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Paul Biya est quasiment assuré de sa réélection

Le président Paul Biya est quasiment assuré de remporter les élections présidentielles du Cameroun qui ont lieu lundi. Longtemps à la tête de l’état camerounais, Biya fait face une opposition divisée qui l’accuse déjà de vouloir truquer les élections.

«Il n’y a jamais eu d’élections transparentes au Cameroun depuis l’indépendance. Je ne pense même pas que les chefs d’état africains de la génération du président Biya accepteraient de quitter le pouvoir par le verdict des urnes», a indiqué à IRIN le Cardinal Christian Tumi, archevêque catholique de Douala très critique vis à vis du gouvernement.

«M. Biya organise des élections car il veut donner au monde l’impression d’être un démocrate», a indiqué Shande Tonme, un analyste politique qui avoue aussi être très sceptique quant à la tenue lundi d’élections libres et justes.

A l'âge de 71 ans, Biya dirige le Cameroun depuis 22 ans et jusqu’à présent, les élections présidentielles n'ont été qu'une formalité plutôt qu’un réel enjeu pour sa survie politique.

Personnage très réservé, le président a passé le plus clair de son temps à l’étranger ces derniers mois et son absence prolongée du pays a nourri la rumeur selon laquelle il était décédé dans un hôpital de Genève.

Cette rumeur a aussitôt été démentie par le gouvernement et 48 heures plus tard, Biya apparaissait tout souriant à l’aéroport, déclarant avec insistance qu’il était en très bonne santé et qu’il s’était simplement bien reposé en Suisse.

La date du 11 octobre pour la tenue des élections n’a été annoncée qu’à la mi-septembre lors d’un séjour prolongé de Biya en France. Et ce n’est que quatre jours plus tard que, de retour au Cameroun, le Président a confirmé qu’il briguerait un nouveau mandat de sept ans.

Bien que le parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) se soit empressé de lancer la campagne pour la réélection de Biya en s’appuyant sur les média d’état qu’il contrôle entièrement et en placardant des portraits géants du président à travers le pays, le Président n’est apparu à son premier et unique meeting de campagne électorale que le 5 octobre, moins d’une semaine avant le jour des élections.

Prenant la parole le jour même où les enseignants lançaient un mouvement de grève national pour exiger des hausses de salaire, Biya a déclaré à une foule de près de 50 000 personnes transportées en autobus dans la petite ville de Monatele, à 70 km au Nord-Est de Yaoundé, qu’il allait relancer l’économie, créer plus d’emplois et améliorer les réseaux de distribution d’eau et d’électricité dans les zones rurales.

Bien que le gouvernement du Cameroun soit considéré par Transparency International, un groupe d’alerte basé à Berlin, comme l’un des plus corrompus d’Afrique, Biya a promis de combattre ce fléau. « Nous sanctionnerons sans pitié la fraude et la corruption qui sont les principales causes de nos difficulté s», a déclaré Biya.

Après avoir souligné qu’il avait réussi à maintenir la stabilité et la paix au Cameroun, un pays né de la fusion d’anciennes colonies française et anglaise, Biya a qualifié ses adversaires politiques d’opportunistes faisant des promesses irréalistes.

« Qui sont ces magiciens qui veulent transformer le Cameroun d’un simple coup de baguette magique ?», a t-il demandé à la foule, qualifiant tous les candidats de l’opposition de «politiciens amateurs.»

Cette même accusation a été lancée par le Cardinal Tumi contre les leaders de l’opposition à qui il reproche de ne pas avoir de politique alternative claire. « Ils passent leur temps à critiquer le régime en place, alors qu’ils n’ont pas de vision claire pour l’avenir du pays, » a t-il déclaré.

L’opposition s’évertue à dire que le seul moyen de faire progresser le Cameroun est de se débarrasser de Biya et du RDPC. Ce parti a dirigé le Cameroun depuis l’indépendance en 1960 sous différentes dénominations.

Mais les élections présidentielles font apparaître de profondes divisions entre les deux principaux leaders de l’opposition.

John Fru Ndi, 63 ans, leader de l’opposition, originaire de la région anglophone du sud-ouest du Cameroun, arrivé en deuxième position après Biya lors des élections de 1992, a une nouvelle fois décidé de se présenter aux élections présidentielles contre son ancien rival. Son parti, le Social Democratic Front (SDF) est le parti d’opposition le mieux représenté à l’assemblée nationale, la plupart de ses sympathisants provenant des régions montagneuses du sud-ouest du Cameroun.

