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Revue de l’année 2005: Crise alimentaire au Sahel

On attribue généralement la grave crise alimentaire qui a frappé les pays d’Afrique de l’Ouest en 2005 aux faibles pluies et à l’invasion acridienne de l’année précédente qui se sont traduites par la destruction des cultures, pâturages et moyens de subsistance.

Mais plus encore que la combinaison de ces facteurs isolés, c’est la pauvreté ancrée dans ces contrées alliée aux problèmes récurrents qui font rarement la une des journaux, qui ont été à l’origine de cette crise, selon les experts gouvernementaux et humanitaires.

Le Niger, pays le plus pauvre au monde, a retenu l’attention des media vers le milieu de l’année. Mais le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Tchad et les autres pays au sud du désert du Sahara ont eux aussi connu une année particulièrement difficile ; une large partie de leur population, principalement des enfants, a été affectée par la malnutrition.

En fin d’année, travailleurs humanitaires et experts du développement ont essayé de tirer les leçons de la vague de famine qui a déferlé sur la région. A cette occasion, les autorités des pays sahéliens ont mis l’accent sur la nécessité de prévenir les crises, et ont vivement critiqué certains acteurs humanitaires pour avoir agi de façon unilatérale.

En 2004, des nuées de criquets pèlerins ont dévasté les cultures de la région, et l’arrêt précoce des pluies a ensuite affecté les végétaux épargnés par les ravageurs, amenant le gouvernement nigérien à informer ses partenaires internationaux des difficultés qui s’annonçaient. Au mois de novembre 2004, il a fait état d’un déficit céréalier de 223 500 tonnes et d’un déficit fourrager de 4,6 millions de tonnes et demandé l’assistance de la communauté internationale.

A la même période, le Programme alimentaire mondial (PAM) a tiré la sonnette d’alarme sur les crises qui s’amorçaient dans la région du Sahel. Au mois de janvier, l’agence onusienne a demandé l’aide des bailleurs de fonds pour fournir de la nourriture à près d’un demi million de Mauritaniens. Au mois de mars, l’agence onusienne a sollicité plusieurs millions de dollars d’aide financière de bailleurs de fonds pour éviter une famine généralisée au Niger et au Mali, les pays les plus gravement touchés par la crise alimentaire.

La crise s’intensifie

Au mois d’avril, l’organisation Médecins sans frontières, qui prend en charge les enfants sévèrement malnutris au Niger, s’est employée à mobiliser les acteurs humanitaires lorsque les taux d’admission dans ses centres nutritionnels ont été trois fois supérieurs aux taux enregistrés les années précédentes aux mêmes périodes.

A ce moment sensible, la décision du gouvernement nigérien de relever les taxes sur les produits de première nécessité pour se conformer aux conditions imposées par le Fonds monétaire international a conduit des milliers de Nigériens à descendre dans les rues, obligeant les autorités à se raviser.

Ce même mois, les Nations unies ont lancé un appel à contributions de sept millions de dollars, qui a plus que quadruplé au mois de juillet, lorsque les centres de nutrition thérapeutique du pays ont été submergés d’enfants faméliques.

Les gouvernements du Niger, du Mali et du Burkina Faso ont alors initié des distributions gratuites de nourriture ou des opérations de vente de céréales à prix subventionnés aux communautés affectées.

Dans ces pays, la malnutrition est chronique, particulièrement durant la période de soudure, lorsque la récolte de l’année précédente est épuisée mais la nouvelle récolte n’a pas encore été effectuée.

« La crise alimentaire de cette année a révélé une crise nutritionnelle endémique », a déclaré Seidou Bakari, le coordonnateur de la cellule crises alimentaires du Niger.

Selon les Nations unies, 13 millions d’enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique en Afrique de l’Ouest. Des méthodes de production archaïques tributaires des précipitations, le climat imprévisible, l’érosion du sol, le faible accès aux soins de santé primaire et à l’éducation contribuent à rendre les communautés vulnérables au moindre aléa.

Dans un rapport, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) indique que les criquets pèlerins et la fin prématurée des pluies ont « exacerbé la pauvreté et la vulnérabilité qui existaient et se sont traduits par une insécurité alimentaire élevée dans les zones pastorales et agropastorales du Niger, du Mali, du Burkina Faso et de la Mauritanie ».

Inflation

Au mois de juin 2005, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a indiqué que les déficits alimentaires dans le Sahel dus aux catastrophes naturelles de 2004 s’étaient traduits par une forte inflation et avaient exposé des millions de Sahéliens aux pénuries alimentaires.

Les difficultés d’approvisionnement dans la région ont également pesé dans la crise. Dans un rapport publié au mois de juillet, le FEWS NET, le dispositif de veille de l’USAID, a indiqué que le Niger, qui importe habituellement les céréales dont il a besoin des pays voisins comme le Nigeria, le Burkina Faso et le Mali, n’a pas été en mesure de le faire en 2005.

« Ces trois pays ont imposé des restrictions d’importations en raison des craintes de famine et de déficits céréaliers dans leur propres territoires, malgré les traités commerciaux qui prohibent de telles mesures », indique le rapport.

Les communautés pastorales dont le bétail constitue la seule source de subsistance ont tout particulièrement souffert des déficits céréaliers et fourragers de 2004. De nombreuses bêtes ont péri et le prix de celles qui ont survécu a tellement diminué, que certaines n’ont plus eu de quoi se procurer des céréales.

