La malnutrition contribue à provoquer environ la moitié des 10 millions de décès d’enfants de moins de cinq ans qui surviennent chaque année ; c’est pourquoi il est essentiel d’améliorer la nutrition des enfants, pour pouvoir atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement – fixés par les Nations Unies - relatifs à la réduction de la mortalité infantile.
Ces normes ont été adoptées bien plus rapidement que prévu. « C’est le double du chiffre auquel nous nous attendions : nous nous étions fixé un objectif de 50 pays d’ici à 2010, et aujourd’hui, en 2009, nous en avons 94, alors cela se passe bien », a déclaré à IRIN Mercedes de Onis, coordinatrice OMS de l’évaluation de la croissance ; la mise en place des normes doit être finalisée d’ici à 2012.
Pour expliquer comment ce nouveau système permet de dépister plus rapidement les enfants à risque, Marie-Sophie Whitney, conseillère principale en nutrition chez Action contre la faim (ACF), a donné l’exemple suivant : selon les nouvelles normes, un garçon de six mois mesurant 65 centimètres et pesant moins de 5,7 kilos est considéré comme atteint de malnutrition aiguë sévère ; la barre était auparavant fixée à 4,9 kilos avec le système de 1977, mis en place par le Centre national de la statistique de santé (NCHS), et qui reposait sur des recherches menées auprès d’enfants blancs, nourris au biberon dans le Midwest, aux Etats-Unis.
A 5,7 kilos – une différence de 600 grammes, soit 14 pour cent du poids corporel de l’enfant - le nourrisson ne serait même pas considéré comme atteint de malnutrition aiguë modérée conformément aux normes du NCHS.
Les normes de l’OMS, établies en 2006, reposent sur une étude du rapport poids/taille, taille/âge et de l’indice de masse corporelle, réalisée auprès de 8 440 jeunes enfants et nourrissons sains, nourris au sein, issus de divers groupes ethniques et milieux culturels, au Brésil, au Ghana, en Inde, en Norvège, à Oman et aux Etats-Unis.
« Le risque de mortalité lié à la malnutrition aiguë peut être mieux évalué grâce aux nouvelles normes : les enfants les plus menacés sont dépistés plus tôt, et par conséquent, leurs chances d’être bien soignés sont nettement meilleures, ce qui signifie qu’ils séjourneront moins longtemps dans nos ?centres? thérapeutiques [ils se rétablissent plus rapidement], que le taux d’abandon sera plus faible, et que les traitements seront mieux observés », a déclaré Mme Whitney à IRIN. « Tout cela permet finalement de sauver plus de vies ».
ACF a mis en place les nouvelles normes dans les pays où elles ont été adoptées, mais puisque l’organisme collabore avec les ministères de la Santé locaux, il continue de respecter les normes du NHCS dans les autres pays. « ACF continue de plaider en faveur de ce changement dans les pays qui n’ont pas encore adopté ces normes », a déclaré Mme Whitney.
Alerte précoce
La plupart des programmes de Médecins sans frontières (MSF) ont déjà adopté les normes de l’OMS. « Les véritables avantages, c’est que… nous dépistons davantage de jeunes enfants, à des stades plus précoces de leur perte de poids, au moment où la malnutrition aiguë et les troubles métaboliques qui vont de pair sont sur le point de se développer », a expliqué à IRIN Susan Shepherd, conseillère médicale en nutrition chez MSF.
Photo: Manoocher Deghati/IRIN |
La malnutrition contribue au décès de 10 millions d’enfants chaque année (photo d’archives) |
Mme Shepherd a participé à une étude publiée récemment sur les normes de l’OMS, appliquées à plus de 60 000 enfants âgés de six mois à cinq ans, à Maradi, une région du Niger confrontée à des problèmes climatiques considérables, et qui affiche un taux de retard de croissance élevé.
Selon les nouvelles normes, six à sept fois plus de jeunes enfants se sont révélés atteints de malnutrition aiguë sévère que cela n’aurait été le cas avec l’ancien système, mais cela ne signifie pas qu’il en sera ainsi dans d’autres régions du monde, a-t-elle prévenu. Des études ont en effet montré un facteur de différence de 1,5 à quatre dans d’autres régions.
« Avec l’ancien système, ils seraient passés entre les mailles du filet, ou bien ils auraient été relégués à des programmes de traitement de la malnutrition modérée, dans le cadre desquels ils auraient reçu des aliments de moins bonne qualité et des soins médicaux moins intensifs », selon Mme Shepherd.
« L’expérience menée à Maradi nous a appris une chose : en appliquant ?les normes de? l’OMS, nous n’avons pas été obligés d’augmenter nos capacités d’hospitalisation », a-t-elle indiqué. « Donc, il est bien plus efficace de dépister les enfants plus tôt, quand il est possible de les soigner pendant 45 à 49 jours en consultation externe ».
Les risques en termes de capacités
Selon Andrew Seal, professeur de nutrition internationale à l’Institute of Child Health, au Royaume-Uni, davantage d’études doivent toutefois être menées et davantage de mesures de planification doivent être prises pour pouvoir faire face aux conséquences négatives potentiellement induites par l’adoption de ces nouvelles normes, et notamment à l’augmentation significative du nombre de patients admissibles.
« Il est essentiel de planifier le déploiement des traitements stratégiques et la mise en place des normes de croissance de l’OMS, mais nous ne sommes pas convaincus, pour le moment, qu’assez de mesures aient été prises en ce sens », a-t-il déclaré à IRIN. « Les grandes organisations aux ressources importantes, telles que MSF, ne sont pas du tout dans la même situation que bon nombre de programmes de routine ou que les systèmes de santé publique des pays en voie de développement ».
« A court terme, si les admissions augmentent trop rapidement en raison des conséquences des pénuries alimentaires, conjuguées à la nouvelle définition des cas, les capacités de traitement risquent d’être insuffisantes. Dans cette situation, ce ne sont pas forcément les enfants les plus vulnérables qui bénéficieront des ressources limitées dont on disposera. Une étude récente, menée par MSF, a révélé que le nombre de patients augmentait ?...? lorsqu’on appliquait la nouvelle définition des cas, fondée sur les normes de l’OMS ».
« D’autres travaux ont montré que la prévalence de la malnutrition aiguë sévère pouvait augmenter encore davantage dans d’autres contextes. Malheureusement, ces changements n’ont pas été anticipés par l’OMS avant la présentation des nouvelles normes », a-t-il ajouté, appelant à assurer une évaluation et un suivi minutieux « pour déterminer les réussites, les difficultés et les problèmes liés à la mise en place généralisée de ces changements importants dans la définition des cas de malnutrition. Jusqu’ici, il ne semble pas y avoir de planification systématique en vue de cela », a-t-il estimé.
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