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Nouvelle réglementation aux frontières : une « condamnation à mort » pour les Irakiens

Les populations irakiennes fuyant les violences sectaires dans leur pays ont désormais plus de difficultés à entrer en territoire jordanien et syrien, après la décision des autorités de ces pays de renforcer les procédures de contrôle aux frontières.

La Jordanie et la Syrie sont les seuls Etats voisins de l’Iraq à avoir ouvert leurs portes aux centaines de milliers de déplacés irakiens. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), il y aurait près de 700 000 réfugiés irakiens en Jordanie et 500 000 à un million en Syrie.

Les autres pays limitrophes de l’Irak - Arabie Saoudite, Koweït, Turquie et Iran - n’ont laissé entrer que très peu d’Irakiens sur leur territoire.

Désormais, avec les nouvelles conditions d’admission appliquées en Jordanie et en Syrie, des dizaines de milliers de réfugiés se retrouvent bloqués aux frontières et des familles sont divisées en fonction de l’âge de leurs membres et du type de passeport que possèdent ces derniers.

« L’on a dit à mes frères que leurs passeports étaient faux et ils ont été renvoyés à Bagdad. Je me demande ce qu’il adviendra d’eux. Il n’y a plus de sécurité là-bas, car des groupes chiites peuvent attaquer à tout moment », a déclaré Mohammad Qadiri, un habitant d’Al Adhamya, un quartier sensible de Bagdad, peuplé majoritairement de Sunnites. Il est arrivé mercredi à Amman avec sa femme et ses deux fils, après un pénible voyage sur une route dangereuse et désertique.

Seuls les réfugiés irakiens âgés de plus de 40 ans ou de moins de 20 ans sont admis sur le territoire jordanien. En outre, ils doivent prouver qu’ils disposent d’assez d’argent pour se prendre en charge et doivent détenir un nouveau passeport de la série « G ».

Il n’existe pas de chiffres officiels concernant le nombre d’Irakiens refoulés à la frontière jordanienne. Mais selon un responsable du ministère jordanien de l’Intérieur qui a requis l’anonymat, plus de la moitié des personnes qui voulaient entrer en Jordanie ont été refoulées.

Les responsables du poste frontière de Karamah, situé à 250 km à l’est d’Amman et à partir duquel Qadiri est entré Jordanie, ont affirmé qu’ils ont refusé les passeports de ses frères, car leurs passeports appartiennent à l’ancienne série « S ».

Ces passeports avaient été délivrés par les autorités irakiennes après la chute du régime de l’ex-président Saddam Hussein, en 2003. Ils ont ensuite été retirés de la circulation parce qu’ils étaient facilement falsifiables.

Désormais, les Irakiens désirant quitter le pays, ou se rendre à l’étranger à partir de la Jordanie, doivent être titulaires de passeports de la série « G ». Ces documents ont été fabriqués en Allemagne et sont beaucoup moins faciles à falsifier, car comportant une empreinte rétinienne, les empreintes digitales et la signature du détenteur.

Mais il est très difficile d’entrer en possession de ce type de passeport, selon plusieurs témoignages, car le ministère iraquien de l’Intérieur serait contrôlé par la milice chiite.

Argent contre passeport

«Ceux qui arrivent indemnes au ministère doivent tout d’abord verser une importante somme d’argent pour que leurs documents soient signés », a déclaré Qadiri, qui a payé 2 000 dollars de pots-de-vin pour obtenir son passeport. « Ceux qui suivent la procédure normale doivent suivre de longues files d’attente, s’exposer aux attaques suicides et patienter des mois durant, avant de recevoir leurs passeports ».

Les nouvelles restrictions de la Jordanie affectent également les réfugiés irakiens résidant dans ce royaume. Le ministère jordanien de l’Intérieur a déclaré qu’il ne renouvellerait plus les cartes de séjour des titulaires de passeports de la série « S ». Ces nouvelles mesures seront appliquées à partir de la semaine prochaine.

Selon un responsable jordanien, ces mesures ont été prises dans le cadre d’une politique sécuritaire pour empêcher l’infiltration de terroristes dans le royaume.

« Il ne faut pas oublier que les kamikazes qui se sont fait exploser dans des hôtels jordaniens, en 2005, détenaient de faux passeports », a précisé ce responsable. « A présent, nous sommes très vigilants quand il s’agit de l’admission des étrangers dans notre pays, car nous ne voulons pas d’une autre tragédie ».

Le 9 novembre 2005, au moins 60 personnes ont été tuées et près de 100 autres blessées, lorsque trois Irakiens se sont fait exploser avec leurs charges dans trois hôtels d’Amman.

Outre leurs problèmes de sécurité nationale, les responsables jordaniens ont fait savoir qu’ils ne pouvaient plus gérer le flux de réfugiés sans une aide internationale. Le mois dernier, le gouvernement jordanien a annoncé qu’il réaliserait une enquête nationale afin de déterminer le nombre d’Irakiens présents sur son territoire et leur impact sur la fragile économie du pays.

Les Irakiens vivant en Jordanie sont désormais confrontés à un avenir incertain en raison des difficultés qu’ils ont à obtenir de nouveaux passeports. Un responsable de l’ambassade irakienne à Amman a confié jeudi au correspondant d’IRIN que le gouvernement irakien envisageait de fournir à l’ambassade 10 passeports de série « G » par semaine. Mais pour l’ambassade, il est presque impossible de répondre à la demande de plus de 700 000 Irakiens détenteurs, pour la plupart, d’anciens passeports.

« Nous avons essayé de convaincre les autorités jordaniennes de repousser la date d’entrée en vigueur de la nouvelle législation, jusqu’à ce que nous puissions renouveler tous les passeports des Irakiens, mais elles ont refusé », a indiqué le responsable de l’ambassade irakienne.

En conséquence, beaucoup d’Irakiens seront obligés de retourner dans leur pays pour se procurer les nouveaux passeports, puis de tenter à nouveau de franchir la frontière jordanienne.

Selon Cathy Breen, une militante des droits de l’homme qui a participé à de nombreux de programmes d’aide à la communauté irakienne présente à Amman, le fait de renvoyer les Irakiens à Bagdad pour qu’ils se procurent de nouveaux passeports est assimilable à une condamnation à mort. En effet, ceux qui y retournent n’ont aucune garantie qu’ils seront réadmis en territoire jordanien, a-t-elle souligné.



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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