Selon l’ONG britannique Oxfam, qui gère un programme d’assistance des communautés pastorales au Niger, la perte du bétail pour un nomade au Sahel équivaut à la perte du compte en banque ou de la propriété d’un résident en occident.

Pour venir à bout de la crise, dans un premier temps, les autorités nigériennes ont opté pour la vente de céréales à prix subventionné au détriment de distributions gratuites. Ce choix a provoqué une levée de bouclier de la société civile qui a reproché au gouvernement son inhumanité, et ranimé le débat sur la meilleure façon de traiter une crise.

La distribution gratuite de nourriture n’est pas aussi simple qu’il y paraît, expliquent les autorités et les experts des Nations unies. Certains bailleurs de fonds imposent aux gouvernements la manière d’utiliser les fonds qui leur sont alloués. En outre, la distribution gratuite de nourriture peut détruire le marché, même s’il est embryonnaire, ou compromettre des mécanismes mis en place pour assurer la sécurité alimentaire à long terme.

Mais à la mi-mai, conscient de la gravité de la crise, le gouvernement nigérien a autorisé la distribution gratuite de vivres aux communautés les plus affectées par la crise.

Beaucoup de discours, peu d’action

Le sommet du G8 à Gleaneagles en Ecosse a réuni les chefs d’Etat des puissances les plus riches autour de la question de la réduction de la pauvreté en Afrique au moment où la crise alimentaire dans le Sahel commençait à retenir l’attention des media internationaux.

En juillet 2005, après que les télévisions du monde entier aient diffusé les images d’enfants squelettiques entre la vie et la mort au Niger, les bailleurs de fonds internationaux ont consenti à débloquer des fonds pour aider le Niger. Selon Jan Egeland, le coordonnateur des secours d’urgence des Nations unies, il y a eu davantage de donations dans les quinze premiers jours du mois de juillet que pendant les 10 mois précédents.

Les Nations unies estimaient à ce moment-là que près de 2,5 millions de Nigériens sur les 12 millions que compte le pays ne pouvaient pas se permettre plus d’un repas par jour, et certains étaient réduits à consommer des feuilles et racines sauvages pour espérer survivre.

Fin septembre, le PAM avait reçu 34 millions de dollars sur les 57 millions sollicités auprès des bailleurs de fonds, et pouvait ainsi nourrir 1,7 millions de personnes.

A la fin de l’année, les agences onusiennes avaient reçu 113 millions de dollars.

Les précipitations ont été abondantes au Niger en 2005, et l’infestation acridienne a été contenue, ce qui a permis une récolte excédentaire dans le pays et le reste de la région.

Mais les experts ont prévenu que les conséquences de la crise alimentaire se feraient sentir pendant de nombreuses années, notamment sur les familles qui ont perdu leur bétail ou se sont fortement endettées et qui demeurent particulièrement vulnérables.

En fin d’année, les chiffres avancés par le gouvernement nigérien et les organisations caritatives relatifs au nombre de personnes menacées de pénuries alimentaires divergeaient, mais les acteurs humanitaires s’accordaient sur la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la crise.

Solutions à long terme

La communauté internationale s’interroge encore sur les leçons à tirer de la crise alimentaire dans le Sahel. Cette dernière a remis en question le rôle des organisations caritatives et des gouvernements dans les efforts d’assistance humanitaire.
En décembre, le gouvernement nigérien s’est insurgé contre l’action « unilatérale » de certains acteurs humanitaires.

A l’occasion d’une réunion organisée conjointement par le gouvernement nigérien et le PAM sur la gestion de la crise alimentaire, le premier ministre Hama Hamadou a déclaré que certains membres de la communauté humanitaire avaient sapé la crédibilité et la souveraineté du gouvernement en ne l’impliquant pas dans leurs stratégies d’aide alimentaire et de financement.

« Le plus inacceptable reste cette fâcheuse tendance à déresponsabiliser l’Etat et ses démembrements par certains donateurs, heureusement pas tous, qui pensent qu’ils doivent faire davantage aux ONG et aux Institutions caritatives internationales, plutôt qu’au gouvernement, pour sauver des vies nigériennes », a-t-il déclaré.

Il a également affirmé que la solution durable au problème de la malnutrition était la mise en place de programmes adaptés de lutte contre la pauvreté.

« Il ne sert donc à rien, de continuer, par voie de presse interposée, de mobiliser des aides conjoncturelles, qui apaisent pendant un moment, les angoisses d'une mère, mais la préparent surtout à vivre à nouveau, la rechute inévitable de son enfant et l'incertitude de voir son frère ou sa soeur naître dans des conditions similaires, en raison de la pauvreté qui l'étrangle », a-t-il indiqué.

Des représentants des Nations unies, des gouvernements de la région, des agences humanitaires et de développement ainsi que des bailleurs de fonds se sont rencontrés à Dakar au Sénégal au mois de décembre pour deviser des stratégies de réduction de la pauvreté et la faim dans le Sahel. Sur les 145 millions de dollars que les Nations unies ont sollicité pour la région dans le CAP 2006, près de 70 pour cent seront consacrés à la sécurité alimentaire.

Et l’enjeu est grand. Selon Margareta Wahlstrom, la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence des Nations unies, « les niveaux élevés de malnutritrion compromettent l’avenir de ces pays ».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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