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L’ONU risque de rater son retrait du Congo si elle n’écoute pas les civils

« Que devrons-nous faire pour combler les lacunes causées par le départ de la mission ? »

Des soldats Kényans de la Brigade d’Intervention de la Force de la MONUSCO (Force Intervention Brigade, FIB) patrouillent dans la ville d’Oicha dans la territoire de Beni en Octobre 2021. Hugh Kinsella Cunningham/CIVIC
Des soldats Kényans de la Brigade d’Intervention de la Force de la MONUSCO (Force Intervention Brigade, FIB) patrouillent dans la ville d’Oicha dans la territoire de Beni en Octobre 2021.

Ce décembre, à New York, le Conseil de sécurité va voter pour renouveler le mandat de la mission de maintien de la paix de l’ONU en République démocratique du Congo.

Mais alors que la Mission, connue sous son acronyme MONUSCO, prévoit de se retirer progressivement (pour à terme quitter définitivement le pays), les discussions sur son avenir doivent impérativement prendre en compte les besoins des civils congolais et de la société civile sur le terrain. 

Les discussions au Conseil de sécurité sont alimentés par le plan de transition récemment publié qui détaille les grandes lignes du retrait progressif et échelonné de la mission du Congo.

Développé conjointement par la mission et le gouvernement congolais, ce plan propose des jalons (benchmarks) précis conçus de manière à conditionner le retrait de la Mission à une amélioration de la situation sécuritaire et à la capacité de l'État à protéger les civils efficacement.

Les efforts réalisés pour assujettir le retrait de la mission à des jalons concrets en matière de sécurité et de protection des civils est une étape positive. Lors de nos recherches, le Center for Civilians in Conflict (CIVIC) a en effet noté qu’il est important que les évolutions dans le positionnement de la Mission (comme la fermeture de bases) soient fondées sur des analyses concrètes des menaces qui pèsent sur la protection des civils.

Cependant, les 18 jalons et indicateurs détaillés dans le plan de transition ne pourraient être atteints que dans un avenir radicalement différent de celui dans lequel vivent actuellement les civils dans l'est du Congo. Et dans un contexte d'instabilité politique et de violence généralisée des groupes armés, un tel avenir semble peu probable.

Tout ce qui touche à l’ONU et au maintien de la paix relève largement de logique étatique, et est donc soumis à des dynamiques politiques au moment des négociations au Conseil de sécurité. Cela risque ainsi d'exclure les voix congolaises, sans lesquelles ce processus de transition est voué à l’échec.

L’enjeu est pourtant de taille : une transition bâclée pourrait déstabiliser davantage la région, alors même que les populations locales doivent déjà faire face à des institutions gouvernementales faibles ou inexistantes et à de fréquentes violations des droits humains par les forces étatiques et non-étatiques.

Un conflit continu et persistant

La MONUSCO (et la mission qui l’a précédée, la MONUC), est l'une des opérations de maintien de la paix les plus anciennes de l'ONU. Son exceptionnelle longévité (depuis 1999) témoigne de la persistance et de la gravité des menaces qui pèsent contre les civils.

Le nouveau plan de transition a été élaboré à la demande du Conseil de sécurité lors du dernier renouvellement du mandat de la mission en 2020, et fait suite aux pressions exercées par le Conseil de sécurité sur la MONUSCO depuis plusieurs années pour que la Mission élabore une stratégie de retrait. Plusieurs facteurs poussaient le Conseil dans ce sens, notamment l’ampleur, le coût et la longévité de la mission.

Le plan de transition définit des « conditions minimales » pour engager le retrait définitif de la mission, y compris à travers des jalons qui demandent (entre autres) une réduction significative des menaces des groupes armés, une plus grande capacité des forces de sécurité étatiques à répondre rapidement à ces menaces, et une amélioration de la coopération entre tous les acteurs impliqués.

Des Casques bleus discutant avec le prêtre d'un camp de déplacés pour civils fuyant les combats dans la province congolaise d'Ituri, en novembre 2021.
Hugh Kinsella Cunningham/CIVIC
Des Casques bleus discutant avec le prêtre d'un camp de déplacés pour civils fuyant les combats dans la province congolaise d'Ituri, en novembre 2021.

Le plan de transition n’a pas décidé d’un calendrier précis pour le retrait progressif prévu, et les délais initialement prévus pour atteindre les jalons – entre 2022 à 2024 – pourraient bien s’allonger étant donné des risques à venir, tels que les élections présidentielles de 2023.

Dans ce contexte difficile et imprévisible, il est donc essentiel que ce soit la situation sur le terrain qui guide le retrait de la mission, comme le rappel le mandat de la MONUSCO et d’autres documents stratégiques importants (tels que l’Examen stratégique indépendant de 2019 par exemple).

