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La Côte d'Ivoire vit dans la crainte d'une reprise des hostilités

Alors que des rumeurs de coup d’Etat se font de plus en plus persistante, que les forces de défense et de sécurité se préparent à parer à toute tentative de déstabilisation et que certains ivoiriens fortunés quittent le pays, on raconte qu’un nourrisson a prédit de graves troubles en Côte d’Ivoire dans les prochains jours.

A Bouaké, fief des forces rebelles depuis le début du conflit en septembre 2003, beaucoup de personnes prennent très au sérieux cette histoire et portent au poignet un morceau de tissu blanc censé les protéger.

« On entend toujours parler de ce genre d’histoire lorsque les gens sont inquiets », a commenté Boris, un jeune habitant de Bouaké qui a entendu parler de cette anecdote, mais qui ne porte pas la fameuse bandelette de protection. « Au début de la guerre, on entendait ce genre d’histoire chaque semaine. Je n’y crois plus du tout ».

A quelques jours de la date du 30 octobre, une échéance politique cruciale en Côte d’Ivoire, le poumon économique de l’Afrique de l’ouest, de vieilles légendes refont surface et s’expliquent par la peur d’une reprise des hostilités.

« Jamais sans doute depuis l’indépendance du pays, autant d’inconnues n’ont plané sur l’avenir de la Côte d’Ivoire », note-t-on dans le document de l’organisation Amnesty International publié mercredi dernier. « Il est du devoir de tous d’éviter que le pays ne sombre dans un chaos qui pourrait entraîner la déstabilisation durable de toute la sous-région ».

Ce sentiment d’inquiétude s’explique par l’échec du processus de paix qui prévoyait des élections le 30 octobre prochain à la fin du quinquennat du président Laurent Gbagbo.

En raison de l’incapacité des différents parties à mettre en œuvre le programme de désarmement, de l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays et de sa partition, le nord étant sous contrôle des forces rebelles et le sud aux mains des forces gouvernementales, l’Union africaine (UA) et le Conseil des Nations unies ont décidé de prolonger de 12 mois maximum le mandat de M. Gbagbo.

L’UA, appuyée par l’ONU, exige également la nomination d’un nouveau Premier ministre de consensus avant le 31 octobre. Ce dernier disposera de pouvoirs étendus et mènera le pays à la réunification et aux élections présidentielles.

Mais les polémiques suscitées par le choix du Premier ministre, et l’éventualité d’un vide constitutionnel après le 30 octobre, ont fait naître un sentiment d’insécurité dans le pays.

C’est pour cette raison que le président en exercice de l’UA, le chef d’Etat nigérian Olusegun Obasanjo et son homologue sud-africain Thabo Mbeki, artisan des derniers accords de paix, se rendront en Côte d’Ivoire en fin de semaine pour superviser la nomination du nouveau Premier ministre ivoirien.

[Cote d'Ivoire]  Bridge across Abidjan lagoon. [Date picture taken: 10/10/2005]
Pont enjambant la lagune à Abidjan

A chaque camp son rassemblement

« Le 30 octobre, il n’y aura rien », a lancé mercredi M. Gbagbo dans un discours télévisé.

Et bien que les manifestations de rue aient été interdites par décret présidentiel, les forces de défense et de sécurité et les habitants craignent que les rassemblements prévus ce week-end ne dégénèrent.

« Nous ne savons pas du tout ce qui nous attend. C’est la grande inconnue », a lancé Bamba Drissa, travailleur humanitaire, en descendant d’un taxi. Quant au chauffeur de taxi, il a indiqué qu’il resterait cloîtré chez lui ce week-end.

Les Jeunes Patriotes, les miliciens pro-Gbagbo, ont prévu d’organiser dimanche un grand rassemblement dans le stade de la capitale Abidjan pour fêter la qualification de leur équipe nationale à la phase finale de la coupe du monde en 2006.

En réponse à cette manifestation, le mouvement des jeunes de la coalition des partis de l’opposition a invité ses sympathisants à se rassembler samedi dans un autre stade pour, eux aussi, rendre hommage à l’équipe nationale de football.

Mais le mouvement des jeunes reconnaît volontiers que l’hommage à l’équipe nationale n’est pas le seul motif du rassemblement.

