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Deux amies unies contre l’adversité

Damaris et Nancy étaient amies et voisines dans le bidonville de Mathare, à Nairobi, la capitale, avant que le Kenya ne plonge dans une crise post-électorale, fin décembre 2007. Elles sont restées amies malgré leurs différences ethniques et font aujourd’hui partie des centaines de personnes déplacées dans leur propre pays (PDIP) installées dans un camp à Huruma, un autre bidonville près de Mathare.

Nancy Wanjiru est kikuyue, Damaris Angulu est luhyae. Leurs communautés ont formé deux camps opposés à la suite des élections générales du 27 décembre dernier.

Pourtant, « lorsque je suis arrivée sur la base de l’armée de l’air, le 3 janvier, après que notre maison eut été pillée et incendiée, c’est Damaris qui m’a accueillie, et a partagé sa couche avec moi », a raconté Nancy Wanjiru à IRIN, le 27 février. « Depuis que nous avons été installés dans le chief’s camp [des cités administratives locales, provisoirement transformées en camps de PDIP] à Huruma, Damaris a toujours été là ; elle est comme ma mère ».

Leur amitié illustre la façon dont l’ethnicité cesse d’être un problème dans l’adversité.

« Aujourd’hui, nous souffrons tous ensemble ; il n’est pas question de retourner chez nous, nous n’avons pas de projet pour l’avenir, nous sommes coincés ici », a expliqué Mme Angulu. « Avec Nancy, on s’entend bien parce qu’on vivait ensemble avant, en tant que Kényanes, et qu’il n’y a pas de raison que ça s’arrête aujourd’hui. En plus, les Kikuyus et les Luhyas sont deux ethnies bantoues ; on ne voit pas pourquoi il y aurait de l’animosité entre elles. Et nous aimons aussi les autres Kényans, qui n’appartiennent pas à nos communautés ».

Mme Angulu a emmené ses cinq enfants sur la « terre de ses ancêtres », dans la région de Kakamega (ouest), lorsque les violences ont touché son quartier, à Mathare. Les pilleurs lui ont tout pris, et elle n’a aucun moyen, dit-elle, de savoir comment ses enfants s’en sortent.

« On vivait ensemble avant, en tant que Kényanes »
« Je suis orpheline et je suis séparée de mon mari depuis plus de dix ans ; aujourd’hui, je ne sais pas comment je vais réussir à subvenir aux besoins de mes enfants, qui ne vont plus à l’école », s’est-elle désolée.

Quant aux Wanjiru, ceux qui s’en sont pris à leur domicile et à leur commerce, à Mathare, étaient à la fois de l’ethnie des Kikuyus et de celle des Luos. Pour Mme Wanjiru, le conflit est plus une question de pauvreté et de criminalité que d’ethnicité.

« Ces gens ne sont rien que des voleurs ; ce sont des gens qui ne travaillent pas, qui restent toujours sans rien faire et je pense qu’ils ont attaqué ma famille parce que mon mari tenait un commerce », a-t-elle expliqué. « Mais je les pardonne, je suis chrétienne. Je suis même retournée là où nous vivions et j’ai vu les gens qui ont attaqué mon mari. Ils ont été très surpris quand je leur ai dit que je les pardonnais ».

Les deux femmes se partagent aujourd’hui le peu d’aide humanitaire qu’elles reçoivent dans leur camp de PDIP et se sont juré de rester amies envers et contre tout.

« Quand ils distribuent du lait, nous le gardons pour la bouillie des enfants. Quand on reçoit de l’unga [farine de maïs], on en parle pour savoir comment le partager, qui va le cuire et où trouver des légumes », a indiqué Mme Angulu. « Souvent, nous recevons de l’huile, de la farine et des vêtements ; on ne nous donne pas de kérosène, de légumes ni de réchauds pour cuisiner. Où sommes-nous censées trouver ces choses-là alors que nous n’avons pas d’argent ? ».

Deux mois se sont écoulés depuis le début de l’année et, alors que la crise politique prend une dimension de plus en plus ethnique, le camp de PDIP de Huruma défie les dissensions communautaires.


Photo: Julius Mwelu/IRIN
Le camp de Huruma où environ 550 personnes ont trouvé refuge
« Ici, nous avons des gens issus de différentes communautés ethniques ; nous avons des Kikuyus, des Kambas, des Luhyas, des Luos et des Tesos ; nous avons également des gens de tous les âges, qui vivent tous ensemble sans la moindre tension », a déclaré à IRIN Godfrey Ngugi, PDIP et coordinateur du camp.

Pour M. Ngugi, qui travaillait comme boucher à Mathare avant que les violences n’éclatent, l’avenir des PDIP compte plus que leur appartenance ethnique.

« Tous ces gens seraient disposés à rentrer chez eux s’il y avait la paix et s’ils avaient les moyens de reconstruire leurs vies », a-t-il affirmé.

Avant les violences, Lilian Njeri, 26 ans, était une petite commerçante ; pour elle, la vie de PDIP est dure, mais les PDIP ont mis les tensions ethniques de côté parce qu’ils « souffrent tous », a-t-elle dit.

« Mon mari, qui a été tué au début du mois de décembre alors qu’il se rendait à son travail, était de l’ethnie des Luhyas. Mon fils est donc luhya, pourtant moi, je suis kikuyue », a-t-elle fait remarquer. « Bien que la majorité des gens d’ici soient kikuyus, nous vivons tous ensemble, tout simplement ; les gens d’ici qui appartiennent à d’autres tribus n’approuvent pas ce qui s’est passé chez nous et nous espérons tous que nous ne resterons pas ici longtemps ».

Mme Njeri a expliqué qu’elle ne prévoyait pas de retourner chez elle, à Mathare, car les milices mungikis et talibans y sont encore actives.

« Les Mungikis et les Talibans nous ont empoisonné la vie ; je préfèrerais m’installer dans un autre Etat et recevoir de l’aide pour reconstruire un commerce, plutôt que retourner là où je vivais avant », a-t-elle ajouté.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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