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Les Arabes quittent la ville avant la tenue du référendum

Sheikh Muhssin al-Zaidi, 45 ans, est bien triste de devoir quitter Kirkuk, une ville du nord de l’Irak où il vit depuis le début des années 80. Certes, il désapprouve la politique d’arabisation menée par l’ancien régime du Président Saddam Hussein qui a permis à des dizaines de milliers d’Arabes de s’installer dans cette ville, même s’il doit se plier à la décision du gouvernement actuel de faire partir les Arabes de cette localité.

« Quitter la ville où nous avons élevé nos enfants et à laquelle nous sommes tant attachés, n’est pas une décision facile à prendre. Mais puisqu’il s’agit d’une erreur commise par le régime de l’ex-Président Saddam et que nous en sommes les victimes, nous devons partir et retourner chez nous », a déclaré al-Zaidi, un Arabe chiite qui avait suivi la campagne lancée par Saddam Hussein pour peupler d’Arabes la ville de Kirkuk afin de la débarrasser de ses habitants Kurdes que le gouvernement baathiste considérait comme une menace.

Il y a 20 ans, al-Zaidi s’était vu offrir plusieurs milliers de dollars américains et un appartement gratuit à Kirkuk pour quitter sa maison de Bagdad, la capitale irakienne, située plus au sud, à 290 kilomètres. Désormais, sa famille fait partie des quelque 6 850 familles arabes qui ont récemment décidé de se conformer à la décision prise début février par un Comité gouvernemental de faire partir plusieurs dizaines de milliers d’Arabes chiites.

L’Iraqi Higher Committee for the Normalisation of Kirkuk - Haut comité irakien pour la normalisation de Kirkuk - a décidé d’octroyer, à titre de dédommagement, 20 millions de dinars irakiens (environ 15 000 dollars américains) à tous ceux qui se sont installés à Kirkuk pendant la campagne d’arabisation, mais qui se voient aujourd’hui contraints de quitter la ville. Le comité envisage également de leur attribuer des terrains dans leurs villes natales. Toutefois, cette décision du comité n’a pas encore été entérinée par le gouvernement irakien.

Des compensations financières pour les Arabes

« Tous les Arabes des autres régions de l’Irak qui se sont installés dans cette ville après le 14 juillet 1968 et jusqu’au 9 avril 2003 devront retourner dans leurs villes d’origine et recevront une compensation financière », a indiqué Sadiq Kaka Rash, membre du comité gouvernementale.

Saddam Hussein et le parti Baathiste ont pris le pouvoir en Irak à la faveur du coup d’Etat militaire de 1968, avant d’en être chassés le 9 avril 2003 après l’invasion du pays par une coalition militaire dirigée par les Etats-Unis.

« Ils [les Arabes] doivent quitter la ville et s’installer ailleurs le plus tôt possible puisqu’ils ne peuvent pas prendre part au référendum qui sera organisé cette année », a ajouté M. Rash.

La nouvelle constitution irakienne, qui a été approuvée par référendum national le 15 octobre 2005, stipule qu’un référendum distinct sera organisé sur le futur statut de Kirkuk, avant la fin de l’année. Les Kurdes, qui revendiquent le caractère kurde de Kirkuk, veulent intégrer la ville et ses champs pétrolifères à leur région autonome, une démarche vivement contestée par les Turcomanes et les Arabes.
Au début des années 1980 et pendant la décennie 1990, des dizaines de milliers de Kurdes et non Arabes ont fui la ville de Kirkuk lors la politique d’arabisation du gouvernement de Saddam Hussein, et ont été remplacés par des Arabes chiites pro-gouvernementaux, originaires pour la plupart des contrées pauvres du Sud de l’Irak.

Après la chute de Saddam Hussein, Kirkuk était devenue une poudrière. De nombreux Kurdes et non Arabes ont afflué vers la ville, espérant retrouver leurs maisons, mais celles-ci étaient soit vendues, soit occupées par des Arabes.

Déplacés dans leurs propres villes natales, puisqu’ils se retrouvaient désormais sans domicile, les Kurdes rapatriés vivaient dans des parcs et des bâtiments administratifs abandonnés. Dans le même temps, beaucoup d’Arabes ont été contraints de quitter la ville, en dépit des appels des chefs religieux sunnites et chiites les invitant à rester.

Menace de violence

« Nous ne voulons pas exposer nos enfants et nos femmes à la violence », a indiqué Qader Haqi Tawfiq, 50 ans, qui, comme al-Zaidi, est un Arabe qui a décidé de partir de Kirkuk avec sa famille. « J’espère que nos frères kurdes ne nous en voudront pas et qu’ils comprennent que nous vivions à l’époque sous un régime de terreur lorsque ces privilèges ont été accordés aux Arabes », a ajouté M. Tawfiq.

Mais d’autres Arabes ne semblent pas accepter cette décision et continuent de revendiquer le droit à vivre à Kirkuk.

« J’habite Kirkuk et ils [les Kurdes] devront me tuer pour me prendre ma maison », a menacé Jaber Farhan Mohammed, 43 ans, un Arabe chiite, propriétaire d’un supermarché, installé à Kirkuk en 1983. « Nous nous battrons jusqu’à la dernière goutte de sang. Il y a encore des terrains disponibles [autour de Kirkuk] et le gouvernement peut les octroyer aux Kurdes s’il veut les aider », a-t-il renchéri.
La ville pétrolière de Kirkuk a, pendant longtemps, était considérée comme un microcosme irakien en raison de la diversité de ses groupes ethniques et religieux. Turcomanes, Kurdes, Assyriens, Chaldéens et Arabes y vivaient ensemble, en paix, dans ce qui était un creuset de toutes les communautés qui composent la société irakienne.

Mais cette harmonie sociale a disparu. Au cours des trois dernières semaines, Kirkuk a été le théâtre de plusieurs attentats, dont six attentats à la voiture piégée enregistrés au cours d’une même journée. Certains de ces attentats ont eu lieu dans les secteurs kurdes et d’autres dans les secteurs arabes. Près de 50 civils ont été tués et plus de 100 autres blessés.

Il n’existe pas de statistiques précises sur la présence des Arabes à Kirkuk, mais le dernier recensement ethnique effectué en Irak en 1957 indiquait que la ville comptait 178 000 Kurdes, 48 000 Turcomanes, 43 000 Arabes et 10 000 Chrétiens assyro-chaldéens.



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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