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Le village qui n’aura pas besoin d’aide alimentaire

Melkae Brhanat Tesfay Gebremariam, a farmer in Tigray who lost two of his children in the famine in 1984 Jaspreet Kindra/IRIN
« Nous serons autonomes », a affirmé Gebremichael Giday, chef d’Abreha we Atsebeha, un village situé sur les hauteurs arides du nord de l’Ethiopie, à environ 45 kilomètres de Mekele, chef-lieu de la région du Tigré. M. Giday est sûr que dans 10 ans, ses administrés n’auront plus besoin d’aide alimentaire.

Au village, qui porte le nom d’une église médiévale taillée dans la pierre et perchée sur une des montagnes alentours, 60 personnes ont succombé à la famine en 1984. Un programme « nourriture contre travail » a ensuite été lancé pour permettre de réhabiliter cette terre érodée.

« Tout ce qu’il fallait faire, c’était construire des terrasses pour empêcher l’eau de pluie de dévaler sur les flancs de colline – le sol agit alors comme une éponge, en absorbant l’eau », a expliqué M. Giday. Il s’agit là d’une forme d’aménagement des bassins versants ; chaque année, en raison de l’érosion, un facteur qui contribue grandement à l’insécurité alimentaire, l’Ethiopie perd 1,5 milliard de tonnes de couche arable, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).

Il aura fallu 10 ans pour élever le niveau hydrostatique et permettre ainsi aux villageois de creuser des puits de surface pour irriguer les terres. Aujourd’hui, le village est entouré de vergers et de jardins communautaires regorgeant de maïs et de légumes. « Nous sommes bénis », a commenté M. Giday.

Pour Kahsai Gebremariam, responsable du gouvernement éthiopien et coordinateur de ‘Gérer les ressources environnementales pour permettre la transition vers des moyens de subsistance plus durables’, un programme conçu par le PAM et mis en œuvre par le gouvernement – également connu sous l’acronyme MERET, qui signifie « terre » en amharique, la langue vernaculaire - le village est béni d’avoir un tel chef.

MERET a donné à M. Giday l’occasion d’apprendre des techniques de croisement et d’obtenir de nouvelles semences pour pouvoir cultiver des variétés de maïs à croissance rapide. Depuis lors, il a croisé des mangues avec des pommes - un mets délicat qui paie bien dans les marchés d’Addis-Abeba, capitale du pays - et fait connaître un grand nombre de nouveaux légumes aux villageois.

« Avant, ils ne mangeaient que des céréales ; maintenant, ils savent qu’ils peuvent se nourrir de légumes et de fruits et aussi gagner de l’argent », a expliqué M. Gebremariam, coordinateur de MERET. Les fermiers des villages voisins viennent d’ailleurs régulièrement comparer leurs différentes méthodes et échanger des astuces dans le cadre des échanges entre fermiers prévus par le programme.

Abreha weAtsebeha  village in Tigray has become almost self-sufficient in food
Photo: Jaspreet Kindra/IRIN
A Abreha we Atsebeha, les villageois ont presque atteint la sécurité alimentaire
Aujourd’hui, presque tous les villageois gagnent leur vie en vendant leurs fruits et légumes, mais certains ont encore besoin d’aide pendant la période de soudure. « C’est devenu plus difficile avec les pluies », a reconnu M. Giday. « Que récupèrera-t-on lorsque les pluies se feront plus rares ? ».

Melake Brhanat Tesfay Gebremariam, un fermier de 72 ans qui a perdu son fils d’un an et sa fille de six ans pendant la famine de 1984, regarde le paysage austère qui s’étend au-delà des potagers. « Aujourd’hui, c’est différent », dit-il en amharique. « C’aurait été différent pour mes enfants, mais maintenant, ce qu’il y a de mieux à faire, je pense, c’est garder un bon souvenir d’eux ». Aujourd’hui, M. Gebremariam récolte trois fois par an. « J’ai assez de vivres pour nourrir ma famille ».

En Ethiopie, au moins cinq millions d’habitants ont besoin d’une aide alimentaire chaque année, mais l’aide alimentaire n’est pas un concept populaire dans les cercles gouvernementaux et l’on s’inquiète de la dépendance croissante des populations à cette aide.

Tewolde Egziabher, qui dirige les Services éthiopiens de protection de l’environnement et occupe en réalité les fonctions de ministre de l’Environnement, a déclaré qu’il aimait les objectifs de MERET, mais aurait préféré que l’aide alimentaire fournie en échange de l’aménagement des bassins versants - dans le cadre du programme « nourriture contre travail » - fut versée au titre de prêt.

