Ayant enregistré un afflux sans précédent de demandeurs d’asile entrés illégalement en Israël après avoir franchi la frontière avec l’Egypte, le gouvernement israélien a ordonné en juin la création d’un « camp de réfugiés », où nouveaux arrivants et premiers demandeurs d'asile ont été installés récemment.
Avi Dichter, le ministre israélien de la Sécurité intérieure, a qualifié le complexe « de centre de rétention avant expulsion », en référence à la récente politique d’expulsion vers l’Egypte d’une grande majorité des individus qui traversent la frontière poreuse séparant les deux territoires.
Selon des spécialistes des problèmes des réfugiés, quelque 1 800 Soudanais sont entrés sur le territoire israélien au cours des 18 derniers mois, une vaste majorité d’entre eux étant arrivés au cours des six derniers mois. Plusieurs centaines de ces réfugiés sont originaires du Darfour, une région dévastée par la guerre et des centaines d’autres évadés, la plupart originaires d’Afrique, ont également foulé le sol israélien.
A en croire certains groupes de défense des droits humains, les conditions de vie au camp sont convenables, et des services, notamment médicaux, y sont disponibles pour les populations. Toutefois, les groupes de défense restent préoccupés à l’idée que les nombreuses personnes qui fuient leur pays pour échapper aux tragédies, aux guerres et à la destruction se retrouvent désormais derrière des barreaux.
« Appelons le choses par leur nom. Ces gens sont des prisonniers. Si vous n’êtes pas libres de partir, vous êtes un prisonnier », a résumé Anat Ben Dor, avocate au Service juridique de l’Université de Tel Aviv, qui représente certains des détenus.
De même, d’autres organisations comme la sienne ont exprimé quelques préoccupations quant au fait que les réfugiés n’ont pas accès au téléphone : il leur est ainsi plus difficile de contacter des avocats.
« C’est la première fois qu’Israël garde [de si jeunes] enfants dans des prisons », a ajouté Sigal Rozen, de la Hotline for Migrant Workers [Assistance téléphonique pour les travailleurs saisonniers], une organisation non-gouvernementale (ONG).
La position officielle du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est semblable – le problème ne repose pas sur les conditions de vie au camp mais bien sur le fait que le camp fait office de prison.
Malgré tout, plusieurs observateurs et groupes de défense des droits humains s’inquiètent de la position floue de Miki Bavli, le directeur de la branche locale de l’agence, qui n’a pas fait de déclaration publique concernant le sort de ces réfugiés.
Un « camp » dans une prison
Le « camp » est situé dans la prison de Ktsiyot, dans le désert du Néguev, dans le sud du pays. La prison héberge environ 2 500 Palestiniens accusés d’atteinte à la sécurité, bien que les responsables de la prison ne manquent pas de faire remarquer qu’il n’y a aucun contact entre les deux populations.
Oded Saar, un gardien du Service des prisons israéliennes (SPI), responsable des réfugiés, est opposé à l’emploi de termes liés à la prison.
« [Les Africains] ne sont pas des prisonniers », a-t-il affirmé. « Ils sont là parce qu’ils sont entrés illégalement sur le territoire israélien et que c’est la solution offerte par le gouvernement », a-t-il poursuivi.
Une fois achevé, le camp pourra accueillir environ 1 300 personnes, selon M. Saar.
Les travaux entrepris en vue de la construction d’un nouveau camp, à l’extérieur de la prison, semblent avancer à un rythme accéléré. Néanmoins, en attendant que ces travaux soient achevés, les réfugiés resteront en prison.
Photo: Tamar Dressler/IRIN |
Gardienne israélienne expliquant le règlement du camp de réfugiés aux nouveaux arrivants |
Le camp héberge quelque 450 réfugiés, dont 350 Soudanais et une centaine de femmes et d’enfants.
« Nous avons déposé des requêtes auprès de la Haute Cour, au nom de quatre personnes, pour exiger leur libération immédiate », a déclaré Maître Ben Dor. « Elles sont à Ktsiyot depuis plus de 14 jours et n’ont pas vu de juge », ce à quoi la loi israélienne les autorise, a-t-elle expliqué.
Peur de l’expulsion
L’avocate a fait observer que pour certains des détenus, retourner en Egypte, puis sans aucun doute dans leur pays d’origine, n’était pas possible ; « c’est pourquoi il n’y a pas de raison de les maintenir en détention », puisque ce sont des réfugiés.
L’un de ces cas concerne une femme originaire d’Erythrée, qui a fui son pays d’origine après avoir été enrôlée de force dans l’armée pendant plus de 11 ans. Elle avait demandé à quitter les rangs de l’armée pour pouvoir se marier et fonder une famille, mais toutes ses requêtes avaient été ignorées.
D’autres, et particulièrement les personnes originaires du Darfour, se sont plaints d’avoir été victimes de maltraitances lorsqu’ils étaient en Egypte, et pour eux, il n’est pas du tout envisageable de retourner au Soudan pour le moment.
Les réfugiés maintenus dans l’enceinte du complexe craignent avant tout d’être expulsés.
M., un adolescent de 17 ans originaire d’Erythrée, a même déclaré qu’il « préfèrerait mourir plutôt que retourner là-bas ». Selon certains groupes de défense des droits humains, retourner en Egypte n’est pas envisageable pour lui non plus, car les autorités égyptiennes ont déjà renvoyé des réfugiés en Erythrée, zone de danger.
Photo: Tamar Dressler/IRIN |
Des jeunes réfugiés soudanais et des gardiens israéliens pendant une séance d'art plastique |
Par ailleurs, au moins six Africains qui tentaient de passer la frontière pour fouler le sol israélien ont été tués par des soldats égyptiens. Deux d’entre eux ont été sauvagement assassinés, avait rapporté la chaîne israélienne Channel 10.
Tandis que les politiciens et les diplomates envisagent différentes options, les responsables des prisons font de leur mieux, disent-ils, pour embellir le quotidien des réfugiés.
Des postes de TV, branchés sur des chaînes africaines, sont disponibles, et les enfants peuvent participer à des séances d’art plastique. Ironie du sort, pour des gens qui doivent être expulsés, ils peuvent même prendre des cours d’hébreu.
Néanmoins, alors que l’année scolaire est sur le point de démarrer, les activistes des droits humains se demandent si le SPI trouvera un véritable cadre d’éducation pour ces enfants.
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