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Les mères au foyer luttent pour s’en sortir depuis Nargis

Debout sans dire un mot, les enfants de Khin Sein regardent leur mère entrer, la tête basse, dans leur hutte de fortune, située le long des rives du Pyapon, un cours d’eau du delta de l’Ayeyarwady, région dévastée par le cyclone Nargis.

« Je n’ai pas pu avoir l’argent, les enfants », leur dit-elle sans détour.

Cette femme de quarante-cinq ans a passé une bonne partie de la journée à tenter de convaincre des prêteurs de fonds de lui prêter ce dont elle avait besoin pour envoyer ses enfants à l’école, et mettre du riz sur la table. Mais en vain.

En dépit de taux d’intérêt exorbitants, situés autour de 30 pour cent par mois, Khin Sein est considérée comme une cliente à risque.

Elle et son mari gagnaient autrefois, à eux deux, près de 85 dollars par mois ; lui était pêcheur, elle travaillait à l’épicerie du coin. Mais tout cela a changé, il y a deux mois, lorsque le cyclone Nargis s’est abattu sur le pays, faisant plus de 138 000 morts ou disparus et touchant 2,4 millions des 4,2 millions d’habitants que compte le delta. En quelques secondes, près d’un million d’habitants du delta, ainsi que de la division voisine de Yangon, ont perdu leurs moyens de subsistance.

Un problème généralisé

Une multitude de femmes au foyer comme Khin Sein dans le village d’Outkwin, à Pyapon, une des régions les plus touchées, ainsi que dans l’ensemble du delta, se débattent aujourd’hui pour tenter de s’en sortir.

La plupart des habitants du village travaillaient auparavant dans le secteur florissant de la pêche, mais ils ont vu les revenus de leurs ménages s’envoler en un clin d’œil.


Photo: Contributor/IRIN
Une femme qui vend des légumes à Labutta. Les prix des denrées alimentaires ont augmenté dans l’ensemble du delta de l’Ayeyarwady, dans le sillage du cyclone Nargis
Plus des deux tiers des bateaux de pêche du village ont en effet coulé ou ont été détruits par l’onde de tempête qui a balayé la région. Il faudra plusieurs mois, sinon plus, à la plupart des familles pour s’en remettre.

Certains rescapés du cyclone parviennent à s’en sortir grâce à leurs maigres revenus ; certains dépendent aujourd’hui de la bonne volonté et de la charité d’autrui, et d’autres encore s’endettent.

Les habitants d’Outkwin ont déclaré recevoir deux fois par mois du riz et de l’huile, distribués par les autorités locales, mais ils se sont plaints des petites quantités qu’ils obtenaient.

« Solliciter un prêteur est le seul et unique moyen que nous ayons d’obtenir de l’argent », explique Soe Soe, 28 ans, une autre femme au foyer de la région. Mais les convaincre qu’ils seront capables de rembourser leur dette plus tard est une tout autre histoire. « Même si nous leur montrons que nous sommes disposés à emprunter au taux d’intérêt fixé, il est désormais plus difficile de les convaincre [les prêteurs de fonds] », dit-elle.

La jeune femme a emprunté plus qu’elle ne le pouvait pour acheter du riz, et couvrir les frais médicaux de son petit garçon, né le 3 mai et baptisé Nargis par ses voisins.

« La somme d’argent […] que j’ai empruntée est aujourd’hui supérieure aux revenus de mon mari », admet Soe Soe, dont le conjoint, pêcheur, empoche à peine 30 dollars par mois.

Une autre femme, mère de quatre enfants dont le mari est lui aussi pêcheur, a expliqué qu’elle ne pouvait plus endurer ces difficultés économiques et envisageait d’aller s’installer ailleurs pour trouver du travail. « Nous vivons dans une situation désespérée, ici. Qui peut affirmer qu’il n’y aura pas d’autre tempête qui nous emportera la prochaine fois ? », demande Zin Mar, 27 ans. « Aujourd’hui, nous n’avons pas de revenu supplémentaire. Je ne suis pas allée au marché de Pyapon depuis longtemps ».

Un pouvoir d’achat réduit

Depuis Nargis, le pouvoir d’achat des habitants de la région a été réduit, à mesure que le prix des denrées alimentaires et autres produits essentiels augmentait. Bien que les prix se soient stabilisés récemment, pour beaucoup de produits, ils restent considérablement plus élevés qu’avant le passage du cyclone, ou les mêmes qu’à Yangon, plus grande ville et ancienne capitale du pays.


Photo: Lynn Maung/IRIN
Le petit Nargis, né le 3 mai, le jour où le cyclone destructeur du même nom s’est abattu sur le pays
Le prix du riz à Pyapon est le même qu’à Yangon, bien que les prix devraient normalement être moins élevés, le delta étant un des principaux greniers à riz du pays.

Selon les Nations Unies, en juin, sur les 1,3 million d’hectares de rizières qui se trouvent dans les régions touchées par le cyclone, 60 pour cent avaient été dévastés par la tempête. Environ 200 000 hectares sont trop endommagés pour semer, d’après l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Mais depuis que le riz est acheminé du nord ou des régions qui n’ont pas été touchées par la tempête, les vendeurs de riz de Pyapon disent que le prix de cette précieuse denrée a doublé. Ainsi, avant Nargis, un kilo de riz valait 25 centimes de dollar, et aujourd’hui, il se vend à 50.

D’autres produits ont également été durement touchés. Avant le passage du cyclone, le prix d’un kilo de sel était de 23 centimes de dollar. Aujourd’hui, il atteint près d’un dollar.

Malgré la hausse des prix et les difficultés qui se profilent à l’horizon, de nombreuses femmes au foyer du delta espèrent que le pire est passé. « Si nous avons pu survivre à cette tempête meurtrière et à son onde de tempête, les épreuves actuelles ne sont rien pour nous », affirme Soe Soe, en souriant à son fils Nargis, qui se trouve près d’elle.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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