Environ 200 millions de femmes n’ont pas accès à des moyens de contraception. Selon les experts, l’augmentation potentielle de la population mondiale pourrait anéantir les progrès humanitaires accomplis.
Depuis la Conférence internationale sur la population et le développement, qui s’est déroulée au Caire en 1994, le montant le plus élevé affecté au planning familial a été de 723 millions de dollars américains, en 1995. Jusqu’en 1999, ces fonds sont restés au-dessus de la barre des 600 millions de dollars, à l'exception d'une année. Selon les dernières estimations, pour l’année 2007, le montant alloué ne s’élevait plus qu’à 338 millions de dollars.
« C’est toute une régression », a estimé Stan Bernstein, démographe pour le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), à IRIN. Et en tenant compte de l’inflation, la baisse est encore plus flagrante en dollars de 1994. Le terme désastre est « tout à fait approprié », a-t-il ajouté, tout en remarquant que le problème semblait avoir été ignoré par les bailleurs de fonds comme par les médias.
Akinrinola Bankole, directeur de recherche internationale à l’Institut Guttmacher, une organisation non gouvernementale (ONG) spécialisée dans la recherche sur la santé reproductive et l’analyse des politiques de santé publique, dont le siège se trouve aux États-Unis, a indiqué que :
« Si la démographie et le financement du planning familial ne bénéficient pas d’un regain d’intérêt, le taux de fécondité, notamment en Afrique subsaharienne, ainsi que l’absence de réponse au besoin de contraception et ce, malgré le désir de ces populations d’avoir moins d’enfants, risquent d’aggraver les conséquences négatives, parfois déjà horribles ».
La directrice exécutive de l’UNFPA, Thoraya A Obaid, a appelé à une augmentation des financements malgré la crise financière. « Nous devons protéger les progrès accomplis et nous assurer de ne pas revenir en arrière alors que de plus en plus de personnes retombent dans la pauvreté ».
![]() Photo: Parwin Faiz/IRIN ![]() |
Selon l’UNFPA, les femmes afghanes ont en moyenne six ou sept enfants. Les problèmes de financement touchent les plus pauvres (photo d'archives) |
Afin de placer le problème parmi les priorités du plan d’action pour le développement à l’occasion de la tenue de la Journée mondiale de la population, le 11 juillet, l’UNFPA a rassemblé, fin juin, à New York, 30 des principaux spécialistes du planning familial, incluant des représentants du Bangladesh, de Colombie, du Guatemala, du Kenya, d’Inde, du Sénégal, de Tanzanie, d’Ouganda, du Royaume-Uni et des États-Unis.
« Dans un sens, la question est victime de son propre succès », a dit à IRIN Carmen Barroso, directrice pour l’hémisphère occidental de la Fédération internationale pour le planning familial (International Planned Parenthood Federation). « Les énormes progrès réalisés dans certains pays, certaines régions et pour certaines catégories de la population ont dissimulé aux yeux des gens les problèmes des autres régions, où les pauvres continuent d’être négligés », a-t-elle ajouté.
« C'est comme déclarer qu'un marathon est fini lorsque le peloton de tête a passé la ligne d'arrivée. Les gens ne mesurent pas le niveau des besoins non satisfaits dans les pays les plus pauvres », a dit M. Bernstein, citant le Kenya et le Pakistan comme exemples de pays où les taux de fécondité, qui étaient en baisse, sont maintenant constants.
« Dans un nombre grandissant de pays, les progrès du passé ne se sont pas reproduits, notamment parce que les choses semblaient être sur la bonne voie et qu’on a donc pensé qu'on pouvait utiliser les fonds ailleurs », a-t-il expliqué.