« Nous souhaitons dire à nos militants que la paix est proche et qu’ils doivent s’attendre à une nouvelle phase et à une nouvelle dynamique dans ce pays », a déclaré à IRIN Karamoko Yayoro, le chef de file du mouvement des jeunes du RDR (Rassemblement des Républicains), un parti de l’opposition ivoirienne.

A Bouaké, le fief des forces rebelles situé à quelque 300 km d’Abidjan, des jeunes en colère sont apparus à la télévision locale pour demander le départ de M. Gbagbo.

« Les jeunes en ont marre de voir que la communauté internationale ne faire rien pour se débarrasser de M. Gbagbo, et ils veulent s’en charger eux-mêmes », a indiqué le commentateur de la télévision.

Par ailleurs, les nombreux reportages sur les désertions au sein de l’armée contribuent à renforcer ce sentiment d’inquiétude dans la population.

Dans un communiqué inhabituel, l’armée ivoirienne a annoncé mardi dernier que l’un des deux ponts stratégiques qui enjambent la lagune d’Abidjan serait fermé chaque jour, pendant une heure, jusqu’à dimanche. Cette mesure s’inscrit dans le cadre des manœuvres spéciales que l’armée ivoirienne mène dans les eaux de la lagune, a indiqué l’armée.

« Personne ne sait ce qui va se passer. Je ne suis pas inquiet pour le moment, mais il est possible que les choses dégénèrent », a confié à IRIN un diplomate occidental. « Je connais beaucoup de gens qui ont décidé de partir à l’étranger pendant une semaine ou deux en attendant de voir ce qui se passera », a-t-il ajouté.

En effet, Fanta Fofana, un agent de voyage, a confié que depuis le début de la semaine, les vols au départ d’Abidjan pour les capitales régionales étaient complets.

« J’ai vendu beaucoup de billets », a-t-elle confié à IRIN. « De nombreux cadres moyens et supérieurs sont partis et ne reviendront qu’en fin de semaine prochaine. Bien sûr, il s’agit de ceux qui ont les moyens ».

Les 4 000 hommes du contingent des forces françaises de l’opération Licorne et les 6 000 casques bleus de l’ONU qui patrouillent dans la zone de confiance séparant les positions des protagonistes devront se préparer à faire face au pire. Ils devront avoir encore à l’esprit les manifestations orchestrées contre les étrangers en novembre dernier.

Depuis deux semaines, un escadron de 80 gendarmes a été prépositionné en France et est prêt à rejoindre la Côte d'Ivoire dans les 24 heures, a indiqué Jean-Luc Cotard, porte-parole de l’armée.

Et cette semaine, neuf chars supplémentaires sont arrivés à Abidjan pour compléter le dispositif matériel de l’armée française. Cela n’a pas manqué d’alimenter certaines rumeurs chez les sympathisants de M. Gbagbo qui voient en ce déploiement militaire la préparation d’un coup d’Etat de la France visant à remplacer leur président par son adversaire politique et leader du RDR, Alassane Ouattara.

Par ailleurs, de nombreux soldats mécontents, qui disent être en rupture de ban avec l’armée ivoirienne, envoient des messages de menace par Internet ou sur les ondes de certaines stations de radio.

C’est le cas du Colonel Philippe Zadi qui a prévenu ce mois-ci que l’organisation du coup d’Etat était une question de temps.

« Nous voulons que le président laisse le pouvoir au gouvernement de transition...s’il ne le fait pas, nous mènerons une actions militaire – un coup d'Etat », a déclaré M. Zadi sur la BBC.

M. Zadi est le porte-parole d’un groupe de militaires mécontents qui disent soutenir le général Mathias Doue. Ce dernier avait occupé les fonctions de chef d’état-major général de l’armée ivoirienne avant d’être démis de ses fonctions l’année dernière. Il s’était alors juré d’user de tous les moyens pour se débarrasser de M. Gbagbo.

« Nous sommes nombreux, nous sommes bien équipés et bien armés », a expliqué dans conversation téléphonique, M. Zadi, depuis un endroit tenu secret. « M. Gagbo doit partir le 30, mais notre action peut être déclenchée à tout moment ».


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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