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Des ressortissants français quittent la Côte d’Ivoire, "la mort dans l’âme"

Des centaines de ressortissants français ont quitté la Côte d’Ivoire mercredi à bord d’avions spécialement affrêtés, échappant ainsi aux scènes de violence, aux manifestants anti-français et aux campagnes haineuses qui ont secoué la ville d’Abidjan ces cinq derniers jours.

«On est incroyablement soulagé de partir…Mais on est triste, on part la mort dans l’âme,» a confié à IRIN Vincent, propriétaire d’une société d’assurances, en attendant l’avion qui le ramènera à Paris avec sa femme et ses deux jeunes enfants.

«On entend les pires choses. On parle de meurtres, de viols. On voit arriver au BIMA des français battus, frappés, blessés. C’est foutu. Il n’y a plus d’espoir,» a ajouté l’homme d’affaires qui vit en Côte d’Ivoire depuis six ans.

«On rentre chez ma mère, on va pleurer, on va respirer et puis réfléchir à ce que l’on va faire. On a tout perdu, notre travail, nos affaires. Il faut repartir à zéro,» a t-il dit.

Autrefois un modèle de réussite économique et politique dans une Afrique de l’Ouest plutôt instable, la Côte d’Ivoire avait attiré de nombreux expatriés qui vivaient en plein centre ville d’Abidjan, la capitale économique de cette ancienne colonie française.

Aujourd’hui, la plupart d’entre eux a peur.

Encouragés par les messages anti-français diffusés à la radio et à la télévision nationales, des milliers de partisans du président Gbagbo sont descendus samedi dans les rues d’Abidjan.

Cette subite flambée de violence fait suite à la décision de la France de détruire la quasi-totalité des moyens aériens des forces armées ivoiriennes en représailles à la mort de neuf militaires français au cours d’un raid aérien de l’armée ivoirienne.

Les écoles, commerces et maisons des ressortissants français ont été saccagés et incendiés et deux Français sont portés disparus depuis le début des émeutes.

Mercredi matin, des milliers de ressortissants français et étrangers ont été regroupés dans les bases militaires des forces françaises et onusiennes, certains ayant dû quitter leur domicile sous la menace, d’autres ayant préféré fuir pour ne pas prendre de risque.

Au BIMA, la base militaire française, de nombreux expatriés attendaient, valise à la main, prêts à embarquer alors que ceux dont le départ était prévu pour mercredi se préparaient à passer une nouvelle nuit sur les lits de camp de l’armée.

«Il y a près de 2000 personnes qui souhaitent partir, et la plupart des candidats au départ sont des français,» a confié à IRIN une source militaire.

Le porte-parole du ministère français des affaires étrangères à Paris a indiqué à IRIN que quatre avions devraient quitter Abidjan jeudi.

«Cela représente un millier de places environ. Il ne s’agit pas d’une évacuation. Nous évacuons seulement ceux qui ont demandé à quitter le pays,» a précisé le porte-parole qui a refusé de préciser le nombre de personnes ayant fait ce choix.

Selon Paris, quelque 14 000 ressortissants français vivent en Côte d’Ivoire, dont 8000 jouissent de la double nationalité.

Les pourparlers de Pretoria

La Côte d’Ivoire est coupée en deux depuis septembre 2002, entre le sud contrôlé par le gouvernement actuel et le nord aux mains des forces rebelles. Mais le processus de paix qui devait mener le pays aux élections présidentielles d’octobre 2005 est dans l’impasse depuis des mois.

Les belligérants s’accusent mutuellement de n’avoir pas respecté leurs engagements : tandis que l’Assemblée nationale traîne à adopter les réformes politiques stipulées dans les accords de paix, les rebelles refusent de désarmer, malgré la date butoir du 15 octobre fixée par les accords d’Accra 3 en juillet.

Malgré les émeutes et la rupture d’un cessez-le-feu qui avait duré 18 mois, l’Afrique du Sud, à la demande de l’Union africaine, poursuit ses efforts diplomatiques

Après une brève visite mardi à Abidjan où il s’est entretenu avec le chef d’Etat ivoirien, le président Thabo Mbeki accueillera jeudi les «responsables politiques des différents partis et formations politiques représentant un large éventail d’opinion politique en Côte d’Ivoire,» a indiqué dans un communiqué le ministère sud-africain des Affaires étrangères.

Selon un haut fonctionnaire du gouvernement sud-africain, l’ancien premier ministre de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, empêché de se présenter aux élections présidentielles de 2000 contre Gbagbo, prendra également part à ces consultations.

Le PDCI, le plus grand parti d’opposition, a indiqué qu’il enverra un représentant à Pretoria, tandis que Guillaume Soro, le chef des rebelles, à fait savoir que les Forces nouvelles n’ont pas été conviées à ces pourparlers.

«Je n’y vais pas, personne ne m’a invité, et puis nous sommes en guerre, notre place n’est pas là-bas, » a dit Soro à IRIN par téléphone depuis son fief de Bouaké.

A Abidjan où les camions de l’ONU et les embarcations réquisitionnées par la France continuaient d’évacuer des expatriés inquiets, même ceux qui n’étaient pas pressés de quitter le pays prédisaient un avenir sombre pour la Côte d’Ivoire.

«La mèche continue de brûler mais elle n’a pas encore atteint le baril de poudre,» estime Patrick, un homme d’affaires. Né à Abidjan il y a de ça 45 ans, Patrick a dit vouloir rester le temps de ranger ses affaires et de les envoyer au Sénégal.

«Ca a été difficile, mais j’accepte maintenant l’idée de partir. Il n’y a pas de place pour les héros,» a t-il ajouté, jetant un œil dans une rue jonchée de cadavres de voitures brûlées, où toutes les petites boutiques tenues par des Mauritaniens et d’autres ressortissants d’Afrique de l’ouest ont été pillées puis détruites.

«Le pire est à venir. Nous allons assister à un règlement de compte inter-ethnique. Ca va être un massacre,» a prédit l’homme d’affaires. «La bataille d’Abidjan est encore à venir.»


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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