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Les populations mécontentes du Sud-Soudan attendent encore les dividendes de la paix

Anthony Bol Madut, le gouverneur de l’Etat de Warrap, au Sud-Soudan, n’a pas pu dissimuler sa frustration lors de sa rencontre avec les représentants des bailleurs de fonds européens, en visite dans cette région isolée et frappée par la pauvreté.

« Les gens meurent du choléra à Gogrial et nous n’avons même pas de routes pour pouvoir leur apporter des médicaments », a déploré M. Madut, mettant l’accent sur ce qu’il considère comme l’abandon du Sud-Soudan depuis l’Accord de paix global (APG) de 2005. Cet accord a officiellement mis fin à la guerre civile qui opposait le gouvernement soudanais, basé dans le nord du pays, aux anciens rebelles sudistes de l’Armée/Mouvement populaire de libération du Soudan.

Les bailleurs de fonds et le gouvernement soudanais avaient promis de mettre à disposition des ressources considérables pour reconstruire le sud, mais le mécontentement gagne la région, alors que les populations attendent toujours de recueillir les dividendes de la paix qui tardent à se matérialiser.

Pour ne rien arranger, des milliers d’anciens réfugiés et déplacés internes affluent en masse vers le sud pour retrouver leurs communautés d’origine, ravagées par la pauvreté et en manque de services sociaux élémentaires.

« Il pourrait s’agir d’un des plus importants mouvements de rapatriement / retour qu’a connus l’Afrique ces dernières années, estime Dennis McNamara, conseiller spécial chargé des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, au Bureau du coordinateur des secours d’urgence des Nations unies. Des centaines de milliers de personnes sont retournées chez elles spontanément ou, pour certaines, avec l’aide d’organismes comme les Nations unies, l’OIM [Organisation internationale pour les migrations] ou d’autres ONG ».

Manque d’infrastructures

Martin Riech a quitté le comté de l’Etat du Bahr el-Ghazal où sa famille avait trouvé refuge dans les années 1990, pendant la guerre, et est retourné dans son village de Tarkwen, situé dans le même Etat, dans l’ouest du pays. A 14 ans, le jeune garçon éprouve une telle frustration qu’il ne voit pas l’intérêt d’aller à l’école régulièrement.

« L’école, c’est juste une cabane divisée en deux pièces, a-t-il expliqué. Il n’y a qu’un seul professeur et je dois marcher pendant deux heures pour y arriver ». Au comté de Manyang, d’où revient sa famille, ses deux sœurs et lui fréquentaient une école digne de ce nom, dit-il.

« Il y a un véritable boycott », a ajouté M. McNamara. « Ce qui nous préoccupe énormément, c’est le fait que des centaines de milliers de personnes s’en retournent chez elles, dans la plupart des cas dans des régions du Sud-Soudan qui sont confrontées à de graves problèmes et où il n’existe aucun service d’assistance aux populations déjà sur place ».
« Bien souvent, les points d’eau, la scolarisation et le soutien médical ne sont pas suffisants. Aucun plan n’est véritablement mis en place pour veiller au développement économique de cette région et permettre aux populations de trouver des moyens de subsistance ».

Tong Mayien, 48 ans, sa femme Achan et leurs deux bambins avaient l’air perplexe en descendant d’un des camions loués par l’OIM pour les conduire du camp de déplacés internes de Marial Ajit, situé dans la ville de Wau, jusqu’à Kuajok, où on les a laissé retrouver le chemin de leur village.

« Nous n’avons pas encore construit de maison, mais ma sœur, qui est rentrée plus tôt, a promis de nous héberger, a expliqué M. Mayien à IRIN, alors qu’il se trouvait à Kuajok. Nous avons des terres et on nous a promis des outils agricoles. Si je ne reçois pas ces outils, j’irai en ville pour trouver du travail et gagner de l’argent pour m’en acheter ».

« Investir dans le suivi de la paix »

« Nous solliciterons particulièrement les bailleurs et les agences de l’ONU pour lancer le plus rapidement possible des activités de reconstruction – mettre en place des services post-humanitaires et de pré-développement essentiels, au profit des populations, très pauvres, de cette région du pays qui a du potentiel », a déclaré M. McNamara.

« Il y a de l’eau [des eaux fluviales], la terre est fertile, et de nombreuses régions ne sont pas surpeuplées », a-t-il ajouté.

« Le gouverneur a déclaré : "Vous avez investi énormément dans la paix, mais peu dans le suivi de la paix" ».

Appelant à un soutien plus important en faveur du gouvernement sud-soudanais, qui lutte pour la réinsertion des anciens réfugiés et personnes déplacées par la guerre, Nicholas Thorne, représentant permanent du Royaume-Uni aux Nations unies, à Genève, a déclaré que la communauté internationale faisait une « fixation » sur la crise du Darfour, dans l’ouest du Soudan, et se préoccupait peu du Sud-Soudan.

Au cours de sa mission au Sud-Soudan, M. Thorne était accompagné de Borsiin Bonnier, l’ambassadeur de la Suède aux Nations unies, à Genève, et de Claudia Rizzo, conseillère à l’Agence suisse pour le développement et la coopération.

Le gouvernement n’a également pas été épargné par la critique, pour son incapacité perçue à mobiliser davantage de ressources pour la mise en place d’infrastructures sociales, et notamment d’écoles, de routes, de centres de santé et d’approvisionnements en eau.

L’argent du pétrole

« Lorsque vous allez à Juba, dites à notre gouvernement que vous êtes allé à Warrap et que Warrap manque de tout », a demandé M. Madut.

La responsabilité de cette situation est incombe principalement au gouvernement d’union nationale de Khartoum, pour sa réticence perçue à dévoiler pleinement les recettes générées par les exportations de pétrole. L’APG prévoit en effet le partage des revenus pétroliers entre le nord et le sud.

« Nous ne connaissons pas exactement notre production pétrolière. Nous ne savons pas quel profit ils en tirent », a déclaré Mark Nyapuoch Ubong, gouverneur de l’Etat du Bahr el-Ghazal, dans l’ouest du pays.

Celui-ci a également critiqué le Fonds fiduciaire multi-bailleurs de la Banque mondiale, créé en vue de la reconstruction du Sud-Soudan après la guerre, pour n’avoir pas versé les fonds rapidement.

« Si nous n’investissons pas dans la mise en place d’un soutien de base [aux populations du Sud-Soudan], nous courons le risque de déclencher un nouveau cycle d’urgence humanitaire ; et cela coûtera encore plus cher – à la fois en termes de souffrances humaines et financièrement, a averti M. McNamara. Le Sud-Soudan, c’est l’histoire d’une réussite à retardement ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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