Mais Fru Ndi a refusé de retirer sa candidature lorsque la Coalition pour la Réconciliation Nationale et la Reconstruction (CNRR), alliance des 10 principaux partis d’opposition parmi lesquels figure le SDF, a désigné Adamou Ndam Njoya, un francophone de 62 ans, comme leur candidat aux élections présidentielles.

Ndam Njoya est un libéral et fervent musulman qui a la réputation d’être intègre. Il a occupé un poste ministériel de 1975 à 1982 dans le gouvernement de Amadou Ahidjo, premier président du Cameroun.

Les diplomates et les commentateurs politiques camerounais ont indiqué que la rupture entre les deux hommes allait probablement perpétuer la division entre les anglophones, représentant 20 pour cent de la population du Cameroun, et la majorité francophone du pays.

Seize candidats sont inscrits sur le bulletin de vote, mais Biya, Fru Ndi et Ndam Njoya devraient se tailler la part du lion dans les suffrages.

Toutefois, il y a fort à craindre que le gouvernement fausse les résultats des élections pour maintenir Biya au pouvoir.

D’ailleurs l’opposition s’est plaint de l'inscription sur les listes électorales d'à peine 4,6 millions de personnes, soit la moitié de la population adulte du pays, et de l'attribution par le gouvernement de plusieurs cartes d’électeur à ses partisans.

« Nous comptions avoir des élections transparentes, libres et justes, mais quelque chose d’étrange est certainement en train de se passer, » a déclaré Charly Gabriel Mbock, porte-parole du CNRR. «Nous avons constaté que plusieurs personnes obtenaient quatre ou cinq cartes d’électeur avec la même carte d’identité dans le même bureau de vote,» a t-il déclaré à IRIN.

Ces accusations ne sont pas nouvelles.

Fru Ndi a crié au scandale lorsqu’il a été battu par Biya aux élections de 1992 et, de concert avec les « poids lourds » de l’opposition au Cameroun, il a refusé de se présenter à l’élection présidentielle de 1997, ce qui a permis à Biya de gagner les élections haut la main avec un résultat officiel de 92,6 pour cent.

D’après l’analyste politique Tonme, la plupart des camerounais n’accordent plus aucune importance aux élections parce qu’ils connaissent les résultats officiels à l’avance. Cela, a-t-il ajouté, explique l’indifférence des électeurs.

«70 à 80 pour cent des camerounais en âge de voter ne s’intéressent pas aux élections qui se déroulent dans leur pays,» a confié Tonme à IRIN. D'après lui, seuls 15 pour cent des adultes se déplaceront pour voter lundi.

« Combien de personnes disposent réellement d’une carte d’électeur pour voter quand on sait qu’un million d’électeurs fictifs ont déjà été découverts ? Les élections de lundi doivent être transparentes et crédibles, » a t-il conclu.

Personne ne sait combien de cartes d’électeur factices sont en circulation. L’opposition les estime à 1,5 millions, mais tout le monde s’accorde à dire qu’il y en a beaucoup plus.

L’observatoire des élections nationales, un organe indépendant créé pour superviser les élections nationales de 2001, a indiqué la semaine dernière qu’il avait exclu 4 867 électeurs fictifs détectés dans la province anglophone du Nord-ouest, un bastion du leader de l’opposition Fru Ndi.

De nombreuses personnes dans la capitale Yaoundé ont indiqué à IRIN qu’elles étaient en possession de plusieurs cartes d’électeur.

Mais mercredi dernier, le ministre de la communication Jacques Fame Ndongo a catégoriquement démenti les allégations selon lesquelles le gouvernement tentait de truquer les élections pour assurer la réélection de Biya.

Une équipe de 16 observateurs du Commonwealth, dirigée par l’ancien Premier ministre canadien Joe Clark, a indiqué qu’elle n’a pas d’à priori sur les élections et qu’elle attend de voir comment elles vont se dérouler.

« Notre but est d’avoir une vue très large de l’environnement démocratique et du processus électoral en général, mais pas le résultat des élections, » a fait savoir la mission dans une déclaration, insistant sur la « neutralité, l’impartialité et l’objectivité » de l’équipe pendant les élections.

Mais Tonme a fait remarquer à l’équipe du Commonwealth et aux autres groupes d’observateurs internationaux que la supervision du déroulement des élections n’aurait aucun effet sur le résultat final, puisque aucune de leurs recommandations à propos des précédentes élections au Cameroun n'a été appliquée.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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