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Les gagnants et les perdants de l’opération de démonétisation

La Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a mobilisé tous les moyens logistiques et de communication à sa disposition dans le cadre de l’opération de démonétisation des billets de la gamme 1992, qui a pris fin la semaine dernière.

La banque émettrice du franc CFA (Communauté financière africaine), utilisé dans huit Etats de la région, s’est félicitée du succès de l’opération qui a permis de récupérer et d’échanger près de 99 pour cent des billets de gamme 1992 le 31 décembre 2004, date de clôture de l’opération de démonétisation.

“L’opération a été un réel succès”, a indiqué Sambani Fall à IRIN depuis le siège de la BCEAO à Dakar. “Nous continuons de travailler sur le bilan définitif mais nous pouvons déjà affirmer que dans certains pays l’opération a été un grand succès.”

Dans un communiqué publié mardi, la BCEAO a affirmé que, selon un bilan provisoire, 99,2 pour cent des anciens billets avaient été récupérés et échangés contre de nouveaux billets.

Mais une masse importante d’anciens billets, conservés sous les lits et les planchers des maisons des zones reculées d’Afrique de l’Ouest, sera inutilisable.

ORCONI, l’organisation des consommateurs du Niger, a attiré l’attention de la banque sur les enjeux économiques de l’opération de démonétisation. “Il convient de sauver les économies des consommateurs, surtout les innocents porteurs de billets”, a indiqué Nouhou Arzika, son président.

Ailleurs, la rareté des guichets d’échange a limité l’impact de l’opération. Ainsi, un seul guichet d’échange était ouvert à Bouaké, le fief de la rébellion armée en Côte d’Ivoire, trois jours avant la date de clôture de l’opération. Six millions de personnes vivent dans les zones rebelles où le système bancaire n’existe plus depuis deux ans.

Lancée le 15 septembre 2004, l’opération visait à retirer 911 milliards de francs CFA (86 milliards de dollars américains) en billets de la gamme 1992, pour la remplacer par une gamme de billets plus moderne et réputée infalsifiable. L’objectif de cette opération était aussi d’empêcher le blanchiment des billets volés dans les coffres de la BCEAO en Côte d’Ivoire au cours des deux dernières années.

Dans ce pays qui détient à lui seul 40 pour cent des fonds de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la rébellion est accusée de financer son effort de guerre avec ces sommes d’argent volées en 2002 à Abidjan.

Plusieurs milliards de billets de banque retirés officiellement de la circulation portent les numéros des billets volés à la succursale de la BCEAO à Bouaké.

Au Togo, un représentant de la banque qui a requis l’anonymat a indiqué à IRIN que 182 000 dollars en billets volés ont été retrouvés au cours de cette opération de démonétisation.

“C’étaient des gens crédibles”, a t-il précisé. “Ces billets sont passés par plusieurs mains avant d’arriver dans les banques, il était donc difficile de savoir exactement d’où ils venaient.”

Selon le directeur des services de caisse à la BCEAO à Lomé, l’opération de démonétisation s’est très bien déroulée au Togo. “Nous avons tout mis en œuvre pour faciliter cette opération”, a indiqué Kouami Amekoudji.

Des mégaphones ont été utilisés pour appeler la population à se diriger vers les guichets installés dans le marché central de Lomé et, dans les villages les plus reculés, la banque a eu recours aux crieurs publics pour informer les villageois du retrait de circulation des anciens billets.

Au Niger, pays enclavé et désertique, les autorités de la banque ont dû affréter des avions pour approvisionner les régions du nord en nouveaux billets de banque.

En Guinée Bissau, quelque 400 agents de police et 50 véhicules ont été réquisitionnés pour convoyer les nouveaux billets, les anciens ayant été transférés par bateau sur les petites îles des Bijagos. Au Mali, la banque a installé plus de 300 comptoirs et dépêché des équipes dans plus de 130 localités pour assurer l’échange des anciens billets.

En Côte d’Ivoire, la situation était plus difficile dans les zones détenues par les rebelles, toutes les banques ayant été fermées après le début de la guerre civile en septembre 2002.

