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De la crainte à l’espoir

Après avoir accordé un entretien à IRIN sur la malnutrition enfantine, un médecin mauritanien marque une pause, se penche et murmure « soyez vigilant quand vous me citez car les gens ici peuvent avoir des ennuis, vous savez ».

Le docteur doit cette peur de s’entretenir avec un journaliste étranger sur l’étendue des problèmes sanitaires auxquels sont confrontés les enfants de son pays aux 21 années de terreur qui ont précédé la prise du pouvoir par le Colonel Ely Ould Mohamed Vall, au mois d’août 2005.

Profitant de l’absence du Président Mauouiaya Ould Sid Ahmed Taya, alors en visite d’Etat à l’étranger, le Colonel Ely Ould Mohamed Vall s’était accaparé les rênes du pouvoir. Mauouiaya Ould Sid Ahmed Taya, lui-même colonel, s’était également emparé du pouvoir à la suite d’un coup d’Etat en 1984 et avait dirigé le pays avec une main de fer jusqu’à son renversement.

Sous Mauouiaya Ould Sid Ahmed Taya, les commentaires formulés
par le médecin à l’égard des problèmes sociaux et écologiques de la Mauritanie auraient été considérés comme une critique implicite du régime et lui auraient valu un séjour dans la prison centrale.

Cependant, en apparence du moins, avec l’arrivée au pouvoir du Colonel Vall, la Mauritanie a tourné une page de son histoire.

La nouvelle junte a promis d’encourager le développement et d’ouvrir une nouvelle ère de la démocratie qui atteindra son apogée avec la tenue d’élections au bout de deux ans. En outre, la date des élections présidentielles a été fixée à mars 2007, soit plusieurs mois avant l’échéance précédemment proposée.

Le Colonel Vall figure parmi les chefs militaires qui ont accédé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat et qui ont rapidement engagé leur pays sur la voie de la démocratie, rompant ainsi avec la tradition des coups d’Etat militaires de l’époque post-coloniale qui ont permis à des despotes comme les présidents Mobutu Sese Seko de l’ex-Zaïre et Gnassingbe Eyadema du Togo) de prendre le pouvoir et de s’y maintenir.

Par exemple, après la mort soudaine du Président nigérian, le Général Sani Abacha en 1998, son successeur, le général Abdulsalam Abubakar a supervisé le processus de transition qui a conduit à la tenue d’élections démocratiques en 1999.

La même année, au Niger, des membres de la garde présidentielle ont assassiné le Président Ibrahim Bare Mainassara. Le chef de la garde présidentielle a pris la tête d’un gouvernement de transition qui organisa un référendum constitutionnel au mois de juillet et des élections nationales en novembre.

DES JOURS HEUREUX

A mesure que le régime de transition mauritanien a fait part de ses intentions à la population, il a gagné en popularité.

« Autrefois, nous n’étions pas libres », a déclaré Seide Ould Siede, représentant de Terre Vivante, l’une des plus importantes ONG de Mauritanie. Il compare la répression qu’a connue la Mauritanie à celle qui a frappé l’Irak sous le régime de Saddam Hussein, ou encore à celle qui sévit actuellement en Turkménistan.

Mais maintenant, « il n’y a plus d’interdits, plus de tabous », a-t-il ajouté. « Que l’on soit d’accord ou pas, la liberté c’est bien. Les gens aiment la liberté ».

Un mois après son arrivée au pouvoir, Ely Ould Mohamed Vall a décrété une amnistie générale pour les « personnes ayant commis des crimes politiques », et a libéré des douzaines de détenus qui avaient été incarcérées sous le régime de M. Ould Taya.

Afin d’éradiquer la corruption, en décembre 2005, le gouvernement a augmenté de 50 pour cent le salaire de l’ensemble des fonctionnaires du pays. L’impôt sur le revenu a, quant à lui, baissé de 30 pour cent, et la retraite des militaires et des fonctionnaires a connu une hausse de 15 pour cent.

Après avoir annoncé qu’il ne se présenterait pas aux élections présidentielles, Ely Ould Mohamed Vall s’est engagé à mettre en place une démocratie multipartite.

