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Dossier sur la décentralisation au Mali

[Cet article ne reflète pas nécessairement le point de vue des Nations Unies]

BAMAKO, 16 mai (IRIN) – Le président malien sortant Alpha Oumar Konaré laissera le souvenir d’un president ayant posé des jalons importants dans le programme de décentralisation du pays. Le prochain président aura la difficile tâche de faire en sorte que les petits pas déjà franchis se materialisent en un développement auquel aspire les 11 millions d’habitants du Mali.

Le concept de décentralisation existe depuis l’époque du premier président malien, Modibo Keita, dont le régime socialiste a gouverné depuis l’indépendance, en 1960, jusqu’en 1968. Sous le régime militaire du général Moussa Traoré (1968-1991), la stratégie n’a pas été pleinement exploitée.

La majorité des Maliens convient que c’est sous M.Konaré, qui quittera sa fonction de président le 8 juin, que la décentralisation au Mali a réellement pris son élan, changeant radicalement les systèmes administratifs centralisés hérités des colonialistes français à l’indépendance en 1960.

"La décentralisation est le transfert du pouvoir de l'Etat central vers la collectivité territoriale décentralisée. Donc il s'agit simplement de permettre aux populations au niveau local de gérer leurs affaires par leurs représentants élus”, a déclaré à IRIN Aboubacrine Ag Indi, conseiller technique près du Commissariat au Développement Institutionnel du Mali, dans la capitale Bamako. Le Commissaire adjoint, Noël Diarra, a ajouté que c’est une stratégie de développement où, à travers le transfert des compétences, les populations choisissent leurs dirigeants qui portent le flambeau du développement.

La décentralisation peut être associée à la gouvernance locale.

Sous M. Konaré, la décentralisation a conduit à la création de 703 communes, de 49 cercles, de huit régions et du district de Bamako. Ces communes, cercles et régions constituent le corps du programme car elles représentent des entités qui jouissent actuellement de l’autorité de répondre aux besoins de développement de base.

M. Diarra a indiqué que la décentralisation a prospéré sous M.Konaré car il a desserré l’emprise de l’Etat dans l’administration quotidienne de la "res publica". Sous MM. Keita et Traoré "la nature de l’Etat n’était pas compatible avec la décentralisation”, a-t-il souligné, ajoutant que la décentralisation nécessite que les autorités de l’Etat reconnaissent et acceptent la participation des autres acteurs nationaux dans le développement du pays. D’un autre côté, la décentralisation renforce la démocratie.

La majorité des Maliens s’est montrée intéressée par une prise de contrôle de son propre développement car tous les aspects du gouvernement ne pouvaient être décentralisés. Les relations extérieures, la sécurité nationale, la monnaie et la formulation des politiques gouvernementales demeurent de la seule prérogative de l’Etat car il s’agit de domaines à travers lesquels l’Etat manifeste son existence et son autorité. Tout le reste peut être délégué à l’autorité locale.

Dans le cas du Mali, l’éducation et la santé ont emergé comme étant les plus populaires. Depuis 1990, les dépenses budgétaires totales de la santé se sont accrues de 1,6 pour cent à 2,1 pour cent, avec une hausse correspondant à une espérance de vie moyenne de 42 ans à 50,9 ans, indique le Rapport de l’ONU sur le Développement Humain 2001. Près de 65 pour cent de la population a accès à une eau de meilleure qualité, et 69 pour cent à des systèmes d’assainissement.

Les communautés étaient supposées recueillir des fonds pour bâtir leurs écoles, leurs centres de santé de base, leurs pompes à eau ainsi que les puits de façon à fournir un service minimal tel que la délivrance de pièces administratives de base. Or, la mobilisation humaine et financière est devenue un obstacle dans les cas où les communautés n’ont pas été en mesure de collecter des fonds. Le gouvernement a toutefois apporté une assistance financière à chaque communauté basée sur une liste de critères incluant la taille physique et la population de la communauté, le niveau de développement, l’aptitude à collecter des fonds et la distance par rapport aux centres urbains. Près de 26 milliards de francs CFA (36 millions de dollars) ont été alloués entre 1999 et 2002.

