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Le dollar zimbabwéen, une espèce en danger

Pour faire face à l’explosion de l’inflation et à l’effondrement de l’économie du pays, les Zimbabwéens ont abandonné le dollar local pour le troc, les paiements en nature et l’utilisation de devises étrangères comme le rand sud-africain.

Au cours officiel, un dollar américain vaut 250 dollars zimbabwéens. Au marché noir, la semaine dernière, il fallait 100 000 dollars zimbabwéens pour un dollar américain, mais le 25 juin, la monnaie locale s’est effondrée, et s’échangeait à 400 000 contre un dollar américain.

En janvier 2007, un dollar américain valait 3 000 dollars zimbabwéens.

Officiellement, le taux d’inflation du pays – le plus élevé au monde – est supérieur à 3 700 pour cent, mais de l’avis de certains économistes indépendants, le taux réel s’établit autour de 20 000 pour cent et pourrait atteindre 1,5 million de pour cent d’ici fin 2007.

Sacs à main ou portefeuilles ne servent plus à grand-chose aujourd’hui. Les Zimbabwéens utilisent désormais des cabas, des valises, des sacs ou tout autre conteneur pour garder leur argent.

Les guichets automatiques de banque disparaissent derrière les énormes piles de billets d’une monnaie qui se déprécie chaque jour un peu plus, en raison des retraits massifs effectués par les clients qui tentent de combattre l’inflation galopante qui a ruiné ce pays d’Afrique australe, autrefois fois puissance économique de la région.

Dans les halls de banque le bruit permanent des machines à compter les billets étouffe les conversations des clients. L’importation de ces machines est actuellement l’un des rares secteurs d’activités florissant, mais ce mini-boom pourrait lui aussi prendre fin car les Zimbabwéens sont de plus en plus obligés de recourir au troc, au paiement en nature et aux devises étrangères.

Le troc

« Nous achetons des germes de soja et cédons un baril d’essence contre une tonne de soja », indiquait une récente publicité sur une page du Herald, un quotidien gouvernemental ; le troc est devenu courant depuis que la population, les négociants et les marchés tentent de trouver une autre méthode pour déterminer des valeurs de référence.

Thomsen Siziba, un fermier nouvellement installé dans la région agricole de Chegutu, dans la province de Mashonaland West, a confié à IRIN que les ouvriers agricoles ne souhaitaient plus être payés en espèces, mais en nature.

« Le salaire mensuel officiel d’un ouvrier agricole est d’environ 70 000 dollars zimbabwéens [0,17 dollar américain au cours actuel du marché parallèle où un dollar vaut 400 000 dollars zimbabwéen] -, une somme qui, en principe, est insuffisante pour acheter deux litres d’huile, vendus 350 000 dollars zimbabwéens [0,87 dollar américain] – ou un savonnette, vendue 270 000 dollars zimbabwéens [0,67 dollar américain], ou une bouteille de bière, qui coûte 75 000 dollars zimbabwéens [0,18 dollar américain] », a-t-il indiqué.

Selon, M. Siziba, il n’est un mystère pour personne que l’économie est en chute lire et « bon nombre d’ouvriers agricoles disent qu’ils ne veulent plus signer de contrats à long terme qui les lieraient à moi ; ils préfèrent travailler pour de la nourriture et des vêtements plutôt que pour de l’argent qui, selon eux, n’a plus aucune valeur ».

Selon un rapport conjoint publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FA0) et le Programme alimentaire mondial (PAM), près d’un tiers de la population zimbabwéenne aura besoin d’une aide alimentaire d’ici le début de l’année prochaine.

Se débarrasser du dollar zimbabwéen

Onward Chabvepi, vendeur de légumes à Harare, la capitale, a confié à IRIN qu’il ne faisait plus confiance au gouvernement du ZANU-PF, le parti au pouvoir du président Robert Mugabe, et en la monnaie locale.