Pour la seule année 2021, plus d’un million de personnes ont été déplacées au Congo, et quelques 27 millions d’habitants sont actuellement en situation d'insécurité alimentaire grave. Le Programme alimentaire mondial classe cette situation comme l'une des plus grandes crises alimentaires au monde.

Cette année, les délibérations au Conseil de sécurité se déroulent dans un contexte particulier : le gouvernement congolais vient de renouveler l’ État de siège pour la treizième fois dans deux provinces de l’est du pays gravement touchées par les conflits, le Nord-Kivu et l'Ituri.

Cette mesure, qui permet au gouvernement de remplacer les fonctionnaires civils par des militaires et policiers à la tête des deux provinces, a été imposée en mai, et n'a pas entraîné de réduction significative des menaces pesant sur les civils. Au contraire, elle a même soulevé d'importantes préoccupations en matière de droits de l'homme. Par exemple, des fonctionnaires civils et militaires congolais récemment interrogés par CIVIC dans la région de Beni au Nord-Kivu ont souligné l'augmentation des vols à main armée et des pratiques d'extorsion et de taxation illégale par les soldats congolais.

Le cas du Tanganyika

Dans le cadre de son retrait progressif, la MONUSCO prévoit de se retirer l'année prochaine du Tanganyika (sud-est) qui, ces dernières années, a connu une certaine amélioration de son contexte sécuritaire.

Pourtant, la région reste confrontée à plusieurs menaces de long terme : la présence de groupes armés, l'autorité limitée de l'État dans le nord de la province, les tensions intercommunautaires non résolues et les déplacements de grande échelle.

Un retrait prématuré qui ne permettrait pas de poursuivre les efforts de protection ou de prendre en compte les perspectives des civils et du personnel humanitaire pourrait donc avoir de profondes conséquences dans la province, annulant potentiellement tous les progrès faits en matière de stabilité et d'accès humanitaire.

Un représentant de la société civile au Tanganyika a ainsi décrit le retrait de la MONUSCO comme étant une « préoccupation majeure », en insistant sur l'importance des informations que la Mission communique en matière de sécurité, sur l’utilité des escortes qu’elle fournit au personnel humanitaire et les efforts qu’elle mène en dialoguant avec les acteurs armés.

Le même responsable de déclarer : « La plupart des intervenants qui travaillent sur le terrain sont vraiment inquiets. Ils se demandent : Que se passera-t-il lorsque la MONUSCO sera partie ? Que devrons-nous faire pour combler les lacunes causées par le départ de la mission ? »

La MONUSCO et le Conseil de sécurité doivent ainsi reconnaître que la transition de la mission n'est pas linéaire, et être prêts à changer de cap lorsque les conditions pour les civils l'exigent.

Mettre les civils au cœur de la stratégie

Pour déterminer avec précision si les jalons qui constituent la stratégie de retrait ont été atteints, il est nécessaire d’impliquer efficacement les civils et la société civile au moment de l’évaluation de la situation sécuritaire.

Comme expliqué par un leader de la société civile locale au Tanganyika : « La société civile, elle est implantée partout dans la province, même dans les zones les plus reculées. Chaque fois qu’il y a des incidents, ils rapport à la minute, ils documentent à la minute. Et ça, c’est une valeur ajoutée. »

Dans certains cas, les évaluations réalisées par la société civile font un constat sensiblement différent des récits officiels. Plusieurs responsables interrogés par CIVIC à Beni ont suggéré que, contrairement aux affirmations du gouvernement selon lesquelles l’État de siège a été efficace, la sécurité des civils a continué à se détériorer.

Un membre de la société civile à Beni a par exemple expliqué que « malgré l'état de siège, l'insécurité s'est accrue sur toutes les routes principales ». 

Les civils et la société civile disposent également d’outils pour résoudre les questions de protection et adresser les menaces qui pèsent sur leur sécurité qui pourraient être utile à la transition de la MONUSCO - à condition d’être adéquatement reconnus et soutenus.

Les réseaux d'alerte précoce, les plans de protection communautaire et le dialogue entre les habitants locaux, les groupes armés et les forces de sécurité ont tous un rôle important à jouer dans la réduction et la réponse aux violences faites aux civils.

Le plan de transition et les conditions qu'il pose pour un retrait progressif de la MONUSCO au Congo doit aider à attirer l'attention sur la nécessité d'améliorer la difficile condition des civils dans les zones de conflit.

De fait, le Conseil de sécurité devrait approuver et soutenir la mise en œuvre du plan et s’assurer que la MONUSCO et le gouvernement congolais soient tenus responsables vis-à-vis des jalons imposés par le plan en matière de protection des civils.

Plus important encore : le Conseil de sécurité doit reconnaître que le succès de la transition – depuis sa mise en œuvre jusqu’à son suivi – dépendra directement de l’inclusion ou des civils congolais et de la société civile.

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