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L’urbanisation a des répercussions néfastes - la communauté bédouine

Les bédouins du désert du Néguev, dans le sud d’Israël, ont toujours été réfractaires au gouvernement central, et tentent depuis des centaines d’années de conserver un style de vie reposant sur une autonomie gouvernementale elle-même axée sur leurs traditions tribales.

Toutefois, au cours des 60 années qui ont suivi la création de l’Etat d’Israël, ils ont subi un processus d’urbanisation rapide orchestré par l’Etat, et leur style de vie a considérablement changé – en pire, à en croire certains.

« Les cadres sociaux ont été détruits, dans bien des cas par l’urbanisation », a expliqué Kher al-Baz, un bédouin, travailleur social et expert en planification sociale. « Ce processus a engendré divers phénomènes néfastes, tels que des crimes, du vandalisme, de la toxicomanie et un taux de chômage élevé », a-t-il expliqué.

Historique

Dans le sud, on distingue deux groupes de bédouins. Un premier groupe, composé de quelque 120 000 bédouins (60 pour cent), vit dans sept bidonvilles créés par l’Etat entre 1968 et les années 1980. Le deuxième groupe, qui compte 80 000 personnes, vit dans 45 villages non reconnus par l’Etat, éparpillés dans la région nord du désert du Néguev.

Ces « villages illégaux », selon Israël, se trouvent sur des « terres appartenant à l’Etat » ; toutefois, opposent les bédouins, la plupart de ces villages existent depuis plusieurs siècles, et certains ont même été créés par l’Etat naissant dans les années 1950.

Israël dit vouloir urbaniser les bédouins, ou tout au moins les concentrer et les « stabiliser ». Tel Sheva, le premier bidonville bédouin, a été construit en 1968, deux ans après la levée de la loi martiale imposée aux Arabes d’Israël.

« Ce processus involontaire et contre-nature n’a pas été planifié par les bédouins », a affirmé M. Al-Baz, un résident de Tel Sheva. Celui-ci a cité l’exemple des logements, expliquant que l’Etat avait ignoré les demandes expresses des bédouins de faire construire des unités de logement familial.

« Les premières maisons construites à Tel Sheva étaient bien trop petites pour les familles bédouines, généralement composées d’environ 14 personnes. Elles sont restées inhabitées pendant 15 ans. Lorsque [l’Etat] a ajouté quelque 200 mètres carrés aux maisons, les populations ont emménagé », a-t-il expliqué.

Les habitants des villages non reconnus n’ont pas le droit de se voir délivrer de permis de logement, ni d’obtenir certains services, comme l’eau ou l’électricité. L’Etat déclare pouvoir résoudre ces problèmes par la concentration démographique. En attendant, le gouvernement continue de détruire les maisons des bédouins.


Photo: Shabtai Gold/IRIN
"La police vient rarement. Il n’y a pas de patrouilles. Lorsqu’ils détruisent les maisons, ils disent qu’ils ne font qu’appliquer la loi, mais ils ne font rien pour lutter contre la criminalité au sein des bidonvilles".
Comme bien d’autres, Hussein al-Rafay’a, président du Conseil régional des villages non reconnus, une organisation non gouvernementale (ONG), estime qu’outre l’attachement des bédouins à ces terres qu’ils ont de tout temps occupées, la situation dans les bidonvilles explique en grande partie leur réticence à s’y installer.

Le taux de criminalité figure parmi les plus élevés du pays et un nombre bien trop élevé d’habitants sont derrière les barreaux, a-t-il affirmé.

« En outre, la police vient rarement. Il n’y a pas de patrouilles. Lorsqu’ils détruisent les maisons, ils disent qu’ils ne font qu’appliquer la loi, mais ils ne font rien pour lutter contre la criminalité au sein des bidonvilles ».

Selon un porte-parole de la police israélienne, cette dernière travaille chez les bédouins comme elle le fait dans tout autre secteur d’Israël. La police dirige plusieurs programmes dans les bidonvilles, y compris au sein des groupes communautaires, a-t-il expliqué.

Chômage

Le problème du chômage est directement lié à la façon dont l’Etat a construit les bidonvilles, selon plusieurs observateurs et résidents ; en effet, ceux-ci comptent peu de zones industrielles ou commerciales, sinon aucune.

« J’ai une zone industrielle sans électricité et sans lignes téléphoniques », a raconté Said al-Khroumi, le président du conseil de Seguev Shalom, un des bidonvilles.


Photo: Shabtai Gold/IRIN
Des caravanes servent de salles de classe, les écoles construites par l’Etat sont trop petites
Selon une porte-parole de l’Administration des terres israéliennes (ATI), l’Etat est en train de construire des zones industrielles et commerciales. Toutefois, à en croire Erez Tzfadia, du Collège académique de Sapir, cela fait « 40 ans » qu’Israël construit ces zones.

M. Tzfadia a également expliqué que les bédouins avaient perdu leurs revenus agricoles en s’installant en ville.

« Les bidonvilles ne sont pas une réussite », a conclu M. Al-Khroumi, accusant l’Etat de n’avoir pas investi dans l’éducation et les infrastructures.

En ce qui concerne l’éducation, a-t-il dit, la preuve de ses dires se trouvait juste à l’extérieur de son bureau, où des caravanes servent de salles de classe, les écoles construites par l’Etat étant devenues trop petites du fait de la croissance démographique naturelle. La surpopulation, déjà épidémique, a des conséquences sur les études et l’avenir professionnel des habitants.

« Choisissez n’importe quel jeune couple ici. Au moins l’un des deux est sûrement au chômage », a-t-il affirmé.

Les femmes : les plus touchées

Le manque d’emplois en ville touche particulièrement les femmes ; en effet, en raison de contraintes sociales et autres, telles que l’absence de transports en commun, elles ne peuvent pas se rendre hors des bidonvilles pour chercher du travail.

Quelque 87 pour cent des femmes bédouines du Néguev sont sans emploi, selon les groupes de défense des droits humains, et la plupart n’achèvent pas leur cursus scolaire.

« L’Etat ne fait pas appliquer les lois sur l’éducation pour s’assurer que les filles restent à l’école », a expliqué Amal As-Sana, de l’AJEEC, une ONG qui œuvre pour la justice sociale. « De la même façon qu’il ne sévit pas contre la polygamie », a-t-elle ajouté.

Mme As-Sana a également expliqué que le processus d’urbanisation touchait particulièrement les femmes, puisqu’elles avaient perdu leurs responsabilités et leur liberté de mouvement acquises de longue date sur les terres tribales.

« [Auparavant, la femme] était responsable de l’eau, de la tente. Elle avait un rôle social et politique. L’urbanisation l’en a privée. Avant, ma mère avait de l’espace, aujourd’hui elle est enfermée entre quatre murs », a-t-elle dit.

Selon elle, des conflits interfamiliaux se créent dans bien des cas, en raison des conflits de génération engendrés.

Les projets du gouvernement

Le 15 juillet, le cabinet israélien a créé l’Autorité d’implantation des communautés bédouines au Néguev pour traiter les revendications territoriales et améliorer les conditions de vie des bédouins, du moins dans les bidonvilles.

Le gouvernement a promis d’œuvrer en faveur de l’insertion professionnelle des habitants et de la coordination des services sociaux et éducatifs, et déclaré qu’il améliorerait les bâtiments et les infrastructures.

« Certes, il y a du travail à faire, toutefois des progrès [sont accomplis] et le gouvernement continuera de prendre les mesures nécessaires pour rectifier la situation », a affirmé un responsable du bureau du Premier ministre dans un communiqué à l’attention d’IRIN.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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