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Accueil glacial pour les migrants zimbabwéens

Des centaines de migrants clandestins font la queue pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois devant les bureaux du ministère de l’Intérieur à Marabastad (Pretoria), dans l’espoir d’obtenir un statut juridique, quel qu'il soit, en Afrique du Sud.

Les conditions de vie des migrants semblent pires encore que celles des résidents des camps de squatters : les trottoirs sont devenus leurs logements de fortune, des caisses de carton leur servent de lits, les quelques biens qu’ils possèdent sont accrochés sur la barrière de sécurité, et aucune infrastructure d’assainissement n’a été prévue pour eux.
 
Bien que la plupart soient originaires du Zimbabwe, ces migrants viennent des quatre coins de l’Afrique australe et parfois d’encore plus loin, mais tous nourrissent l’espoir de pouvoir se construire une vie meilleure, si toutefois leur demande aboutissait.

Dans un contexte politique tendu, le Zimbabwe connaît actuellement la pire récession jamais observée depuis qu’il a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne, en 1980 : l'inflation a atteint un taux supérieur à 13 000 pour cent, les agences humanitaires internationales estiment qu’un quart de la population a besoin d’une aide alimentaire d’urgence, et les pénuries de carburant et d’électricité sont monnaie courante.

« Nous sommes là en raison de la situation politique et économique au Zimbabwe – c’est le même problème, l’une est la conséquence de l’autre – alors pourquoi ne pourrions-nous pas obtenir l’asile ? »
« Nous sommes là en raison de la situation politique et économique au Zimbabwe – c’est le même problème, l’une est la conséquence de l’autre – alors pourquoi ne pourrions-nous pas obtenir l’asile ? », a expliqué un Zimbabwéen, qui s’est simplement présenté sous le nom de William. Comme beaucoup d’autres requérants dans la queue, il avait bon espoir d’obtenir le droit d’asile.

« La situation ne fait que se dégrader [au Zimbabwe], et si vous revenez la semaine prochaine, vous verrez encore plus de gens ici. Si nous obtenons un statut légal, personne ne pourra profiter de nous, nous voler ou nous mettre en prison », a-t-il conclu.

Jusqu’à ce que les réfugiés déposent une demande d’asile, ils sont considérés comme des clandestins, a expliqué à IRIN Kaajal Ramjathan-Keogh, coordinatrice nationale du Projet de défense des droits des migrants et des réfugiés de Lawyers for Human Rights (LHR) [Avocats pour les droits humains].

Seules 79 demandes d’asile ont été acceptées cette année, selon Mme Ramjathan-Keogh ; mais lorsqu’une demande est acceptée, le demandeur d’asile est autorisé à vivre et à travailler en Afrique du Sud, c’est pourquoi les migrants sont prêts à endurer des conditions de vie pénibles à Marabastad.

Le ministère de l’Intérieur a réduit le nombre de ses centres d’accueil pour réfugiés de cinq à quatre, en fermant ses bureaux de Rosettenville, une banlieue de Johannesburg ; il reste donc seulement trois autres centres, dans les villes portuaires du Cap, de Durban et de Port Elizabeth.

Dès lors, la demande enregistrée aux bureaux de Marabastad est double : le centre accueille en effet une majorité des migrants, de plus en plus nombreux, originaires du Zimbabwe, à la fois parce qu’il s’agit du centre le plus proche de la frontière et parce que celui de Johannesburg a fermé ses portes.

L’engorgement alimente la corruption

Etant donné « les ressources, la gestion et les capacités très insuffisantes » du ministère de l’Intérieur, il faut compter jusqu’à sept ans pour qu’une demande d’asile soit traitée, a expliqué Mme Ramjathan-Keogh.
 
Lorsqu’une demande d’asile est rejetée, le réfugié peut faire appel, mais s’il est débouté de sa demande, il dispose alors d’une période de 30 jours pour quitter le pays, bien que le département s’assure « rarement » que le requérant débouté se conforme effectivement à cette instruction, a-t-elle ajouté.

Bien que, selon LHR, la loi sud-africaine sur les réfugiés soit bien construite, il y a deux ans, l’organisation a engagé des procédures judiciaires contre la ministre de l’Intérieur, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, afin que le système de traitement des demandes soit « rationalisé et accéléré ».

La Cour a ordonné un audit de fonctionnement du système sud-africain de traitement des réfugiés, et le ministère a récemment reçu le rapport. L’affaire est en cours.

Conformément à la loi sud-africaine sur les réfugiés, les demandes d’asile doivent être traitées en 180 jours, « mais cela arrive rarement », d’après Mme Ramjathan-Keogh, et les retards alimentent la corruption et les pots-de-vin qui entachent le système. « Il est vrai que le chaos profite à certains », a-t-elle commenté.

Selon un rapport sur le sort des réfugiés de Marabastad, publié récemment par le Zimbabwe Exiles Forum (ZEF), une organisation sise à Pretoria, les réfugiés seraient victimes de viols, de vols et d’agressions perpétrés par des gangs locaux, et seraient exploités par la police et les employés du ministère de l’Intérieur.

« Le montant des pots-de-vin va de 300 rands (41 dollars) à 1 500 rands (205 dollars) pour obtenir des papiers d’immigration, qui peuvent s’avérer contrefaits, et pour éviter d’être arrêtés ou expulsés, les immigrés clandestins peuvent également se trouver obligés de verser les mêmes montants à des officiers de police corrompus », selon le rapport du ZEF, réalisé à partir d’entretiens approfondis avec les migrants de Marabastad. Le ministère de l’Intérieur s’est engagé à éradiquer la corruption parmi ses employés.