Après avoir longtemps occulté le problème, la BCEAO n’a démarré l’opération de démonétisation que trois jours avant la date de clôture officielle. Une équipe de 26 personnes venue du sud a installé des guichets provisoires au siège des Nations Unies à Bouaké et les opérations d’échange se sont déroulées sous la supervision d’un détachement des 6 000 casques bleus, encadrés par des troupes françaises et des militaires de la rébellion.

“L’opération se déroule bien et dans une discipline totale”, a indiqué à IRIN le colonel Alassane Fall, commandant des forces de l’Onuci à Bouaké.

La somme mise à la disposition de la Côte d’Ivoire pour couvrir l’opération de démonétisation s’élève à 255 milliards de francs CFA. Fin décembre, plus de 239 milliards d’anciens billets ont pu être échangés, soit un taux de réalisation de 94,3 pour cent, a indiqué Kablan Yao Sahi, le directeur général de l’antenne de la BCEAO en Côte d’Ivoire.

Avant l’arrivée de l’équipe de la BCEAO à Bouaké, il restait un peu plus de 29,4 millions de dollars à récupérer. Une bonne partie de cette somme correspond à de petites coupures détenues par des paysans vivant dans des villages reculés et qui généralement gardent leurs économies à la maison. Les anciens billets en leur possession seront désormais inutilisables.

Dans une région où de nombreuses personnes vivent avec moins d’un dollar par jour, ce sont les billets de 500 francs CFA (un dollar) et de 1 000 francs CFA (deux dollars) qui sont le plus souvent utilisés dans les marchés, les transports publics et les festivités, telles que les mariages.

A une semaine de la date de clôture de l’opération, le gouverneur de la BCEAO, Charles Konan Banny, a indiqué qu’une masse importante de billets en petites coupures n’avait pas encore été changée.

“Environ 90 pour cent est rentrée”, a t-il déclaré à la télévision publique burkinabè. “Ces temps-ci, ce sont les petites coupures qui rentrent. Tout cela est conforme à nos plans.”

Une semaine avant la date d’échéance du 31 décembre, de nombreux boutiquiers et vendeurs n’acceptaient plus les billets de 500 et de 1 000 francs CFA de peur de ne pouvoir les échanger.

”Je ne prends plus de billets de 500 et de 1 000 car je ne sais pas si j’aurai le temps d’aller à la banque avant la fin de l’opération”, a confié à IRIN Christine Amavi, vendeuse de riz à Lomé.

“On arrive plus à vendre, faute de monnaie”, a fait remarquer Ami Sacko, vendeuse de produits cosmétiques à Bamako, la capitale du Mali. “Personne n’accepte de prendre les billets de 500 francs et il n’y a pas suffisamment de pièces de 500 en circulation.”

A en croire Idrissa Traoré, directeur national de la BCEAO-Mali, 202 millions de dollars avaient été récupérés le 27 décembre, soit 97 pour cent des anciens billets en circulation au Mali.

Selon les autorités de la banque en Guinée Bissau, 98,5 pour cent des 21 millions de dollars en circulation ont été échangés contre de nouveaux billets.

Mais les gens modestes risquent de faire les frais cette opération si la date de clôture n’était pas reportée. "Il est important de reporter la date de clôture de retrait des billets", s’est plaint Moussa Aboubacar, un commerçant du grand marché de Niamey. "Il est certain que malgré la campagne de sensibilisation, les paysans doivent encore détenir des anciens billets."

Avant la clôture de l’opération de démonétisation, Madior Sylla, le porte-parole de la BCEAO avait confié à IRIN que la banque avait prévenu suffisamment tôt les huit Etats-membres de la démonétisation des billets de la gamme 1992. “Nous avons pris toutes nos dispositions pour nous assurer que les gens échangent leurs billets. Nous avons fait passer des messages sur les radios nationales et rurales et dans les réseaux communautaires et religieux”, a t-il ajouté.

Lancé en 1945 pour donner aux anciennes colonies françaises une monnaie stable, le franc CFA est soutenu par le trésor public français.

Le franc CFA a longtemps été associé au franc français et s’échange aujourd’hui à 656 francs CFA pour un euro. La BCEAO émet la monnaie du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo.

Cette devise est aussi utilisée dans sept Etats d’Afrique centrale qui ont leur propre banque centrale et utilisent des billets différents. Une opération de retrait de ces billets doit démarrer début 2005 dans cette région.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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