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Les lois sur le VIH, « une arme à double tranchant »

A heavily pregnant woman is given a routine check-up at a donor-funded health clinic in Monrovia on 20 February 2007. The health system has been devastated by more than a decade-long civil war. According to the World Health Organization, the average life Tiggy Ridley/IRIN
L’Afrique de l’Ouest détient le record de la région qui dispose du plus grand nombre de lois sur le VIH en Afrique subsaharienne : plus d’une dizaine de pays de la région ont en effet élaboré des lois anti-VIH, dont certaines s’accompagnent de clauses décrites comme « terrifiantes », ou constituant un danger pour les personnes séropositives.

Dans des pays comme la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali et le Niger, une femme peut être accusée de crime pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires visant à prévenir la transmission du virus à son futur enfant – en suivant, par exemple, un traitement antirétroviral (ARV) pendant la grossesse. La Sierra Leone vient de modifier une clause juridique selon laquelle une mère qui transmettait le virus à son enfant était coupable d’un acte criminel.

Au Togo, une personne qui n’utilise pas de préservatifs masculins ou féminins lors de « toutes relations sexuelles à risque » est considérée comme enfreignant la loi. En effet, dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, les personnes séropositives n’ont pas le droit d’avoir des rapports sexuels non protégés, et ce, peu importe si elles ont révélé leur statut sérologique à leur partenaire.

En Guinée, la loi oblige les futurs époux à subir un test de dépistage du VIH/SIDA avant le mariage, alors qu’au Togo, les travailleurs du sexe doivent se soumettre périodiquement à des tests de dépistage du VIH et autres infections sexuellement transmissibles.

Une loi modèle ?

La profusion de lois anti-VIH n’a pas eu lieu du jour au lendemain. Richard Pearshouse, directeur de la recherche et des politiques au Réseau juridique canadien VIH/SIDA, a dit à IRIN/PlusNews que la plupart de ces lois reposaient sur la loi-type africaine, créée en septembre 2004, lors d’un atelier organisé par Action pour la région ouest-africaine – VIH/SIDA (AWARE-HIV/AIDS en anglais), à N'Djamena, la capitale tchadienne.

La loi-type élaborée au Tchad est un modèle de loi anti-VIH qui présente certaines caractéristiques comme des articles garantissant le conseil pré et post test de dépistage, des services de soins de santé offerts aux personnes infectées par le virus, la protection des personnes séropositives contre la discrimination au travail, lorsqu’elles reçoivent des soins sanitaires et essaient d’accéder au crédit et de souscrire une assurance.

Mais cette loi présente d’autres caractéristiques qui en font « une loi profondément restrictive, problématique et discréditante » et qui comporte de sérieuses failles, a estimé M. Pearshouse, qui a travaillé avec des législateurs dans la région.

Selon la loi-type, une personne dépistée positive au VIH doit dévoiler son statut à son « conjoint ou son partenaire sexuel régulier », le plus tôt possible, ou au moins, au cours des six mois suivant le dépistage. En outre, la loi permet aux médecins d’informer le conjoint ou le partenaire du statut sérologique de leur patient.

La loi exige également que les femmes enceintes subissent un test de dépistage obligatoire lorsqu’elles reçoivent des soins prénatals, alors que les directives internationales suggèrent de proposer un test de routine aux patientes. La loi prévoit aussi une clause qui préconise le dépistage obligatoire afin de régler un litige marital.

L’un des principaux problèmes de la loi-type est le « langage très général » utilisé afin de définir « la transmission volontaire [du virus par le biais] de n’importe quel moyen par une personne qui a pleinement connaissance de son statut sérologique, à une autre personne » - parmi les moyens figurent les rapports sexuels, l’échange d’aiguilles et la transmission du virus de la mère à l’enfant.

M. Pearshouse s’est dit inquiet qu’une telle clause puisse « potentiellement s’appliquer à des catégories de personnes que nous ne voudrions pas incriminer. »

Toutefois, malgré les importants points faibles de la loi-type, au moins sept pays d’Afrique centrale et de l’Ouest s’en sont déjà inspirés afin d’élaborer leur législation anti-VIH nationale et au moins six autres sont sur le point de concevoir des lois semblables.

Certains pays ont choisi de conserver la formulation de la loi telle quelle, alors que d’autres tentent de la simplifier, détériorant ainsi davantage la loi, selon M. Pearshouse.

Une arme à double tranchant

Leonie Amouzou, présidente de l’ONG togolaise, Espoir Vie, une association de personnes vivant avec le VIH/SIDA, a noté que la législation anti-VIH adoptée après l’ébauche de la loi-type était discriminatoire à l’égard des personnes séropositives.

« La loi a été conçue avec un double objectif : protéger les droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA et protéger les personnes séronégatives d’une infection… [mais] en fait, il s’agit d’une arme à double tranchant », a-t-elle estimé.

Cette loi n’est cependant appliquée que rarement. « Jusqu’à présent, je ne connais aucun dossier ayant fini devant un tribunal », a dit Mme Amouzou.

La même situation prévaut au Bénin : le docteur Théophile Hounhouedo, président du Réseau ouest-africain des organisations de lutte contre le sida, a dit avoir rarement entendu parler d’une affaire portée devant les tribunaux au Bénin.

M. Pearshouse a reconnu que de telles lois étaient difficiles à appliquer et que les décisionnaires avaient tardé à réaliser que leur enthousiasme à l’égard des lois anti-VIH était prématuré.

« Dans certains endroits, les gens sont un peu plus critiques à l’égard de [telles] lois, contrairement à autrefois, où les lois étaient adoptées très rapidement et avec peu de consultation », a-t-il noté.

Le Programme commun des Nations Unies sur le sida, ONUSIDA, travaille avec des pays de la région et leur offre un soutien technique en révisant les lois qui ne sont pas conformes aux lignes directrices internationales et compromettent les droits humains. Par exemple, le Togo a commencé à amender ses lois anti-VIH, tandis que la Sierra Leone, la Gambie et la Côte d’Ivoire ont lancé un processus de révision.

Bien qu’il ait estimé que ce serait « très difficile » de changer la législation dans les pays qui viennent de voter les lois criminalisant le VIH/SIDA, M. Pearshouse fait preuve d’optimisme et pense que les pays d’Afrique de l’Ouest modifieront leurs lois anti-VIH afin de se conformer aux droits humains.

« Les pays font preuve de beaucoup de bonne volonté, mais ils ont été maladroits jusqu’à présent », a-t-il conclu.

kn/ft/he/cd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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