A la fin du mois de juin, le gouvernement a organisé un référendum national sur le projet de la nouvelle Constitution devant mettre un terme aux coups d’Etat militaires et ouvrir la voie à des élections démocratiques.

Un taux de participation record a été enregistré : 76 pour cent des 3 millions d’habitants que compte la Mauritanie se sont rendus aux urnes. 97 pour cent d’entre eux se sont prononcés en faveur du ‘oui’. Aux termes de la nouvelle Constitution, le mandat présidentiel passe de six à cinq ans et n’est renouvelable qu’une seule fois, afin de garantir un changement de pouvoir tous les dix ans.

La junte a également mis en place une commission électorale nationale indépendante (CENI) composée de quinze membres, chargée de superviser les élections présidentielles.

RECONNAISSANCE

Le Secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, les Etats-Unis, la France, l’ancienne puissance coloniale, et l’Union européenne avaient unanimement condamné la prise du pouvoir par le Colonel Vall, craignant qu’un nouveau coup d’Etat militaire ne se produise dans un pays africain.

L’Union africaine (UA), qui succède à l’Organisation de l’unité africaine, autrefois surnommée ‘le club des dictateurs’, en référence à la tolérance dont elle faisait preuve face à la répression politique exercée en Afrique dans les années 1970 et 1980, a suspendu l’adhésion de la Mauritanie « jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel dans le pays ».

Depuis, l’UA a fait part de son soutien au gouvernement de transition. Les changements apportés par le Colonel Vall ainsi que la soif de démocratie qui a succédé au coup d’Etat ont été salués par la communauté internationale. Ainsi, la Banque mondiale et l’Union européenne ont rétabli l’aide financière accordée à cette nation exsangue qui figure parmi les pays les plus pauvres au monde, selon les estimations des Nations unies.

Joseph LeBaron, l’ambassadeur des Etats-Unis à Nouakchott, a déclaré ce mois-ci à l’agence de presse Reuters, que la Mauritanie pouvait même servir « d’exemple aux autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient » en leur montrant la procédure à suivre pour passer d’un régime autoritaire à un régime démocratique.

Les candidats qui se présentent aux premières élections présidentielles multipartites de l’histoire du pays font preuve du même enthousiasme.

Lorsqu’on demande à Moustapha Ould Bedreddine, secrétaire général de l’Union des forces pour le progrès (UFP), de résumer le travail qui a été accompli par le Colonel Vall, une année après l’arrivée de ce dernier au pouvoir, il déclare que tout a été « positif ».

L’APRES VALL

Bien que l’action du gouvernement mise en place par le Colonel Vall ait été, à la surprise générale, un véritable succès, des doutes planent quant à l’avenir du pays après les élections présidentielles.

Bien qu’un grand nombre de Mauritaniens soutienne M. Vall, ce dernier a annoncé qu’il ne serait pas en lice pour les présidentielles et il a interdit à l’ensemble des membres de son cabinet de se porter candidats.

Alors que le Colonel Vall est connu pour avoir occupé le devant de la scène politique mauritanienne au cours des douze derniers mois, à huit mois des élections, on sait peu de choses sur les candidats que les 35 partis politiques choisiront pour les représenter à l’élection présidentielle.

Comme en témoigne l’inquiétude du médecin, beaucoup de Mauritaniens font preuve de méfiance face aux changements qui s’opèrent dans leur pays.

Le pays produit du pétrole depuis le mois de février dernier. Les recettes de la vente du pétrole sont versées sur un compte bancaire à l’étranger et le gouvernement de M. Vall a pris l’engagement de laisser ses successeurs décider de l’usage qu’il compte faire de cet argent.

Cette poule aux oeufs d’or est une véritable source de motivation pour tout candidat aux élections présidentielles.
Etant donné l’optimisme ambiant, certains croient en un avenir radieux, et ce peu importe les résultats des élections de mars prochain.

« Maintenant que nous savons ce qu’un régime militaire peut faire, nous ne voulons plus qu’un régime civile », a déclaré Seide Ould Siede, de l’ONG Terre Vivante.

« Maintenant, nous sommes libres, nous pouvons exprimer tout ce que l’on désire ».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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