Pour sa part, le ZEF prie instamment le gouvernement sud-africain de fournir de l’eau potable, de la nourriture, un refuge, des soins de santé et des infrastructures éducatives aux personnes qui font la queue. Quant au ministère de l’Intérieur, il a récemment pris l’engagement de mieux équiper les bureaux de Marabastad et d’y aménager « des toilettes supplémentaires » et des « structures temporaires ».

« Même s’il y a une rivière non loin d’ici, j’ai peur d’y aller pour me laver durant la journée à cause de la police, et la nuit à cause des criminels ; alors, la plupart du temps, je ne me lave pas ».
Malgré les obstacles, William, 34 ans, a expliqué à IRIN qu’il refusait de perdre espoir et qu’il irait jusqu’au bout, même si très peu de permis sont délivrés chaque semaine. « Les gens ne veulent pas sortir de la queue de peur de laisser passer leur chance. De plus, la police nous avertit que si nous nous éloignons de ces endroits, nous nous ferons arrêter pour avoir immigré clandestinement.

« Même s’il y a une rivière non loin d’ici, j’ai peur d’y aller pour me laver durant la journée à cause de la police, et la nuit à cause des criminels ; alors, la plupart du temps, je ne me lave pas. Ici, la situation n’est pas facile, mais la vie chez nous est impossible », a-t-il affirmé.

Le taux de chômage au Zimbabwe ayant atteint 80 pour cent, l’Afrique du Sud voisine, poumon économique du continent, est tout naturellement devenue la destination d’accueil de milliers de personnes en quête de travail. Aziz Pahad, le vice-ministre des Affaires étrangères d’Afrique du Sud, a admis, lors d’une récente conférence de presse, que les migrations en provenance du Zimbabwe étaient devenues un « grave problème ».

L’ampleur du problème

En 2000, le président zimbabwéen Robert Mugabe avait lancé son programme de réforme agraire accéléré, dans le cadre duquel les terres agricoles commerciales des blancs avaient été redistribuées au hasard aux Zimbabwéens sans terre, déstabilisant ainsi l’économie du pays, axée sur l’exportation agricole ; depuis lors, l’afflux de migrants ne cesse d’augmenter d’année en année.

Au cours des six premiers mois de l’année 2007, 117 743 personnes rapatriées d’Afrique du Sud ont fait étape au centre mis en place par l’Organisation internationale des migrations à Beitbridge, à la frontière zimbabwéenne ; soit quelque 40 000 de plus qu’au cours des six derniers mois de 2006.

L’augmentation du nombre des migrants a mené les partis d’opposition sud-africains à multiplier leurs appels en faveur de la création de camps pour loger les réfugiés zimbabwéens en Afrique du Sud.

Cette suggestion a été rejetée par la ministre de l’Intérieur Nosiviwe Mapisa-Nqakula. « L’Afrique du Sud est signataire de nombreuses conventions onusiennes. On ne peut imposer le statut de réfugiés à des personnes qui ne souhaitent pas être réfugiées. C’est cela que nous ferons si nous construisons un camp de réfugiés », a-t-elle déclaré au cours d’un débat télévisé sur cette question, diffusé à l’échelle nationale.

« Ces personnes souhaitent encore retourner dans leur pays. Ce ne sont pas des demandeurs d’asile [...] Les demandeurs d’asile ne franchissent pas clandestinement les frontières ; ils savent où aller pour demander asile. Les personnes qui passent les frontières clandestinement sont des migrants économiques », a-t-elle affirmé.
 
Selon une déclaration du ministère de l’Intérieur, « les demandeurs d’asile se voient accorder un statut de réfugié reconnu s’ils sont en mesure de prouver qu’ils ont été victimes d’intolérance politique, religieuse, ethnique ou liée aux sexes dans un autre pays. Les migrants économiques ne font pas partie des personnes reconnues comme réfugiées selon les conventions onusiennes afférentes desquelles l’Afrique du Sud est signataire ».

Selon les statistiques communiquées à IRIN par les bureaux sud-africains du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), seules 3 100 des 9 000 demandes d’asile reçues par les autorités sud-africaines au cours du premier trimestre de 2007 avaient été déposées par des Zimbabwéens.

D’après Sanda Kimbimbi, représentant régional du HCR, cela indique qu’il n’y a pas d’augmentation extraordinaire du nombre de demandeurs d’asile zimbabwéens en Afrique du Sud. « S’il est vrai que des milliers de Zimbabwéens traversent la frontière sud-africaine chaque jour, il semble qu’une majorité d’entre eux soient seulement des réfugiés économiques, et qu’ils ne soient là que pour faire du commerce, acheter de la marchandise et travailler avant de retourner chez eux ».

« Si la décision revient au gouvernement, la question est : "l’ouverture de camps de réfugiés servirait-elle à quelque chose ?" Ces camps ne sont pas faciles à gérer et posent eux-mêmes des problèmes », a poursuivi M. Kimbimbi. « Alors, compte tenu des statistiques à notre disposition, il n’y a pas lieu, à l’heure actuelle, de construire des camps de réfugiés en Afrique du Sud ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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