Lorsqu’un projet MERET est lancé dans une zone touchée par la détérioration des terres et l’insécurité alimentaire, a fait remarquer Judith Schuler, porte-parole du PAM, « en gros, les gens n’ont rien, et beaucoup d’entre eux me disent que sans MERET, ils auraient quitté la région ; ils passent leurs journées à chercher de la nourriture », et les bénéficiaires « ne reçoivent d’aide alimentaire que pendant la phase initiale du projet » - trois kilos de maïs par jour pendant trois mois.

Le problème

Au cours de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui a eu lieu à Copenhague en décembre 2009, MERET a été désigné par le gouvernement éthiopien et le PAM comme la solution aux problèmes rencontrés par les pays arides aux prises avec les conséquences du changement climatique dans le monde.

Mais le programme devenu MERET, qui a changé la vie d’au moins 600 000 personnes au cours de ses 20 années d’existence, semble aujourd’hui péricliter. Il manque de fonds. « MERET a besoin chaque année d’environ 21,3 millions de dollars (33 000 tonnes de vivres) pour pouvoir encourage jusque 610 000 personnes à travailler en échange de nourriture. Pour éviter une interruption majeure du programme en 2010, nous avons besoin de recevoir d’urgence 12,6 millions de dollars », a dit Mme Schuler.

Asqual Halefom stands in front of her many orange tress. She is a successful fruit farmer in Tigray
Photo: Jaspreet Kindra/IRIN
Asqual Halefom, près d’un de ses nombreux orangers
Selon M. Gebremariam, coordinateur de MERET, le nombre de bénéficiaires a diminué. « Je comprends que les financements soient une question problématique ; nous voudrions que ce programme soit mis en œuvre dans l’ensemble du pays ».

Mais ce programme est-il viable ? « En ce moment, il n’y a pas assez d’aide alimentaire ; la plupart des bailleurs ont choisi de verser des subventions et préfèrent accorder des fonds au PSNP [Programme « filet de sécurité » productif, un autre programme "nourriture contre travail" composé d’un volet aménagement des bassins versants] », a dit un travailleur humanitaire.

Marc Cohen, chercheur principal chez Oxfam Amérique, a évalué ce programme, il y a deux ans, pour le compte du PAM. « Ce qui permettra véritablement d’évaluer la durabilité [de MERET], a-t-il commenté, ce n’est pas seulement la capacité du gouvernement à mener ce programme sans l’aide du PAM, mais la capacité des communautés MERET à institutionnaliser l’accent mis par le projet sur la planification et la gestion communautaires des activités de développement ».

Selon Mme Schuler, les dons de l’Espagne et de la princesse Haya Bint Al Hussein des Emirats arabes unis, leur ont permis de lancer des activités génératrices de revenus, notamment de pratiquer l’apiculture et l’horticulture, et « à long terme, nous prévoyons sans aucun doute de confier [le programme MERET] au gouvernement ».

MERET s’est avéré utile à bien des égards. « Dans ce domaine, MERET influence déjà le PSNP, un programme de bien plus grande ampleur ; dans le cadre des projets d’aménagement des bassins versants du PSNP, qui représentent le gros des activités du PSNP, on emploie la méthodologie de planification et de gestion communautaires mise au point par MERET », a observé M. Cohen.

« Des comités composés de membres des communautés bénéficiaires choisissent, planifient, gèrent et évaluent le type de projet précis que les ressources de MERET ou du PSNP permettront de mettre en œuvre. En outre, MERET a tenu lieu de projet pilote, dans le cadre duquel des équipes d’agents de vulgarisation ont été postées pour la première fois au sein des communautés. Aujourd’hui, le ministère déploie rapidement ces services de vulgarisation à l’échelle nationale, sur le modèle employé pour la première fois dans le cadre de MERET ».

M. Giday a donné envie à sa femme, Asqual Halefom, de devenir, elle aussi, une fruiticultrice prospère. Ensemble, ils ont acquis des biens d’une valeur d’au moins un million de birrs (74 000 dollars), une somme considérable. « Nous voulons que d’autres agriculteurs réussissent eux aussi, nous voulons que tout le monde cultive ; personne ne devrait jamais dépendre de l’aide alimentaire ». Le gouvernement serait bien d’accord.

jk/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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