« Le problème, bien sûr, c'est que chaque année, davantage de jeunes femmes arrivent en âge de procréer et qu’elles n’ont pas bénéficié des campagnes d'information menées 10 ans plus tôt. Avant, lorsque vous arriviez dans un pays en développement, vous pouviez voir des affiches et entendre des messages à la radio en faveur du planning familial. Maintenant, tout ce que vous voyez ce sont des affiches contre le VIH. C'est dans ce domaine que tout l'argent est investi ».
M. Bankole a également indiqué que la baisse de la fécondité dans des régions autres que l'Afrique subsaharienne a laissé croire qu'une baisse dans toutes les régions était inévitable.
Des politiques conservatrices
« Le problème du planning familial a été diabolisé par les ultraconservateurs qui en ont fait un sujet tabou », a dit Mme Barroso.
M. Bernstein a quant à lui cité le lien fait par certaines personnes entre planning familial et avortement.
« Et il existe un lien », a-t-il ajouté. « Les services de planning familial diminuent le recours à l'avortement, c'est aussi simple que ça. Mais certaines personnes placent le planning familial et l'avortement dans la même catégorie : celle des mauvais choix ».
M. Bernstein a également remarqué que la santé reproductive en général et le planning familial en particulier ne faisaient, au départ, pas partie des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), car la santé reproductive et la question des droits de la femme étaient jugées trop controversées. L'accès universel au planning familial d'ici 2015 fait désormais partie de l'objectif d'amélioration de la santé maternelle des OMD, mais son absence initiale a ralenti les choses, a-t-il ajouté.
Enfin, il y a la lassitude due à la persistance du problème. « L'impression générale est que c’est de l’histoire ancienne, qu'on a déjà parlé de la croissance démographique et de ses impacts dans les années 1970 et 1980. Le sujet ne fait plus la une de l'actualité », a ajouté M. Bernstein. « Peu de nouvelles techniques contraceptives ont été inventées depuis. Ce sont toujours les nouveautés, les inventions, qui attirent l'attention ».
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Une clinique mobile offre des soins de santé reproductive au Sri Lanka (photo d’archives) |
Lors d'une récente réunion à Londres, au Royaume-Uni, sur le changement climatique et la démographie, il a été souligné que, malgré la complexité des liens entre eux, la croissance démographique était manifestement l'un des éléments moteurs, principalement à l'échelle locale, de problèmes tels que la déforestation et la gestion de l'eau.
« Les liens ne sont pas évidents, mais il s'agit certainement de l'un des facteurs les plus importants du changement climatique », a indiqué Mme Barroso.
Comme pour la plupart des problèmes, ce sont les pauvres, particulièrement en Afrique, qui pâtissent le plus du manque de financement.
« La population de nombreux pays africains va doubler, voire tripler, d'ici la moitié de ce siècle. Cela pose, je pense, de gros problèmes pour le développement. Nous devons débattre des questions démographiques ouvertement et honnêtement, ce à quoi nous n'avons pas été préparés au cours des 10 à 15 dernières années », a dit John Cleland, professeur de démographie à l'école d'hygiène et de médecine tropicale de Londres, lors d'une conférence de presse en juin.
Mme Obaid de l’UNFPA est du même avis : « je voudrais souligner qu'investir dans les femmes et la santé reproductive n'est pas seulement crucial pour lutter contre la pauvreté, gérer la croissance démographique et atteindre les OMD, mais que c'est également rentable », a-t-elle dit à IRIN.
« Investir dans des services de contraception peut rapporter quatre fois plus, et parfois encore davantage sur le long terme, en réduisant les dépenses publiques nécessaires à la santé, l'éducation, le logement, les installations sanitaires et autres services sociaux ».
Mme Obaid a fait appel aux décideurs pour, maintenant plus que jamais, augmenter les ressources allouées au planning familial. « Je pense qu'aucune des crises auxquelles nous sommes actuellement confrontés, que ce soit la crise alimentaire, financière, celle de l'eau ou du changement climatique, ne peut être surmontée si on n'accorde pas une plus grande attention aux problèmes démographiques », a-t-elle ajouté.
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