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Les anciens combattants face à la réalité du VIH

A travers la fenêtre d’un centre médical, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), d’anciens soldats ayant combattu pendant la guerre civile regardent un documentaire sur les infections sexuellement transmissibles diffusé sur un écran de télévision.

Ces hommes et femmes, qui ont pris part à l’un des pires conflits en Afrique, viennent de déposer les armes et vont désormais tenter de comprendre les dangers du VIH/SIDA.

Tout porte à croire que les 10 années de combats qui ont opposé les rebelles étrangers à la milice congolaise et à l’armée nationale ont contribué à la propagation du virus dans l’est de la RDC, tout en saccageant les services de santé.

«Je me suis mal comporté. Nous avons pris des femmes, nous les avons violées car nous avions des armes. Nous étions les maîtres de terrain. C’est nous qui faisions la loi. J’ai couché avec tellement de femmes différentes que je ne pourrais vous donner un nombre», a confié Bahati, un jeune Congolais de 26 ans, qui vient d’intégrer le centre de réinsertion de Kabare dans la province du Sud Kivu, un centre géré par la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion (CONADER).

Il y a encore quelques jours, Bahati appartenait au Rassemblement congolais pour la démocratie, connu sous le nom RCD-Goma, l’un des nombreux groupes armés qui intègrent aujourd’hui les rangs de l’armée nationale unie.

Le centre de réinsertion de Kabare est situé sur les collines, à 25 kilomètres à l’ouest de Bukavu, la capitale du Sud Kivu. En juillet dernier, ce centre accueillait jusqu’à 1 000 anciens combattants par semaine.

Sur l’ensemble du territoire congolais, quelque 180 000 anciens soldats devraient participer à un programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion et être sensibilisés au VIH/SIDA.

La plupart des soldats sont âgés entre 18 et 24 ans et sont particulièrement exposés au VIH, en raison de leur culture de l’agressivité et de la prise de risques, mais aussi à cause du manque de maturité dont ils font preuve.

«Ils ont appartenu à des groupes armés qui étaient constamment en déplacement, qui ne connaissaient aucune discipline sexuelle, qui perpétraient des viols et autres actes de violence sexuelle», a souligné Brigitte Bampile, responsable du centre de conseil et de dépistage volontaire de Kabare. «Même si l’on ne peut parler de violence sexuelle, nous savons qu’ils ont eu des rapports sexuels avec de nombreuses femmes.»

Des violences que Julian, un ancien combattant âgé de 39 ans, a reconnu avoir utilisées. «Je ne connaissais rien du VIH/SIDA lorsque je combattais. Nous avions laissé nos femmes chez nous et nous avions besoin de satisfaire nos besoins avec n’importe qui, n’importe quand et n’importe où », a-t-il dit.

Pour Christine Schuler-Deschryver de la Coopération technique allemande (GTZ), «ces viols n’ont rien à voir avec des besoins sexuels. Les gens ne se rendent pas compte que les rebelles utilisent le viol comme une arme de destruction.»

A Kabare, les programmes de lutte contre le VIH/SIDA se limitent à des séances de sensibilisation et d’information sur les modes de transmission du virus. Les anciens combattants apprennent également les raisons pour lesquelles ils sont particulièrement exposés au virus.

Un centre de conseil et de dépistage a ouvert ses portes il y a quelques mois, grâce au soutien de l’Association pour le développement social et la protection de l’environnement.

«Notre objectif numéro un est de connaître leur statut sérologique, de sorte à déterminer le nombre de personnes séropositives qui repartent vivre au sein des communautés», a expliqué Brigitte Bampile. «Ensuite, notre objectif numéro deux est de modifier leur comportement sexuel, mais cela prend du temps, ce but ne peut être atteint en seulement cinq jours. Cependant, ce que nous tentons de faire c’est d’encourager les anciens combattants séropositifs à adopter un comportement plus responsable.»

Un test obligatoire ?

Les hommes ne sont pas les seuls à devoir subir un test de dépistage du VIH. Par exemple, Hélène, une jeune Congolaise de 26 ans, a couché avec plusieurs hommes lorsqu’elle combattait auprès du RCD-Goma, avant de tomber enceinte - elle ne connaît pas l’identité du père de son enfant.

«Nous n’avions aucun moyen de survie, donc je vendais mon corps et en échange les hommes me donnaient de l’argent avec lequel j’achetais de la nourriture et du savon. Nous n’avions pas de préservatifs, mais de toute façon, je ne savais rien du VIH/SIDA, je n’avais pas de quoi m’inquiéter», s’est-elle souvenue. «J’ai déjà subi un test, mais je ne suis jamais allée chercher les résultats parce que je suis sûre qu’ils sont positifs. Aujourd’hui, j’hésite à me faire de nouveau dépister.»

Rares sont ceux qui subissent un test de dépistage, a regretté Gilbert Kjabeka, coordinateur de la CONADER au Sud Kivu.

«C’est à cause du manque de discrétion. Ils [les anciens combattants] vivent dans des dortoirs où il y a peu d’intimité. Ils craignent d’être vus s’ils se rendent au centre de dépistage. Nous devons trouver une solution qui puisse leur garantir confidentialité et sécurité», a-t-il dit.

Une des solutions serait de rendre le dépistage du VIH obligatoire, mais cela est peu envisageable, a poursuivi Brigitte Bampile.

«Les anciens combattants sont un groupe à haut risque. Rendre le dépistage du VIH obligatoire ne serait donc pas une mauvaise solution, puisque cela permettrait de nous aider et d’aider la population. Mais connaître ou ignorer son statut sérologique est un droit individuel fondamental», a-t-elle rappelé.

Selon les statistiques avancées par le centre de réinsertion de Kabare, cinq pour cent des anciens combattants ayant subi un test de dépistage seraient séropositifs – un pourcentage reçu avec des réserves.

« Prenez les pays voisins : par exemple, l’armée tanzanienne affiche un taux de prévalence du VIH/SIDA proche de 15 pour cent et l’armée ougandaise, un taux de 10 pour cent», a dit le docteur Rebecca Adlington, responsable médical et spécialiste du VIH/SIDA auprès de Médecins Sans Frontières (MSF), qui gère un centre de traitement du VIH/SIDA à Bukavu.

Or, «comme il n’existe aucun programme de prévention, de soins et de traitement [au sein des milices congolaises], il y a de forts risques pour que le véritable taux de prévalence soit supérieur à cinq pour cent», a-t-elle expliqué.

Des acteurs de la lutte contre le sida en RDC ont d’ailleurs exprimé leurs craintes que les séances de sensibilisation sur le VIH organisées pour les anciens combattants soient insuffisantes et que les taux d’infection augmentent à mesure que les soldats démobilisés retournent dans leurs régions rurales d’origine.

kr/oa/he/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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