mais il reste beaucoup à faire », s’est contentée de déclarer une source de la délégation de l’Union européenne en Guinée.

Toutefois, les Guinéens et les observateurs internationaux disent avoir constaté de vraies améliorations.

Dans le quartier Cameroun de la capitale guinéenne, ces deux derniers mois, l’eau courante est plus fréquente dans certains foyers, à en croire les habitants. « Depuis environ deux mois, il y a eu une évolution positive », a déclaré Fatoumata Binta Lena, le 16 octobre. Le robinet qui se trouve dans la cour de son domicile familial et qui ne fonctionnait généralement pas, à l’exception de quelques heures en plein milieu de la nuit, coule désormais plus souvent pendant la journée.

Selon Mamadou Dian Diallo, du quartier défavorisé de Hamdallaye (Conakry), où règne la criminalité, ses voisins et lui ont l’électricité bien plus régulièrement que par le passé.

« Avant, il nous arrivait de devoir nous passer d’électricité pendant une semaine – souvent même pendant un mois. Depuis plusieurs semaines, dans de nombreuses régions, l’électricité se met en marche presque chaque jour à 18 heures ».


Photo: Nancy Palus/IRIN
Mamadou Dian Diallo dans le quartier de Hamdallaye, à Conakry, la capitale guinéenne
« Quelques progrès ont été réalisés », a convenu Rabiatou Serah Diallo, directeur de la Confédération nationale des travailleurs guinéens, le syndicat qui a mené les grèves de cette année. « Même si nous n’avons pas obtenu totale satisfaction, nous avons tout de même constaté des progrès [sur la question de l’eau et de l’électricité dans certaines régions] ».

Les Guinéens sont loin de pouvoir obtenir « totale satisfaction » dans un pays riche en ressources naturelles, mais où, selon les Nations Unies, huit pour cent de la population seulement a accès à l’électricité et environ 50 pour cent à l’eau potable.

Les nouveaux raccordements en eau et en électricité n’assurent pas une couverture cohérente : de nombreux quartiers de Conakry sont encore plongés dans l’obscurité totale alors même que de faibles ampoules éclairent les maisons voisines. Dès lors, bon nombre de personnes se demandent si ces changements découlent d’un retapage à la va-vite plutôt que de réparations durables, apportées à des infrastructures décrépites après plusieurs décennies de mauvaise gestion.

L’eau ou l’émeute

La patience du peuple en vue d’un changement concret et durable, et les mesures qui devront être prises pour l’apaiser en attendant, sont des questions cruciales, d’après les observateurs.

« Aujourd’hui, la Guinée est un pays où l’on voit immédiatement et très directement l’impact du manque d’accès aux biens et services de base sur la stabilité et la sécurité », a estimé un observateur international, qui n’était pas autorisé à s’exprimer officiellement.

« Sans [accès à l’eau et à l’électricité], il va sans dire que nous ne pouvons même pas parler de stabilité ni de paix dans ce pays »
Selon un leader des syndicats de salariés guinéens – le secteur qui a lancé les grèves de janvier/février – la stabilité ne sera pas envisageable tant que les besoins fondamentaux du peuple ne seront pas satisfaits.

« Sans [accès à l’eau et à l’électricité], il va sans dire que nous ne pouvons même pas parler de stabilité ni de paix dans ce pays », a expliqué à IRIN Ibrahima Fofana, secrétaire général du Syndicat des travailleurs guinéens, le 16 octobre.

Après les événements de ce début d’année – qui ont entraîné des mesures de répression de la part des forces de sécurité ayant causé la mort d’au moins 137 personnes – les Guinéens ne seront pas prêts à accepter d’autre compromis, à en croire les observateurs.

« Si les gens descendaient dans la rue de nouveau, ce serait bien pire », a estimé un analyste, sous couvert de l’anonymat, ajoutant que « la prochaine fois, ils iraient jusqu’au bout » – en allusion aux jeunes, prêts à poursuivre leurs manifestations jusqu’à la destitution du président Conté, en dépit d’une implacable répression militaire.

« En janvier et février, il y a eu des moments où personne ne maîtrisait la situation », selon un diplomate occidental. « Et dans les banlieues, beaucoup de jeunes gens n’ont rien à perdre. Si leur frustration ressort en raison de l’insuffisance des services ou autres, l’armée ne peut la maîtriser qu’en faisant usage de ses armes ».

« Je crois toujours que le Premier ministre jouit d’un soutien important de la part du public dans son ensemble, et que la population souhaite qu’il réussisse. Mais je pense qu’il est clair que les gens commencent à être frustrés », a-t-il ajouté.

Les observateurs et les Guinéens se disent préoccupés par l’anniversaire des grèves, qui aura lieu prochainement. « Si des progrès concrets ne sont pas accomplis d’ici là, je pense que de grosses frustrations risquent de se manifester, si elles ne se font pas sentir avant », selon le diplomate.

Pour M. Diallo d’Hamdallaye, dont le frère de 16 ans a été abattu au cours des représailles de l’armée, on ne peut pas dire, à ce jour, que son frère et les autres soient morts inutilement. « Cela va mal tourner si et seulement si nous ne parvenons pas à obtenir ce pourquoi nous nous sommes battus – c’est-à-dire, une amélioration de nos conditions de vie ».

A en croire certains observateurs, un accès suffisant aux services de base pourrait même contribuer à tempérer certaines tensions ethniques de longue date. Au cours des derniers mois, les tensions entre les trois principaux groupes ethniques guinéens – les Soussous, les Malinkés et les Peulhs – ont ressurgi, certains ayant accusé M. Kouyaté, qui appartient à l’ethnie des Malinkés, de favoriser les membres de son ethnie dans le choix des préfets ou l’octroi de contrats.

Selon Gilles Yabi, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à l’International Crisis Group, si le peuple était satisfait des accomplissements de M. Kouyaté, il s’attarderait moins sur la question ethnique. « Les citoyens seraient moins enclins à tomber dans le débat ethnique s’ils voyaient le Premier ministre réaliser des progrès aboutissant à une amélioration concrète de leurs conditions de vie au quotidien ».

Dans le quartier de Cameroun, à Conakry, Oumar Bâ, étudiant à l’université, saisit l’extrémité d’un tuyau, qui sort de terre et d’où jaillit de l’eau, pour montrer la pression hydraulique qui s’exerce même pendant la journée.

Ce n’était pas le cas dans le passé, dit-il. A la question « à quoi pensez-vous que cette amélioration est due », M. Bâ sourit et répond avec circonspection, comme s’il ne voulait pas se prononcer trop tôt, « c’est peut-être à cause du changement ? ».

np/mc/nr/nh/ads/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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