M. Diarra a fait état d’autres obstacles. Le premier est psychologique. Certaines personnes, a-t-il remarqué, comptent encore sur l’Etat pour tout apporter et ne déploient aucun effort pour se venir en aide. Le second obstacle est l’aptitude de l’Etat à mener à bien le programme. La mauvaise organisation du gouvernement central, la concentration de la prise de décisions et la capacité inadéquate sont quelques uns des points faibles auxquels l’Etat se doit de remédier.

D’autres détracteurs affirment que l’Etat n’a pas la capacité financière suffisante pour développer la décentralisation d’une manière appropriée tandis que la population, quant à elle, ne dispose pas d’argent à investir. En 1999, le Mali avait un PNB de 240 dollars par par habitant et 73 pour cent de la population vivait avec moins d’un dollar par jour, indique le rapport de l’ONU.

Un ancien premier ministre a souligné que c’est l’analphabétisme qui bloque la décentralisation, et a affirmé qu’il ne faut pas s’attendre à ce que des personnes qui ne savent ni lire ni écrire puissent mener des activités de gouvernance. D’après l’ONU, le Mali a un taux d’alphabétisation adulte de 39,8 pour cent, et un taux d’alphabétisation des jeunes de 64,5 pour cent, alors que la fréquentation scolaire est de 28 pour cent 950 pour cent dans les écoles primaires).

Les officiels de la commission rejettent le lien direct entre l’analphabétisme et la gouvernance locale. M. Ag Indi a cité l’exemple des paysans et des vendeurs analphabètes au Mali qui, comme dans d’autres pays africains, ont administré leurs affaires, la production agricole et d’autres activités, ont effectué des inventaires de fin d’année et sont aujourd’hui financièrement nantis.

Soumana Doumbia, directeur de l’ONG CENAFOD, qui a été sollicité à plusieurs reprises par le gouvernement de M. Konaré pour conduire des enquêtes et des études, a également rejeté l’amalgame éducation/gouvernance. Ce qui importe, a-t-il relevé, c’est de bâtir à partir le savoir et les aptitudes qui existent. Il a ajouté que la mauvaise information ou le manque d’information constitue un autre obstacle empêchant certaines communautés d’accepter la décentralisation.

D’autres affirment que la décentralisation n’a rien fait pour le pays. Cependant, comme le souligne la revue onusienne “Afrique Relance” dans son numéro d’avril, la “décentralisation en elle-même n’est pas une garantie pour une meilleure santé de base pour les enfants ou pour quoi que ce soit d’autre”. Les citoyens doivent en être la force motrice.

Les Maliens évitent de comparer les communautés en termes de niveau de gouvernance. Il existe pourtant des facteurs qui différencient une communauté de l’autre. Le nord du Mali, siège d’une rebellion violente et à la frontière du désert du Sahara, est confronté à une lutte ardue pour son propre développement. Le futur président du Mali devra encourager un développement accru dans la région du nord.

Les Maliens évitent aussi d’évaluer la décentralisation, et déclarent qu’il est trop tôt pour le faire. Pour M. Diarra, l’élément clé est de s’assurer que les citoyens maintiennent l’ enthousiasme et l’intérêt qu’ils ont manifestés, et qu’ils veuillent franchir les étapes et les obstacles nécessaires. "On ne peut pas dire que la décentralisation n'a pas apporté aux populations un minimum de confort, minime soit-il. Pour le bilan, je ne m'en satisferai pas de façon glorieuse mais il n'est pas négatif. On peut encore mieux faire”, a conclu M. Ag Indi.

Pour un pays dont l’indice de développement humain a été classé 153ème sur 162 par le Programme des Nations Unies pour le Développement en 2001, la décentralisation au Mali pourrait s’avérer comme l’une des stratégies ayant amélioré la vie de beaucoup de citoyens ordinaires.



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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