« Le prix de la quasi-totalité des denrées augmente chaque jour. Je ne suis pas un économiste chevronné, mais ce que je sais c’est que notre monnaie ne vaut plus rien actuellement et qu’il est plus sûr de convertir une bonne partie de mon salaire en rand sud-africain, dollar américain ou en pula botswanais, car ces devises sont plus stables », a-t-il dit.

A Belvedere, un quartier résidentiel de Harare, le locataire d’un logement a raconté à IRIN que le propriétaire de sa maison l’avait informé qu’à partir du mois de juillet le loyer ne serait plus réglé en dollars zimbabwéen, mais en essence, qui se vent actuellement à 220 000 dollars zimbabwéens le litre. Son loyer mensuel lui coûtera désormais 80 litres d’essence, soit 17,6 millions de dollars zimbabwéen (44 dollars américains).

Selon certains analystes, l’utilisation de plus en plus systématique du rand sud africain dans les transactions commerciales quotidiennes marque un tournant dans le déclin économique du Zimbabwe.

« Il est clair désormais que la population ne fait plus confiance au dollar zimbabwéen », a déclaré Tony Hawkins, professeur à l’Institut supérieur de gestion de l’université du Zimbabwe.

Selon lui, le cycle hyperinflationniste entretenu par la politique d’émission de billets du gouvernement a accru la masse de billets en circulation et les consommateurs ont préféré conserver leur argent en devises étrangères plus sûres.

« La principale cause de l’inflation est la politique d’émission de billets mise en œuvre par le gouvernement et la Banque centrale qui ne publient plus le nombre total de billets de banque mis en circulation », a expliqué M. Hawkins.

D’après lui, bien que certaines personnes se livrent au troc, il y a très peu de chances pour que cette forme de commerce se développe.

« Logiquement, ce genre de transaction peut exister, mais de manière plus générale les commerçants préfèrent vendre leurs produits et se faire payer dans des devises étrangères qui sont plus sûres car leur cours ne risque pas de baisser », a-t-il estimé.

L’après Mugabe

Depuis 2000, plus d’un quart de la population – plus de trois millions de Zimbabwéens – aurait migré vers les pays voisins à la recherche d’un emploi, ou plus loin, vers l’Angleterre et les Etats-Unis. Seul un Zimbabwéen sur cinq a un emploi.

« En tant que gouvernement, nous sommes préoccupés par les augmentations de prix quotidiennes et nous avons mis en place une commission qui, en collaboration avec les ministères en charge de la sécurité, tentera de mettre fin à ces augmentations », a dit à IRIN Obert Mpofu, le ministre zimbabwéen de l’Industrie et du commerce international.

En outre, a-t-il ajouté, « une enquête sera menée pour rechercher les causes de la pénurie des denrées de base qui ne sont disponibles que sur le marché noir ». Les achats transfrontaliers ont également augmenté.

Pour bon nombre de commentateurs, le déclin de l’économie du Zimbabwe pourrait laisser augurer d’une fin proche des 27 années du régime de Robert Mugabe, et les négociations qui se sont déroulées la semaine dernière en Afrique du Sud entre le Mouvement pour le changement démocratique, le principal parti d’opposition, et des représentants du parti au pouvoir, le ZANU-PF, pourraient être considérées comme le signe avant-coureur de cette conjecture.

Des pays donateurs tels que la Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale jusqu’en 1980, s’emploieraient actuellement à dresser une liste des besoins du Zimbabwe après le règne de M. Mugabe, bien que rien ne laisse penser que M. Mugabe envisage de se retirer. Bien au contraire, ce dernier avait publiquement affirmé ses intentions de se présenter aux prochaines élections présidentielles prévues l’année prochaine.

Selon certains rapports, un programme de stabilisation d’un montant de trois milliards de dollars sera nécessaire pour financer l’aide alimentaire, la réforme agraire et le secteur de la santé.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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